Ma petite Aliénor qui me propose une séance cuisine entre filles pour papoter et se goinfrer de chocolat sous toutes ses formes ? C’est juste exactement ce dont j’ai besoin aujourd’hui. Je ne suis pas vraiment dans mon assiette depuis le prime d’hier alors passer du temps avec une personne que j’apprécie énormément ne peut me faire que du bien. Je sais qu’elle va vouloir aborder le sujet Zoran, mais en discuter avec elle me fait bien moins honte que devoir en parler devant tous les autres candidats. Après tout c’est mon amie et je sais qu’elle ne sera que de bons conseils, comme la semaine dernière pour notre petite séance de sport. Enfin, c’est ce que j’espère. Je termine de me préparer et voilà que je fais ma grande apparition dans la cuisine. Je trouve ma jolie brune en train de siroter une tasse de thé. Je lui adresse un sourire et m’approche d’elle pour venir coller mes lèvres sur l’une de ses joues. J’observe les ingrédients qui sont disposés un petit peu partout sur le plan de travail et pose mes mains sur mes hanches. « Je t’écoute. On commence par quoi ? » J’essaye de la faire dévier sur autre chose, sur la recette des cookies par exemple, tout en espérant qu’elle ne pense plus une seule seconde à me poser une quelconque question sur ma relation assez étrange avec Zoran. « Tu fais tes cookies qu’au chocolat ou bien t’y rajoute des éclats de noisette ? » Oui, toutes les questions sont bonnes à poser pour la faire dévier sur quelque chose d’autre. Je lui adresse mon plus beau sourire dans l’espoir de brouiller les pistes et qu’elle ne puisse pas voir que je ne me sens pas très bien là.

Lorsque j’arrive dans la cuisine pour rejoindre mon amie je me dépêche de lui parler de la fameuse recette de cookie dont elle m’a parlé pour éviter les conversations tournant autour de Zoran et de la petite gâterie que je lui ai offerte. « Minute papillon, on commence par les conventions sociales, les politesses d'usages, c’est-à-dire prendre des nouvelles l'une de l'autre, éventuellement se plaindre d'un truc débile ou raconter un ragot juteux – les banalités d'usage, vraiment. » J’fais une petite grimace. Je sens qu’elle va évoquer le sujet dans peu de temps. Je prends la parole pour qu’elle ne puisse pas rajouter quoi que ce soit. « Mais je t’ai fait un bisou en arrivant alors moi j’ai cru que on allait tout de suite se mettre au travail parce que le temps qu’on fasse la pâte, qu’on les fasse cuire, puis qu’on les mange, beh on va y passer toute l’après-midi. » J’prends même une voix de petite fille sur la fin pour qu’elle ne m’en veuille pas trop. J’crois qu’elle ne m’en veut pas trop du tout même puisqu’elle me la donne sa fameuse recette de cookie. « Alors d'habitude je mets que du chocolat pâtissier, mais je rajoute du Nutella pour donner un goût de noisettes. Là vu qu'on en a à disposition, ça serait pas plus mal d'utiliser de véritables noisettes, ça permet d'éviter l'huile végétale et toutes les horreurs contenues dans le Nutella. » Elle me parle de Nutella et j’ai déjà envie de fourrer mon doigt dans un petit pot de pâte à tartiner pour en déguster un tout petit peu. « Ouai, mais peut-être que le Nutella ça donne un petit gout supplémentaire qu’on n’aura pas en utilisant de véritables noisettes non ? » Oui j’suis une gamine. Oui j’ai envie de me goinfrer de Nutella. Je ne le dis pas clairement parce que je ne veux pas passer pour une nana immature ou un truc dans l’genre quoi. Alors que j’attrape un paquet de farine pour en lire la liste des ingrédients – oui on va dire que y’a une liste d’ingrédients sur les paquets de farine hein – la voix d’Aliénor s’élève dans la pièce. « Mais sinon, comment tu vas toi ? » Forcément. Tout le monde me demande comment je vais en ce moment alors Aliénor ma super copine ne peux pas ne pas me le demander. « Très bien. » que je dis en posant mes pupilles sur elle et en lui offrant mon plus beau sourire, un petit peu forcé. « Et toi ? Rien de neuf dans ta vie ? » On ne sait jamais, peut-être que depuis la dernière fois il s’est passé plein de bonnes choses pour elle. Bien que j’en doute puisqu’on est quand même dans un château, loin de toute vie sociale.

Je crois savoir où elle veut en venir. Mon amie a envie que je lui parle de ma petite histoire avec Zoran, mais pour le moment je n’ai pas vraiment envie d’en discuter avec Aliénor. Disons que je n’aime pas qu’on me force la main. J’ai bien envie de lui demander son avis, mais d’un côté j’ai aussi un petit peu peur de ce qu’elle va me dire. Je sais que pas mal de monde me prends, en ce moment même, pour une salope et que quasiment tout le monde pense que Zoran est un mec égoïste qui passe son temps à draguer tout ce qui bouge et qui baise à droite, à gauche. Du coup je n’ai pas vraiment envie d’entendre dire que je suis en train de me planter sur toute la ligne ou un truc dans l’genre. Je la regarde lever les mains vers le plafond, les paumes en avant. Elle est marrante comme ça. « Très bien, j'ai compris, on ne parlera pas de ça, y'a pas de soucis. Tu peux me dire les choses clairement tu sais. Pas besoin de ce genre de détours entre nous. » Je la regarde en souriant, m’approchant d’elle pour la serrer brièvement contre moi et déposer un autre baiser sur l’une de ses joues. « Merci. » J’ai l’impression de la connaître depuis des années et des années. On se comprend en un simple regard. « Si jamais tu veux discuter, tu sais où me trouver. En attendant, cuisinons ! » Ce qu’elle me dit me fait encore plus sourire maintenant. J’ai le sentiment de pouvoir avoir confiance en elle. Je sais que je peux me confier. Je lui adresse un énième sourire, levant mon poing vers le plafond. « Go !! » Je fais un tour sur moi-même avant de partir sur un débat enflammé pour qu’elle accepte de mettre du Nutella dans nos cookies. Elle flanche. « On peut utiliser du Nutella si tu veux. » Je suis aux anges là. Je vais pouvoir me fracasser le bide avec ma pâte à tartiner favorite. Je suis en train de la regarder faire avec le beurre et le micro-onde lorsqu’elle me demande un petit quelque chose : « Tu peux me peser 200g de farine tant que tu y es ? » La farine ? Je la cherche du regard et attrape le paquet une fois que je l’ai trouvé. « Pas de souci. » que je dis sur un air enjoué en posant le doseur devant moi et d’y verser la farine à l’intérieur. Je me concentre pour ne pas en mettre partout. Tout en nous activant je m’occupe de sa petite vie. « Hum, non, je ne crois pas... » Je fais une petite grimace. Rien de neuf alors qu’elle est seconde de la côte de popularité ? Je ne sais pas si elle se moque de moi ou si elle est sérieuse, mais c’est assez étonnant. Je pousse un soupir tout en fermant le paquet de farine pour ne pas faire voler de petits nuages de poussières un petit peu partout. « Bon, t’en pense quoi toi de toute cette histoire ? » Je ne peux pas tenir ma langue plus longtemps. J’ai besoin de savoir ce qu’elle pense de ce que je vis en ce moment. Après tout c’est ma pote quoi.