Je crois qu'on pouvait véritablement dire que j'avais passé une journée à ne rien foutre. Mais vraiment, c'était pas juste une expression utilisée pour dire que j'avais fait des trucs sans importance aujourd'hui ... Non, j'avais véritablement rien fait, du tout. J'avais trainé comme une âme en peine toute la journée, allant d'une pièce à l'autre sans trouver quoi faire pour m'occuper, passant par la salle de musique pour réaliser qu'en fait je préférais me contenter du silence, passant devant la salle de sport en me disant que pour une fois non ... non, et puis je me méfiais là, la dernière fois que j'y avais mis les pieds, c'est à dire pas plus tard que samedi après-midi, j'en étais ressorti avec un œil au beurre noir qui n'avait toujours totalement disparu d'ailleurs. Fallait au moins ça pour que j'en sois à garder toute la journée sur le nez des lunettes que je ne mettais que rarement, et que j'avais même failli ne pas mettre dans ma valise ; En fait j'étais même certain que je ne les avait pas mises, d'ailleurs, alors inutile de chercher bien loin qui les avait rajouté dedans quand j'avais eu le dos tourné. Tout ça pour cacher un peu les dégâts, parce que ça demandait moins de temps que de camoufler ça à l'anti-cernes comme je l'avais fait le soir du prime. Bref, pas la salle de sport non plus. Et pas de lecture non plus, j'avais pas réussi à me concentrer plus de cinq minutes dessus. J'avais déjà passé la nuit dans la salle de projection, alors pas la peine d'espérer que j'y remette les pieds ... et je me méfiais grandement de la forêt, je commençais à soupçonner qu'elle en voulait à ma santé, autant physique que mentale. Et puis finalement, je ne sais comment et pourquoi, en fin d'après-midi, je m'étais retrouvé dans la cuisine et là j'avais eu l'illumination ... j'allais cuisiner. J'avais pas faim, mais qu'à cela ne tienne, ça m'occuperait, et je pourrais toujours laissé ça au frigo pour celui ou celle qui aurait la flemme de se faire à manger et ne se gênerait pas pour se servir. Fouillant dans les placards en quête d'inspiration, j'avais attrapé la bouteille de sauce soja d'un air pensif ... me semblait avoir vu du gingembre, la dernière fois que j'étais allé au cellier. Ah, et de l'ananas bien sûr, toujours. Bref, voilà comment je m'étais retrouvé à cuisiner - hawaiien, forcément - et à ne plus en être au stade je ne fais rien de ma journée et ça me donne envie de me noyer dans l'étang ... y'avait du progrès, quand même. J'étais en train de couper mon ananas en tranches quand j'avais relevé les yeux et remarqué Camille dans l'entrebâillement de la porte. « Bah, t'es pas avec ton ombre ? » que je lui avais alors demandé sur le ton de la plaisanterie, en référence à Freddie. Parce que j'en étais encore resté au chapitre où ils passaient la semaine collés l'un à l'autre moi, je m'étais pas attardé à la fin du prime - vu mon humeur j'avais préféré aller trainer mes mauvaises ondes ailleurs - et j'avais dormi sur un des canapés devant un film, donc. « Mais tiens puisque t'es là, tu peux m'attraper un bol dans un placard, s'il te plait ? » Voilà comment en l'espace de deux secondes j'avais fait de Camille mon commis de cuisine, si jamais il s'ennuyait il me remercierait, et sinon ... bah, je verrais bien, hm. « Ça va ? » avais-je aussi fini par lui demander, surtout que je l'avais pas vu depuis ... dimanche après-midi, en fait, le prime ça ne comptait pas vraiment, d'autant plus que ma séquence SOS maquillage/camouflage m'avait fait arriver à la bourre. Et puis, Camille avait l'air un peu ailleurs, mais je ne savais pas trop s'il était juste perdu dans son monde comme c'était parfois le cas, ou bien si quelque chose le tracassait.

Moi j'avais pas très bien compris. Parce que d'habitude, je passais vachement de temps avec Akela et là, ça faisait maintenant deux jours que je ne l'avais pas ne serait qu'entre-vu. Alors oui, d'accord, le nid était plutôt grand, surtout que le fait d'avoir changé ça en château n'arrangeait clairement rien au tout, mais quand même... Je veux dire... il en avait déjà marre de moi ? Du coup il avait trouvé la première excuse pour partir ? J'avais du mal à y croire quand même, parce qu'Akela, il me semblait qu'il m'aimait bien... Et puis il avait promis de ne pas m'abandonner, enfin, je crois, si mon cerveau savait bien décrypter l'hawaiien, et étrangement, j'en doutais hm. Enfin, voilà, tout ça pour dire que j'avais donc passé les deux dernières nuits tout seul dans mon lit, à me demander si Akela allait finir par revenir, ou si il s'en fichait juste éperdument d'être mon partenaire. J'allais bien finir par retomber sur lui un jour ou l'autre de toute façon, donc je finirai probablement par lui dire. Mais cela voulait dire qu'il n'avait ni croisé Freddie, ni cherché à me voir ? Ça me faisait quand même un peu de peine, hm. Et puis deux jours c'était super long pour moi, surtout coincé entre quatre murs. En deux jours, j'avais le temps de faire plusieurs planche de BD, c'est pour dire à quel point c'était long ! (Et si vous vous posiez encore la question, oui, j'évaluais mon temps par planche, puisque c'est principalement ce qui avait rythmé ma vie lors des derniers mois). Du coup, un peu embêté tout de même, je m'étais dirigé vers la cuisine, sans avoir un réel but précis en tête, avant de finalement tomber nez à nez avec mon partenaire. « Bah, t'es pas avec ton ombre ? » haha, très drôle. « Mais tiens puisque t'es là, tu peux m'attraper un bol dans un placard, s'il te plait ? » Croisant les bras contre ma poitrine, l'air renfrogné, j'avais fini par m'asseoir face à lui, sur l'un des tabourets, lui faisant donc comprendre que je ne comptais pas bouger le petit doigt. « Ça va ? » je devais probablement avoir la tête d'un gamin de trois ans, boudeur, et donc, ça devait être plus drôle qu'autre chose à vrai dire. Mais j'y pouvais pas grand chose moi, pff. « Non, mais tu m'as laissé dormir tout seul pendant deux nuits... » avais-je finalement décidé de dire. « Tu veux plus être mon partenaire, c'est ça ? C'est normal hein, je comprends, t'en fais pas... » fallait bien que ce moment arrive un jour ou l'autre, mais bon, j'étais triste quand même, hm...

