W. FREDDIE.

Je me réveille aux côtés de Freddie, au petit jour. Je pensais qu’elle dormait, mais elle a l’air aussi matinale que moi. C’est l’idéal, une partenaire pareille, parce qu’habituellement je fais toujours chier les personnes avec lesquelles je dors en me levant le matin – j’ai du mal avec la discrétion. Je me tourne vers elle. Nous n’avons pas eu l’occasion de parler hier soir : après le prime, elle est partie se coucher en premier, avant tout le monde, prétextant un mal de tête. Elle a raté notre élection au titre de couple de la semaine, que j’avais trouvé excellente, surtout après notre dernière soirée en tête à tête. Je suis perturbé, ce matin, parce qu’en croisant mon regard, Freddie ne m’adresse pas de grimace, ne lève pas les yeux au ciel, ne se donne même pas la peine d’un commentaire navrant à mon égard. Je me demande si tout va bien. Conscient que, depuis le temps que nous dormons ensemble, Freddie a maintenant capté que je n’en voulais pas à son corps (de rêve), je reste au lit et, la tête appuyée dans une main et le coude sur mon oreiller, je me tourne pour la regarder, ménageant mon air soucieux pour ne pas lui mettre la pression. « Ça va ?  » Ben, ouais, c’est souvent un truc qu’on oublie de checker à force de passer du temps avec quelqu’un, vous n’avez pas remarqué ? Ce genre de petite question essentielle à laquelle, pourtant, une simple réponse négative pourrait remettre en question l’ensemble de votre collaboration. Je la trouve pâle, mais c’est peut-être un effet de mon imagination. Ou peut-être la lueur de l’aube, toujours maladive, comme disent les poètes, qui n’arrange pas son teint. Ou peut-être qu’elle n’est pas maquillée, non mais qu’est-ce que j’en sais ? « Si tu as besoin que j’aille te chercher quoi que ce soit, tu me le dis  », je lance à voix-basse pour ne pas réveiller tout le nid aux aurores. On pourrait être sceptique, à me voir comme ça, mais je suis attentionné, plus que je ne voudrais bien l’avouer. Surtout avec cette partenaire-là qui, bien qu’elle fasse tout, absolument tout pour me sortir par les yeux, reste quand même un brin plus précieuse que toutes les autres filles du jeu.

La veille au soir, c'est prise d'une migraine que Freddie avait du s'absenter du prime. Elle était allée prendre de quoi se soulager puis s'était allongée un petit moment dans l'attente que ça fasse effet, ce qui toutefois ne fut pas immédiat, ainsi donc elle ne revint sur le prime que pour la fin de celui-ci, ayant raté bon nombre de choses, inévitablement. Elle n'avait cependant pas ressenti le besoin de demander à être briefée, s'étant dit que si qui que ce soit avait véritablement tenu à ce qu'elle soit là sur tout le prime ou s'était ne serait-ce qu'un peu inquiété du fait que ça n'ait pas été le cas, on l'aurait tenue au courant directement. Toujours est-il que ce matin, et bien qu'elle puisse heureusement se satisfaire de ne plus avoir mal, l'anglaise n'était pas en grande forme pour autant, encore un peu assommée sans doute par les cachets qu'elle avait pris et qui, au moins, avaient paré à sa difficulté de trouver le sommeil. Ainsi, elle s'éveilla un peu molle, l'esprit un peu lointain, posant un regard neutre - mais pas indifférent - sur son partenaire, lui aussi matinal semble-t-il. Il y eut alors cette question, qui la surprit peut être un peu, autant parce qu'elle ne s'était pas attendue à l'entendre de sa bouche que parce qu'elle n'avait jamais tellement l'habitude de l'entendre de celle de qui que ce soit. Si elle allait bien, donc. « Un peu dans le coaltar, mais ça va, oui » qu'elle articula d'une voix assez monotone, ayant un peu de mal à lui fournir une meilleure réponse dans l'immédiat, étant donné qu'aussi matinale était-elle de nature, là elle restait un peu dans le pâté. Son partenaire renchérit alors et l'étonna d'autant plus. Après leur entrevue de la semaine dernière, ils n'avaient pas tellement eu l'occasion de se reparler, ainsi donc elle s'était dit qu'après ça, il ne s'intéresserait pas nécessairement à son état. Alors soi il voulait faire un pas vers elle, et dans ces cas-là elle ne pourrait y être que réceptive, a priori, soit il se la rejouait fourbe et attendait quelques secondes pour se mettre à rire. Sauf que bon, elle croyait l'avoir suffisamment cerné pour savoir qu'il était plus probable que sa première hypothèse se vérifie. « Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée » qu'elle souffla vaguement et sur un ton qui pourrait presque laisser penser qu'elle se braquait à nouveau. Pourtant, c'est un sourire teinté d'amusement qui apparut sur ses lèvres. « Le temps que tu ailles me le chercher, je n'en aurai déjà plus besoin. » Sans doute comprendrait-il alors qu'elle reprenait un ton semblable à leur premier échange, remettant sa prétendue lenteur sur la table, pas tant pour le taquiner que pour détendre l'atmosphère. Elle préférait ce genre d'échanges, oui, quoi qu'elle ait pu laisser penser.