“ I see nothing in your eyes, and the more I see, the less I like ”

feat. amery

C'est dans une salle dont on devinait aisément l'utilité que Freddie avait atterri un peu plus tôt dans l'après-midi. Une salle pas loin d'être impressionnante de par le nombre d'écrans qui s'y trouvaient. De quoi combler, et même plus que ça, la curiosité de bien des fouines. En étant une et s'assumant parfaitement en tant que telle, il est certain que Freddie n'avait pu que s'éterniser en ces lieux. Oh, nul doute qu'elle ne s’enthousiasmerait pas non plus de ce qu'elle pourrait y voir, mais il est certain qu'elle estimait pouvoir y passer un assez bon moment, malgré tout. Et puis au pire, elle y ferait une sieste et estimerait qu'elle n'avait pas pour autant perdu son temps. Mais lorsque ses yeux se posèrent sur les fameux écrans et qu'elle commença à y voir mouver quelques silhouettes, elle en vint à la conclusion que d'ici, elle pourrait assister à des scènes relativement croustillantes, ou tout du moins susceptibles de l'occuper jusqu'au moment où elle décréterait qu'elle ferait tout aussi bien d'aller voir ailleurs. Ainsi donc, c'est avec un intérêt pour le moment intact qu'elle garda les yeux collés sur ce qu'elle avait face à elle, jusqu'à ce que la porte ne s'ouvre et qu'une entrée parvienne à la surprendre quelques peu, suffisamment en tout cas pour l'inciter à tourner la tête en direction du candidat arrivé à l'instant. « Je ne sais pas si comme moi tu es entré ici dans l'espoir d'y être témoin d'un début de troisième guerre mondiale, ou de quoi que ce soit d'un tant soit peu grisant, mais à part des gens qui marchent, qui causent et qui se grattouillent les cou-couilles, il n'y a pas grand chose à se mettre sous la dent, j'en ai peur. » Okay, ce n'était que le début, et elle-même n'était pas encore ici depuis suffisamment longtemps pour assurer qu'il ne se passerait rien. Mais autant dire que c'était mal parti. « Tiens, regarde, elle lui tend gentiment le rouleau de sopalin, alors qu'elle pourrait directement l’assommer avec. Je veux dire, pourquoi est-ce qu'ils se sentent tous obligés d'être aussi chiants ? » Pour sa défense, Freddie était une éternelle insatisfaite et trouverait à redire d'à peu près tout ce qu'elle pourrait voir. Donc bon, autant ne pas faire très attention aux âneries qu'elle pouvait dire, hein.

Très honnêtement Amery avait beaucoup de mal à se repérer dans ce château bien que l'aile dont ils disposaient n'était au final pas si grande que ce qu'il avait pu penser. Toutefois, il y avait encore des pièces qu'il n'avait pas eu le temps de découvrir, ou dans lesquelles il n'avait pas jugé bon de s'attarder plus que de raison. Il faut dire que cette salle de vidéosurveillance, ne l'avait pas particulièrement intrigué à vrai dire. Ce que les autres pouvaient bien faire, l'intéressait bien peu. Il n'était pas du genre intrusif, les autres étaient après tout libres de faire ce que bon leur semblait. Il n'aimerait pas qu'un autre candidat épie le moindre de ses faits et gestes. De toute manière il ne se pensait pas assez intéressant pour que quiconque ait une telle idée en tête. Il est vrai qu'il était plutôt discret, personne ne devait certainement connaître son nom ici. Oh ça ne l'embêtait pas plus que ça au final. Toujours est-il qu'il finissait par entrer dans cette fameuse salle, il ne savait pas trop pourquoi. La curiosité sans doute. Il y découvrait une jeune femme qu'il ne connaissait pas. Elle débite un taux de paroles insensé à la minute. Insensé pour lui qui n'a pas l'habitude de parler autant. Il doit la regarder avec de grands yeux ronds. Visiblement elle s'attend à de l'action, elle voudrait voir les choses bouger. « Pas vraiment à vrai dire je ne sais pas trop pourquoi je suis là. Pas pour voir quelque chose de très intéressant en tout cas. » Effectivement, il n'était même pas là pour regarder ses petits camarades en réalité. Il s'en moquait bien. « Je ne sais pas, je ne dirais pas qu'ils sont chiants. On ne vit pas dans un film après tout. » Non clairement pas à ses yeux il ne fallait pas tout faire pour être intéressant. Et il était en train de se dire qu'elle devait le trouver encore plus chiant que les autres candidats. Tant pis. « Moi c'est Amery au fait. » Pas certain que ça l'intéresse vraiment, il trouvait bon de se présenter.

