C'était déjà le milieu de la semaine et j'avais l'impression d'avoir passé le plus clair de mon temps à dormir ... sans doute parce que j'avais l'impression d'être tout le temps fatigué, et que du coup je me sentais jamais totalement réveillé. Pourtant ça ne m'empêchait pas de suivre mon petit rituel matinal habituel, à savoir de me lever à une heure où tout le monde roupillait encore, de déjeuner vite fait dans un château encore silencieux - et ça bon dieu que c'était agréable ... - et de descendre jusqu'à la piscine pour me taper mes longueurs quotidiennes. Ça fatigué ou pas je n'y coupais pas, j'en avais besoin comme d'autres avaient besoin de huit tasses de café en se levant pour se sentir opérationnels ensuite. Et puis y'aurait plus manqué que je me rouille en plus de ça, la nage c'était un peu mon outil de travail en quelque sorte, et un outil de travail ça s'entretenait, non ? Bon, le souci c'est que tout ça c'était bien beau mais ça m'occupait en général jusqu'à disons neuf heures, neuf heures et demi si je poussais un peu plus loin que mes deux mille mètres habituels, et le temps de remonter prendre une douche et m'habiller, je commençais en général à m'emmerder vers dix heures du matin. Et après ça j'avais facile douze heures de temps libre à combler, de façon plus ou moins inspirée et plus ou moins désespérée, avant qu'il ne soit l'heure de retourner me coucher. Bon et là ce matin, rien de très folichon, j'avais pris mon bouquin pour essayer de lire mais j'arrivais même pas à me concentrer ... je crois que c'était la pièce, la décoration de cette chambre était vraiment abominable, et donnait limite la migraine. J'étais bien content de dormir dans l'autre à vrai dire, j'étais pas certain que j'aurais pu réussir à trouver le sommeil dans celle-ci, au beau milieu du pays des fées. Mais bon, y'avait personne dans celle-ci contrairement à la mienne, alors j'étais plus tranquille ; Et je n'embêtais personne non plus, j'étais sur le lit de Betty, alors à priori plus personne ne dormait là. Assis en tailleur, j'essayais donc distraitement de terminer la page sur laquelle je buggais depuis facilement dix minutes, quand j'avais remarqué quelqu'un venir dans ma direction dans ma vision périphérique, et finalement s'allonger à côté de moi sur le lit. Henley. Et son désormais inséparable carnet, bien entendu. D'ailleurs, elle n'avait pas tardé à le dégainer pour y griffonner quelques mots qu'elle m'avait ensuite montrés « Ça craint de devoir fermer sa gueule. » Ah bah, c'est sûr que je préférais elle que moi pour le coup, même si ça valait sans doute mieux que j'évite de lui dire, hein. Refermant mon bouquin après avoir glissé à l'intérieur la photo qui me servait de marque-page, j'avais reposé mon regard sur Henley « Avoue le, si c'était quelqu'un d'autre ça te ferait marrer. » Au moins un peu, non ? Enfin je sais pas, de mon point de vue ça avait un côté marrant, du moment que j'étais pas celui qui était concerné ... Même si, à vrai dire, si ça avait été à moi de choisir qui devait la fermer pendant une semaine c'était pas Henley qui en aurait écopé, mais bon. « Enfin bon, au moins tu as rendu la monnaie de sa pièce à la responsable, hm. » Je voyais pas trop pour quelle autre raison elle aurait décidé de nominer d'office Aliénor à vrai dire. Pas que ce ne soit pas une bonne raison hein, la principale intéressée avait bien du se douter que celui lui tomberait sur le coin du nez dès l'instant où elle avait appris la possibilité pour Henley de nominer quelqu'un d'office. Tout comme avoir nominé Eibhlin me retomberait peut-être dessus, qui sait ... mais bon.

Elle n'était pas de bonne humeur, bon. C'était pas forcément inhabituel avec Henley, mais disons que pour une fois elle avait une raison imparable de l'être et qu'on ne pouvait pas le lui reprocher. « C'est de sa faute. » Certes, c'était un peu le concept de l'arroseur arrosé dont Aliénor faisait les frais après qu'Henley en ait été la première victime. La voyant griffonner de nouveau sur une nouvelle page de son carnet, j'avais patiemment attendu qu'elle termine et me montre la suite de sa conversation « C'est une pauvre conne. » Bon, si elle voulait. « Je nomine les connes, c'est tout. » Je savais pas vraiment ce qu'il en était concernant Aliénor, enfin dans le sens où je lui avais jamais vraiment parlé quoi, donc j'avais pas trop eu l'occasion de me faire un avis à son sujet ... Mais bon, je comprenais Henley sur le principe « A qui le dis-tu. » que j'avais tout de même fini par répondre d'un air un peu blasé, parce que j'avais pas meilleure estime d'Eibhlin pour ma part en fin de compte, c'était bien pour ça qu'elle avait fait les frais de mon propre choix. J'aurais pu me sentir désolé hein, au début je l'avais sans doute été un peu ... Mais bon, ça c'était avant que la dite Eibhlin ne recommence à criser comme une gamine capricieuse, et que je me souvienne pour quoi elle et pas quelqu'un d'autre. Si y'en avait une qu'on aurait du priver de parole cette semaine c'était elle. Je m'apprêtais à demander quelque chose à Henley lorsqu'elle me chipa mon livre sans prévenir et sans que je sois assez rapide pour l'en empêcher « C'est qui ? » qu'elle l'avait alors demandé en se saisissant de la photo avec laquelle j'avais marqué ma page ; Je savais même plus où j'en étais dans mon bouquin, pour ce que j'arrivais à me concentrer dessus jusqu'à présent ... Du coup j'avais levé les yeux au ciel, un truc qu'elle-même semblait maitriser à la perfection depuis le début de la semaine. « Pourquoi, t'es de la police ? » que j'avais alors demandé d'un ton légèrement sarcastique, avant de récupérer au moins mon bouquin, à défaut de lui arracher la photo des mains. Bon, à en juger par le regard qu'elle m'avait lancé elle ne prenait pas ça pour une réponse valable, du coup j'avais fini par soupirer avant de répondre « Ça c'est mes deux sœurs, et à côté c'est le mari de la plus âgée. Et là c'est mon mari. » tout en désignant vaguement le seul blond de la photo. Un grand blond et trois asiast', mais bon parait-il que nous les bridés on se ressemblaient tous de toute façon, ahah. Hm. C'était une photo qui avait vécu, du genre un peu froissée et cornée sur les côtés ; Elle avait bien six ans ou presque. L'époque où je n'apparaissait par principe sur aucune photo, mais de toute façon c'était pas pour voir ma propre tronche que je la gardais, celle-ci, hein. Bon, elle avait eu sa réponse, j'avais bien le droit d'en faire de même du coup ? « Et toi, t'as une photo de ta fille ? Histoire qu'on soit plus ou moins à égalité, tu vois. » Et puis bon, elle était muette mais ça l'empêchait pas de faire quelques pas jusqu'à son lit et ses affaires, elle devait bien en avoir amener au moins une de photo, non ? Et puis généralement, les parents ne rataient jamais une occasion d'exhiber leur progéniture.