Je crois que si j'avais passé toute la journée à errer sans savoir quoi faire de mes dix doigts, c'était parce que je cherchais désespérément une activité qui me permettrait de ne pas penser à ce qui me tracassait depuis le prime. Pendant cinq semaines penser à Benjamin était ce qui me remontait le moral quand j'avais un peu le blues, et là d'un seul coup, c'était devenu la source de mes tracas. La chose qui m'inquiétait et m'empêchait de fermer l’œil la nuit ... Déjà que j'avais passé deux nuits dont je me serais moyennement passé. J'avais eu aucun souci avec Celse hein, le problème n'était pas là, mais bon j'avais fini par prendre mes habitudes avec Camille et j'aimais pas qu'on me change mes habitudes ... Quant à la nuit que j'avais passé sur le canapé, elle se passait carrément de commentaires. Du coup je m'étais un peu jeté sur l'option cuisine avec désespoir, en me disant que cela m'éviterait de penser à ce qui faisait à mes yeux de cette semaine une mauvaise semaine ; Et on était seulement mardi, ça promettait pour le reste de la semaine, j'allais pouvoir préparer de quoi nourrir un régiment d'infanterie si je trouvais rien d'autre pour m'occuper. Et là, comme en réponse à mes prières, j'avais vu débarquer Camille dans la cuisine ... Mais pas Freddie. J'avais pas juste loupé un épisode de toute évidence, j'avais carrément loupé une saison. Mais bon j'étais content de le voir, ça illuminait un peu ma journée je ne vous le cache pas ... Sauf que ça avait pas vraiment l'air réciproque. Et ça me perturbait tellement que je m'étais senti obligé d'arrêter un instant ce que j'étais en train de faire, parce qu'en plus de rien comprendre j'avais pas en plus envie de me retrouver avec un doigt en moins, hein. Camille était là, à me regarder les sourcils froncés, les bras croisés, un peu comme quand je refusais à Leilani un deuxième cookie tant qu'elle n'avait pas fini ses devoirs. Ne sachant pas trop comment réagir, j'avais sortit malgré moi la question con par excellence, je lui avais demandé si ça allait. « Non, mais tu m'as laissé dormir tout seul pendant deux nuits ... » Tout seul ? J'étais pas certain que Freddie apprécie d'être reléguée au rang de rien du tout dans l'esprit de Camille mais soit, j'avais pas dormi avec lui ces deux dernières nuits, et donc ... « Tu veux plus être mon partenaire, c'est ça ? C'est normal hein, je comprends, t'en fais pas ... » Ah, il comprenait. Il avait bien de la chance, y'en avait au moins un de nous deux qui comprenait dans ce cas, mais c'était pas mon cas. D'ailleurs ça devait se voir sur mon visage, parce que je devais avoir l'air d'un ahuri qui ne comprenait pas ce qu'on était en train de lui dire. « Pourquoi je voudrais plus être ... mais attends, t'as dormi tout seul ? Genre, tout seul ? » Et il avait fait quoi de Freddie, il l'avait jeté dans l'étang pendant un moment d'inattention de sa part, ou bien ? « Mais ... enfin, tu devais pas passer la semaine avec Freddie, ou ... ? Parce qu'elle a pas dormi dans son lit, je suis bien placé pour le savoir, je la pensais avec toi moi. » Pour sûr que j'étais bien placé, c'était moi qui avait dormi à sa place. Ou bien à la place de Celse et lui avait dormi à la place de Freddie ? Je savais pas trop, mais c'était pas comme si c'était un détail important. Reposant mon couteau, j'avais quitté Camille des yeux quelques secondes le temps d'aller chercher un bol, parce que si je lui en avais demandé un c'était bien que j'en avais besoin, et pas uniquement pour le plaisir de le regarder ouvrir des placards. J'en avais profité pour baisser le feu sous la casserole où j'avais mis à chauffer la sauce soja, le gingembre et les herbes aromatiques que j'avais trouvé dans un tiroir, puis je m'étais retourné vers mon partenaire « Tu crois vraiment que c'est ce que je ferais, que je te laisserai tomber ? T'as déjà oublié ce que je t'ai dit la semaine dernière ? » avais-je alors demandé sans trop savoir si j'étais réellement déçu qu'il prenne ma parole pour si peu de chose, ou si j'essayais simplement de le rassurer en lui prouvant qu'il faisait fausse route ... sans doute un peu des deux. Ouais, j'avais pas envie qu'il continuer à penser ça plus longtemps, mais j'étais un peu déçu d'être obligé de me justifier pour qu'il en arrive à cette conclusion.