En soi, peut être ne verrait-elle rien de plus intéressant que des mecs entrain de se curer le nez, mais Freddie avait quand même envie de croire qu'il pourrait se passer quelque chose de suffisamment intéressant pour qu'elle puisse se féliciter de s'être trouvée en salle de vidéo-surveillance. Il suffirait d'un crêpage de chignons dans le dressing ou d'une chute dans le ruisseau pour que son attention soit décuplée, elle qui ne s'attendait quand même pas à ce qu'un homicide ait lieu. Oui, disons que ses aspirations restaient des plus réalistes. Néanmoins, elle ne pouvait nier s'inquiéter fortement du fait que personne n'ait encore fait quoi que ce soit de relativement passionnant. D'où le fait qu'elle ait d'emblée ressenti l'envie de communiquer son désarroi au jeune homme qui entra à son tour. Et alors qu'elle se demanda si tout comme elle il s'était dit qu'il pourrait y observer des situations susceptibles de faire sa journée, elle apprit qu'il était entré ici plus par hasard qu'autre chose. Elle fut d'abord tentée de ne pas le croire, estimant qu'étant donné que la fonction de cette pièce pouvait difficilement s'ignorer, il fallait être vraiment à l'ouest pour débarquer ici sans avoir l'intention d'y satisfaire sa curiosité. Mais puisqu'elle ne le côtoyait que depuis moins de quinze secondes, elle allait éventuellement lui laisser le bénéfice du doute. « Ça n'est pas plus mal, au moins tu ne risques pas d'être déçu. » Contrairement à elle, qui avait quand même fondé d'un peu trop grands espoirs sur ce qu'elle verrait ici. Quant au reste, elle s'étonna quelques peu de ses dires, mais ne put que les approuver. « Bah oui, parce que si l'on vivait dans un film, tu penses bien que la moitié du nid serait déjà morte assassinée par un tueur psychopathe armé d'une scie à métaux, pendant que l'autre moitié se planquerait en devant faire face à une coupure de courant, survenue à ce moment bien précis, et éclairerait la totalité du château avec une seule et fière petite allumette. » Oui, elle avait une vision très clichée du Cinéma. « Là, au moins, y'aurait un peu d'action. » Parce qu'en attendant, le plus gros drame susceptible de se produire était que des doigts restent coincés dans une porte, hm. « Et moi c'est Freddie. Comme tu le vois, je me fais un tout petit peu chier. » Mais ça, il avait du le conclure au moment où elle avait espéré un carnage à coup de rouleau de sopalin, hein.

A vrai dire cette pièce l'intéressait guère, il ne savait même plus pourquoi il avait décidé d'y mettre les pieds. Pouvoir épier les autres candidats était à ses yeux, presque malsain. Ils étaient déjà suivis vingt-quatre heures que vingt-quatre par les téléspectateurs, s'il fallait en plus rajouter leurs colocataires, ils ne s'en sortiraient jamais. Donc loin de lui l'idée de se rendre dans cette pièce pour voir ce que pouvaient bien faire ses camarades. Il s'en fichait pas mal à vrai dire. il avait déjà assez à se soucier de sa propre aventure, et de sa santé mentale en étant enfermé ici pour venir se soucier des autres. Bien sûr il ne se fichait pas totalement des candidats mais il n'avait pas envie de savoir ce qu'ils faisaient à toute heure de la journée. Et il avait bien du mal à comprendre comment l'on pouvait s'adonner à ce genre d'activités. Il juge beaucoup oui, il ne peut pas s'en empêcher. Donc quand il voit cette jeune femme qui visiblement s'attend à voir ses camarades s'entretuer ou faire des choses intéressantes pour alimenter des ragots, ou du moins c'est ce qu'il s'imagine, il ne peut pas s'empêcher de la juger. Lui il est clair qu'il ne sera pas déçu, elle n'a pas tort. Il a l'impression qu'elle vit dans un film, ces choses-là qu'elle s'imagine, n'arrivent pas dans la vraie vie. « Je pense surtout que tu regardes trop de films d'horreur. Parce que tu sais qu'il y a d'autres genres de films non ? » réagit-il à sa remarque. Parce que oui c'était tout de même inquiétant ce qu'elle venait de dire non ? Du moins, c'est ce qu'il pensait. Mais enfin il jugea bon de se présenter, c'était la moindre des politesses non ? Elle s'appelait donc Freddie, et se faisait chier. Il pouvait aisément le deviner. « Freddie c'est ton vrai prénom ? » Il était curieux de le savoir, parce qu'après tout c'était plutôt un prénom masculin. « Et tu n'as rien trouvé de mieux à faire que de venir épier les candidats ? » Il était simplement curieux, pour lui il y avait des tas d'autres choses à faire, plutôt que de venir s'enfermer dans cette pièce.