J'étais pourtant du genre pas vraiment exigeant avec les autres, je prenais les gens un peu comme il venait et pour peu qu'ils ne soient pas des raclures sans aucun espoir d'amélioration ça me suffisait. Alors peut-être que j'étais en train de devenir un vieux con, si ça tombait dans trente ans je serais même la caricature du vieux con, mais merde j'avais pas le souvenir d'être aussi insupportable qu'Eibhlin à dix-neuf ans ... c'était genre marrant, au tout début, mais de toute évidence elle n'avait pas de notion de trop c'est trop, et à la longue ça devenait surtout usant de l'entendre et de la voir se comporter comme s'il n'y avait qu'elle dans le nid, hm. « Bien joué pour Eibhlin. » presque aussitôt suivi de « C'est une pauvre conne aussi. » ce à quoi je n'avait pu m'empêcher de sourire avec amusement, parce que ça en faisait au moins une qui ne m'accuserait pas de crime de lèse-majesté parce que j'avais foutu aux nominations cette gamine colérique. « A la bonne heure. » que je m'exclame finalement avec approbation, tout en m'étirant un instant ; J'avais fini par me coller mal au dos à force de lire assis en tailleur de cette façon, penché sur mon bouquin. Je ne me faisais pas grandes illusions ceci dit, je savais très bien qu'Eibhlin avait bien peu de chances de sortir dimanche soir ... A vrai dire je l'avais surtout choisie dans l'espoir qu'elle la mettrait un peu en veilleuse au moins cette semaine. Je savais pas trop si ça avait marché, mais bon. Henley avait de toute façon décidé de changer de sujet, c'était assez incroyable cette capacité qu'elle avait à diriger une conversation sans ouvrir la bouche d'ailleurs, elle était presque douée à ce jeu finalement « ABRUTI. » qu'elle me lance finalement devant mon hésitation à répondre. En gros, en majuscules et souligné s'il vous plait ... C'était sans doute pas l'effet souhaité, mais je m'étais juste mis à rire tant la situation en elle-même était comique, le fait de la voir perdre patience en silence et tout. Oui bon, j'avais fini par lui répondre de toute façon, c'était pas comme si c'était un secret, qui était sur ma photo. Si ça devait être un secret je la laisserais pas trainer, cela allait sans dire. Mais du coup j'en avais profité pour lui demander si elle n'avait pas une photo de sa fille sous la main, parce que j'étais curieux et que c'était l'occasion ou jamais de demander ... de toute évidence oui, puisqu'elle me faisait signe d'attendre deux secondes, et que j'en avais profité pour ranger ma propre photo entre deux pages prises au hasard de mon livre. Revenant à sa place, elle m'avait tendu un cliché que j'avais observé un instant, m'exclamant avec étonnement « Ah ouais, elle est vachement plus vieille que je l'imaginais, tu fais absolument pas ton âge. » avant de me mettre à rire. Non mais ça je déconnais, j'avais bien compris que c'était le mini-pouce blond sa petite, et pas l'autre femme. « C'est Katie, ma meilleure amie. » m'avait-elle d'ailleurs précisé par écrit quelques instants plus tard, sans que je n'ai besoin de formuler la question que j'aurais probablement fini par poser. J'avais du coup reposé les yeux sur la photo une seconde fois, observant les trois visage, avant de finir par demander « Vous vous connaissez depuis longtemps ? » Inutile que je précise de qui je parlais, hein, on se doutait bien de depuis quand elle connaissait sa fille déjà. En fait je me demandais juste si c'était ce genre d'amitié qui remontait au bac à sable, c'était un truc que j'avais jamais vécu personnellement, j'avais encore quelques connaissances que je connaissais depuis mon enfance parce que les gamins de la base militaire allaient tous à l'école au même endroit, mais c'était pas des amis à proprement parler. Je me demandais quel effet ça pouvait faire, d'avoir un ami qui vous connaissait depuis tellement longtemps qu'il vous connaissait mieux que vous vous connaissiez vous-même.