Depuis l'intervention d'Esther sur le blog de la production, j'attends fébrilement la journée du vendredi, la promesse d'un temps orageux me rendant toute palpitante d'excitation. Je n'y peux rien, j'ai une âme d'enfant, et l'orage me fait toujours un effet fou. Quand les éléments se déchaînent, je trouve ça magique. Et tant que je suis à peu près certaine d'être en sécurité, ce genre de spectacle me paraît merveilleux. Alors forcément, quand le tonnerre se met à gronder en fin de soirée, je me réfugie dans le grand salon, perdant quelques minutes en allumant un feu – ce que je ne regrette pas, car ça renforce aussitôt l'ambiance de cet instant particulier. Exaltée au possible, je sautille jusqu'à une des fenêtres, écartant comme je peux les lourds rideaux opaques qui masquent la vision de rêve dont je suis venue repaitre mes pupilles. Ça y est, ça commence. Mais mince, il me manque encore un truc. En quatrième vitesse, je cours jusqu'à la cuisine pour me préparer un chocolat chaud, faisant nerveusement passer mon poids d'une jambe à l'autre tandis que le micro-onde met ce qui me semble être une éternité à chauffer mon lait. L'engin finit enfin par biper, je récupère ma tasse, saupoudront le liquide d'une généreuse couche de Nesquick en poudre, et file aussi vite que je le peux dans le grand salon, en veillant bien à ne rien renverser – c'est loin d'être évident, le mug est brûlant. Mais quand je retrouve mon poste d'observation, force est de constater que je n'y suis plus seule. Un homme se tient là, j'ai oublié son nom, forcément. Il n'a pas l'air trop méchant (mais c'est difficile à juger). J'esquisse un sourire dans sa direction, serrant ma tasse à deux mains, et avance un peu plus dans la salle, en direction de la fenêtre dont j'avais dégagé les rideaux. « T'as vu l'orage ? C'est drôlement chouette ce qu'ils parviennent à faire avec leur technologie et tout, t'es pas d'accord ? » je déblatère alors que je vais me lover au plus près de la vitre.

Le tonnerre grondait dehors. Orson s'extasiait devant ce spectacle tonitruant de la fenêtre de son lit, un livre ouvert entre les mains. Il aimait entendre l'orage en fond sonore quand il lisait. Il n'entendait pas grand chose dans cette chambre, à croire que les murs étaient quasiment insonorisés. Quelqu'un avait fermé les fenêtres en plus. Il referma son livre d'un coup sec qu'il posa sur sa table de chevet. Sa partenaire dormait à poings fermés. Il la regarda à peine lorsqu'il s'extirpa des draps et se leva du lit. Il sortit de la chambre à pas feutrés pour ne pas réveiller certains de ses voisins de chambrée. Il descendit à la cuisine et se prépara une infusion à la pomme-cannelle dans laquelle il versa un peu de miel. Il détestait mettre du sucre. Ce serait presque un sacrilège, en plus. Un anglais, un vrai ne mettait jamais du sucre dans son thé. Surtout dans son Earl grey. Il trouva une boîte de After Eight dans le placard à sa gauche. Il prit deux-trois pochettes qu'il glissa dans sa poche. Il arriva dans le salon et ne vit personne. Il se posa près de la fenêtre en savourant son infusion, seul dans son coin. L'orage tonna lorsqu'il en reprit une lampée. Une personne vint la rejoindre près de la fenêtre. Il se tourna vers elle lorsqu'elle l'accosta. Elle lui parlait de l'orage. La technologie nécessaire pour prévoir le déchaînement des élément ou le temps qu'il ferait le lendemain.  - Oui., dit-il en hochant doucement de la tête. Il l'observa du coin de l'oeil. Son visage était agréable à regarder. Son nom lui revint. Il l'avait brièvement entrevu lors du prime, mais il ne s'était jamais parlé auparavant.  - Aliénor, je crois. Orson. Il se présenta à elle, comme il se devait, sans plus de cérémonie. Il ignorait si il devait lui faire la bise ou lui serrer la main. Il se contenta de la gratifier d'un sourire poli avant de reporter son regard sur l'extérieur. - Tu aimes l'orage, toi aussi, à ce que je vois. , commenta-t-il. Il la voyait s'émerveiller à chaque fois que le tonnerre éclatait dans le ciel obscur.

Dans Into the Wild, il y a cette phrase concernant le bonheur, qui ne serait réel que quand il est partagé, et tout le monde sort cette citation à tout bout de champ, et il y en a qui sont d'avis que cela ne veut rien dire, tandis que pour d'autre elle a une signification toute particulière, et je crois qu'en cet instant présent, je la comprends vraiment. J'apprécie de voir que je ne suis pas la seule à apprécier de cette façon le déchainement des éléments, aussi artificiels qu'il puisse être – et je ne crois pas m'avancer de trop en m'imaginant que c'est le cas de mon camarade. Quand il mentionne son prénom, je m'administre une petite claque au front ; « Orson, c'est ça – j'avais ton prénom sur le bout de la langue, sans parvenir à me le remémorer complètement, c'était très frustrant. C'est original comme prénom. Et plutôt beau aussi. » je fais, rêveusement, en tournant la tête vers la fenêtre, avant de reporter mon regard sur mon compagnon. « Et oui, c'est bien Aliénor, tu as meilleure mémoire que moi. » je le félicite avec un demi sourire. Il évoque ensuite l'orage, et je reporte aussitôt mon attention sur l'extérieur. Magique, tout simplement magique. « Tu vois juste… » je souffle, absorbée par la contemplation de ce spectacle céleste dont je ne serai pas rassasié de sitôt. Un sourire amusé vient se poser sur mes lèvres tandis que j'hausse les épaules. « C'est mon côté gamine, j'imagine. » j'ajoute, un peu embarrassée, peut-être. Mais il n'y a pas de raison de l'être, pourtant, pas vrai ? « Et toi, ça te fait quoi l'orage ? » C'est une question vague, qui appelle à tout un tas de réponse, ou à un silence gêné (c'est selon) mais j'avais envie de la poser, elle me brûlait les lèvres, alors je me lance. Dans l'expectative, je reprends une gorgée de ma tasse.