Non, attendez, la vie n'était pas un film ? Et dire que Freddie avait toujours espéré vivre deux guerres, six catastrophes naturelles et finalement mourir dans un accident de voiture après trente-six tonneaux et dans une incroyable explosion sur fond de musique dramatique. Ce n'était donc pas ça, la vraie vie ? Qui l'eut cru, hein. Non, plus sérieusement, il va de soi que Freddie savait bien, dieu merci, qu'il était peu probable qu'un psychopathe de l'asile du coin se soit échappé et ait trouvé refuge ici, en se mettant finalement en tête de buter tout le monde, et en jouissant du fait que la météo soit de son coté. En tout cas, tout ça prouvait sans mal que la culture cinématographique de l'anglaise laissait quelques peu à désirer, vu qu'il est vrai qu'il lui était venu à l'esprit les situations les plus clichées qui soit. « Non, c'est vrai ? On m'aurait donc menti sur ça aussi ? » qu'elle s'exclama en tout cas, faussement éberluée. Encore heureux qu'elle savait, malgré tout, que tous les films ne se résumaient pas à ce que leurs protagonistes meurent les uns après les autres et à l'issue d'une trame parfois très illogique. Elle avait beau être aussi cinéphile qu'une cuiller à soupe, elle sortait un minimum le dimanche, quand même. Les présentations furent en tout cas faites et semble-t-il que son prénom intrigua suffisamment son interlocuteur pour que celui-ci cherche à le vérifier. Honnêtement, elle avait l'habitude. S'appeler Freddie, c'était porter un nom peu attendu chez une femme et qui amenait à se poser des questions. « Celui que l'on m'a donné, oui. Le seul et l'unique. Et ça n'est même pas une erreur, tu te rends compte. » Elle le lui formula en un sourire un peu narquois, vu qu'en effet ses pères l'avaient nommée Freddie sans croire qu'ils nommaient un garçon. Non non, c'avait été purement volontaire, on ne le lui avait que trop dit. « Et bien non, figure-toi que mine de rien, sur le moment ça m'a vraiment semblé être une sacrée bonne idée. » C'est surtout qu'elle n'avait pas tant réfléchi que ça, et qu'elle avait été curieuse de découvrir les lieux. « Je te mets au défi de m'occuper, du coup. Comme ça tu ne seras pas entré ici pour rien. » Promis, elle ne serait pas trop difficile. Oui, bon, elle essaierait surtout.

Il ne voyait pas vraiment l'intérêt qu'elle pouvait retirer en venant ici dans l'espoir de voir les autres faire des choses susceptibles de l'intéresser. Il faut dire qu'il est assez terre à terre, et son imagination ne le porte que jusqu'à imaginer deux personnes conversant ensemble. C'est la chose la plus folle qu'il puisse imaginer ici, ou du moins il ne cherche pas très loin et ne s'attend à voir personne piquer une crise de colère. Encore moins à s'entretuer, il faut croire que la jeune femme à passer une trop grande partie de son temps à regarder des films d'horreur. Au ton de sa voix, il se doutait qu'elle n'avait pas bien saisi l'ironie dans son intonation. Tant pis il n'était pas non plus là pour se faire bien voir. « Je crois bien que oui. » Oh oui il avait parfaitement saisi son ton sarcastique, mais étant donné qu'elle n'avait pas fait l'effort de noter l'ironie dans sa remarque, il ne voyait pas pourquoi il devrait en fait autant. Et puis vint le tour des présentations, ce qui était tout à fait normal aux yeux d'Amery qui aimait bien malgré tout, savoir à qui il avait à faire. Il était tout de même curieux de savoir si Freddie était son véritable prénom, puisqu'après tout il était masculin au départ. « C'est joli Freddie, simplement inhabituel pour une fille. » Oui et puis il pouvait comprendre ses parents après tout ce n'était pas évident de trouver un prénom à son enfant, il en savait quelque chose. Il se permit de lui poser une autre question, n'avait-elle rien de mieux à faire que d'être assise dans cette pièce à regarder ses camarades ? Visiblement elle avait pensé que c'était une bonne idée au départ, et maintenant elle attendait de lui qu'il l'occupe. « Tu t'adresses à la mauvaise personne, je risque de t'ennuyer encore plus. Et puis je ne te connais même pas c'est difficile. » Oui difficile de savoir comment occuper une personne quand on venait seulement d'apprendre son prénom, la tâche était à ses yeux sacrément ardue, lui qui avait du mal à s'occuper lui-même.

Que tout le monde se rassure, oui, Freddie le prenait pour un imbécile. En tout bien tout honneur, évidemment. C'est juste qu'elle n'avait jamais eu beaucoup d'humour et qu'elle était aussi peu habile pour en faire que pour interpréter celui des autres. Néanmoins, elle ne cherchait ni à le vexer, ni à lui apparaître comme quelqu'un de désagréable. Il fallait simplement s'habituer au ton que pouvait parfois adopter la jeune femme, qui s'il pouvait sembler absolument moqueur ne l'était pas tant que ça. Elle mouva en tout cas doucement la tête aux propos de son camarade, faussement désolée d'apprendre que sa vie n'avait alors été qu'un enchaînement de mensonges, ce qui n'était pas le cas, bien sûr. Ils se présentèrent ensuite l'un à l'autre, parce qu'en effet ça pourrait s'avérer pratique à l'avenir. Le prénom de l'anglaise sembla alors étonner le candidat, comme il en étonnait beaucoup à vrai dire. « C'est parce que Mercury et Spencer, entre autres, ont induis tout le monde en erreur, en bougres qu'ils sont. » Ou était, plutôt, pour le chanteur « J'avais sept ans quand le premier est mort, et je ne comprenais pas qu'on associe sans arrêt mon prénom au sien, qu'on s'en moque surtout. Alors, à l'adolescence, j'ai fait quelques recherches. Et il s'avère que ce prénom est aussi féminin que masculin, si ce n'est pas plus. Mais les hommes aiment le porter comme un diminutif, alors ça n'aide pas. » Non pas qu'elle cherche nécessairement à rendre justice à toutes les Freddie ayant souffert un jour de commentaires désobligeants sur le prénom, mais presque. Quant au reste, il semblerait qu'il ne faille pas compter sur Amery pour la tirer de son ennui, lui qui disait être mal placé pour ça. « C'est cruel de vouloir m'achever » qu'elle souffla alors, toutefois d'un ton léger, faisant quelques pas à travers la pièce puis se retournant vers lui. « Et tu sais, ils ne me connaissent pas non plus, et pourtant ils se permettent de m'ennuyer. C'est pire. » Une façon comme une autre de laisser entendre qu'il n'était pas utile de se connaître, que ce soit pour s'ennuyer mutuellement ou se distraire. C'est qu'elle aimait jouer sur le sens des mots. « Regarde les écrans, choisis un candidat - que tu as déjà rencontré ou non - et imite-le. Je devrais deviner qui tu as choisi. » Et elle regarda ailleurs pour ne pas être tentée d'intercepter son regard. Car non, il n'avait pas le choix. Ça se saurait, hein.

Il faut le dire il connaît peu de Freddie, bon d'accord en réalité il ne connaît personne qui se prénomme comme ça, mais il est étonné de voir ce prénom porté par une fille. Oh c'est un très joli prénom et qui au final va plutôt bien à la jeune femme mais pour lui c'est un prénom plutôt masculin. C'est pourquoi ça l'a étonné dans un premier temps qu'elle porte un tel prénom. Mais elle vient lui expliquer que c'est un prénom tant masculin que féminin, voire plus féminin visiblement. Et elle lui explique aussi que c'est à cause de Freddie Mercury notamment que les gens pensent cela. Enfin elle parle beaucoup surtout, c'est ce que remarque Amery, il ne lui en demandait pas tant. « Ah d'accord. C'est ... intéressant à savoir. » Il ne voulait pas lui casser son délire, mais disons qu'il avait peut-être décroché à un moment de son discours. Ce n'était pas contre elle mais honnêtement il ne lui avait pas demandé de faire un exposé sur son prénom. D'ailleurs il ne sait pas bien non plus comment la sortir de son ennui. Il se considérait plutôt ennuyant lui-même et de plus il ne la connaissait pas assez pour savoir quoi faire pour la divertir. Elle lui en demandait beaucoup. « Ils le font exprès, c'est d'autant plus terrible. » Oui bien sûr, ils faisaient tous exprès d'ennuyer Freddie, ils savaient tous qu'elle était en train de les regarder et ils ne voulaient pas lui faire le plaisir de la divertir. Et maintenant elle voulait qu'il imite quelqu'un du château, elle savait vraiment pas à qui elle s'adressait. « Non je ne suis pas doué pour ça, et je ne connais personne suffisamment pour pouvoir les imiter. Vraiment je n'ai pas envie. Mais tu n'as qu'à le faire toi, ça te fera passer le temps non ? » Oui ce n'était pas une bonne idée ? Peut-être pas. « On peut peut-être aussi apprendre autre chose que le prénom de l'autre. » Oui il aime bien savoir à qui il s'adresse en fait, c'est un point primordial à ses yeux.

Okay, peut être n'était-il pas très utile de mentionner l'époque où elle avait quelques peu souffert de moqueries au sujet de son prénom, vu que son camarade n'en avait légitimement pas grand chose à faire. Mais comprenez bien que Freddie n'était pas disposée à en tenir compte. Si ça ne l'intéressait pas, et bien c'était dommage, parce qu'elle avait tout de même pris la peine de lui expliquer ce qui en soi rendait quelques peu inconcevable qu'on s'étonne du fait qu'elle porte un nom pourtant a priori féminin. Et ça, croyez bien qu'il fallait l'avoir entendu une fois dans sa vie. Ainsi donc, lorsqu'il ne se montra pas franchement transcendé par son discours, l'anglaise adopta une mine résignée. « Oui, je sais, je suis facilement chiante quand je me mets à raconter ma vie. Ça n'intéresse jamais personne, c'est fou. En vérité, je ne suis qu'une incomprise. » Et comme ça n'était absolument pas son genre de se victimiser, disons qu'elle était très probablement entrain d'user de second degré, ce qui chez elle se rapprochait en quelques sortes de l'humour, disons. En tous les cas, entendons-nous bien, le fait qu'il ne la connaisse que depuis un peu plus de trois minutes ne l'empêcherait pas de distraire la jeune femme, qui comptait véritablement sur son camarade pour sortir un court instant de l'ennui qui lui pesait désormais beaucoup trop. Ainsi, mouvant solennellement la tête à ses propos, elle ne manqua pas de soupirer lorsqu'il refusa d'imiter l'un de leurs camarades. Pourtant, ça n'était pas grand chose, hein. Elle ne lui demandait pas d'imiter les quatre Beatles d'un coup, simplement un péquenot au hasard. Mais ce qui aurait du le motiver sembla l'amener à se complaire dans toute sa mauvaise volonté. « Tu me veux du mal, maintenant j'en suis certaine » qu'elle énonça, de son ton fataliste. « Et non, je ne vais certainement pas m'embêter à faire ce que tu aurais du faire avec enthousiasme. » Donc ouais, pour le coup elle préférait presque continuer de s'ennuyer en fait. « Et que pourrais-je bien t'apprendre sur moi ? Que j'ai vingt-neuf ans, a priori toutes mes dents, que je vis à Londres, que j'y aide la police à élucider des crimes, que je vis avec mon chien et que je ne sais pas qui de nous deux mon voisin déteste le plus ? Tout ça, ça te fait une belle jambe de le savoir, non ? Et le pire, c'est que moi je m'ennuie toujours. » Rappelons que c'était quand même le point problématique de l'après-midi, hein.