Il faisait beau. Cupidon faisait de route évidence mumuse avec le dôme et on aurait eu bien du mal à s'imaginer que nous étions en décembre, à vrai dire, tant il faisait bon en ce début d'après-midi. Du coup pas question de rester cloitré à l'intérieur, c'était déjà pas dans mes habitudes à la base alors encore moins quand le temps me le permettait et que je n'avais pas à craindre de revenir trempé comme une soupe ou claquant des dents. Et faut dire que je m'amusais bien, là, j'avais trouvé une activité des plus divertissantes et si j'étais à peu près certain qu'elle ne serait pas vraiment au goût de Cupidon, elle était en revanche totalement au mien. J'avais réussi à remettre la main sur les deux pistolets à paintball que Camille avait dégoté je ne savais plus où et je ne savais plus quand, et me servant d'un des bancs du jardin comme d'un pas de tir, je visais sans aucune gène une des statues de Cupidon censée décorer les allées mais leur donnant surtout une allure kitsch et limite flippante. Si si, de nuit je vous assure que croiser une statue de Cupidon qui vous fixait avec son petit air narquois, c'était hyper flippant. Enfin bref, tout ça pour dire que je m'amusais bien, à asperger de peinture bleue la réplique de bébé joufflu qui trônait en face de moi, lorsque j'avais entendu des bruits de pas sur le gravier derrière moi. Me retournant j'avais trouvé Lewis, déjà presque arrivé à ma hauteur « Tu te joins à moi ? Dix points pour le corps, vingt-cinq pour les ailes, et cinquante pour la tête. » Et du même coup j'avais désigné l'autre pistolet resté posé sur le banc, parce que bon j'en avais déjà un alors j'allais pas me servir des deux en même temps de toute façon. Et puis il nous avait fait tellement tourner en bourrique, le Cupidon, j'étais certain que j'étais pas le seul qui avait un jour rêvé de faire ça - ou quelque chose de similaire - à une de ses nombreuses statues, juste histoire de rire un peu. A part Eibhlin, peut-être, si ça se trouve de derrière son écran elle avait recommencé à me maudire et à m'insulter pour s'être attaqué à l'intégrité de l'objet de son attention, en fan frappadingue qu'elle se disait être. « Fais quand même attention avec ça, hein. » que j'avais alors ajouté tout en parlant toujours du pistolet à peinture « Je voudrais pas non plus que tu t'éborgnes avec, ou que tu t'empoisonnes à la peinture sans faire attention, ou ... » Bah quoi, maintenant que je savais qu'il attirait la poisse comme les vaches attiraient les mouches, c'était sans doute bon de le préciser, ça serait con de s'estropier à quelques jours de la fin du jeu, hm.

Le nid est vide. C’est terrible. Pourtant on doit être genre encore 9 ou 10, mais ça me parait bien vide. Pour preuve, je viens de passer une heure, sans être dérangé par qui que ce soit. Alors qu’avant, c’était compliqué de rester seul plus de 30 minutes. Il y avait toujours forcément quelqu’un qui finissait par débarquer. Et ce n’est pas une chose qui me dérangeait, aimant la compagnie. Donc là, ouais, je n’aime pas. Trop désert pour moi. Trop de possibilités d’ennui. Trop d’heures à tuer. Bref, comme on a la chance qu’il fasse beau aujourd’hui, et que les temparatures soient plutôt chaudes, j’en profite pour sortir dehors. Cela serait dommage de ne pas en profiter. Sur le chemin, j’aperçois Akela, un pistolet de paintball en mains, en train d’attaquer une statue de Cupidon. Haaan. Où il a trouvé ça ? Fortement intéressé, je le rejoins. « Tu te joins à moi ? Dix points pour le corps, vingt-cinq pour les ailes, et cinquante pour la tête. » Il a un autre  pistolet en plus ? Trop la classe ! « Mais qu’est ce que tu as fais pour les avoir ? Je ne les ai jamais vu auparavant, je ne savais pas qu’il y en avait ! » Sinon j’aurais fais mumuse avec depuis longtemps vous pouvez être sur. « T’as pas peur qu’Eibhlin vienne te pourchasser pour avoir osé attaquer l’objet de tous ses désirs ? » Maintenant que sa grande histoire d’amour avec le chérubin a été révélée lors du prime. Bref, j’attrape le flingue posé sur le banc. Ça va je sais comment ça marche, je suis un connaisseur de ce genre d’activités. J’ai de la pratique. « Fais quand même attention avec ça, hein. Je voudrais pas non plus que tu t'éborgnes avec, ou que tu t'empoisonnes à la peinture sans faire attention, ou ... » Je souris. C’est vrai que maintenant que mon secret est révélé, y a de quoi s’inquiéter dès que je fais un truc. « T’inquiètes, je maîtrise. Tant que tu ne me tires pas dessus. Une fois, j’ai pris un tir dans les parties intimes, j’ai douillé. Nota Bene, toujours porter une coquille ! » Oui parce que ce jour là, je n’en avais pas. Ouille ouille ouille. Bon ceci dit hein, comparé au reste, c’est anodin. Bref, je me mets en position, vise la statue, et biiiim direct dans la tête. Headshot. « 50 points !! »

Je ne sais pas pourquoi pas j'aurai parié que c'était le genre d'activité qui motiverait Lewis, ça semblait bien son genre, et moi j'étais bien satisfaite d'avoir quelqu'un avec qui partager mon occupation du moment. C'était toujours plus drôle, à plusieurs. « Mais qu’est ce que tu as fais pour les avoir ? Je ne les ai jamais vu auparavant, je ne savais pas qu’il y en avait ! » Ça me semblait bizarre aussi, de ne jamais avoir vu la couleur de ces joujous avant que Camille ne les sorte y'avait genre quinze jours. Peut-être que Cupidon savait que cela se terminerait forcément ainsi, avec sa représentation comme cible de choix et personne pour nous empêcher de le tartiner de couleurs. « Ah ça moi je sais pas, faut voir avec Camille c'est lui qui les a trouvé. Je sais pas ce qu'il a promis à Cupidon en échange, après ... » Oui bon ça va, je plaisantais, j'imaginais difficilement Camille pactiser avec le diable Cupidon de toute façon. D'ailleurs j'avais même pas vraiment demandé avant de lui prendre, je réalisais maintenant que c'était peut-être quelque chose que j'aurai du penser à faire, mais maintenant que j'avais déjà fait des dégâts avec, et proposé à Lewis de se joindre à moi il était un peu tard. C'était la dernière semaine de toute façon ; Ouais, j'aimais bien utiliser cette excuse pour à peu près tout ces derniers jours. « T’as pas peur qu’Eibhlin vienne te pourchasser pour avoir osé attaquer l’objet de tous ses désirs ? » avait-il finalement demandé, m'arrachant un léger ricanement plein de cynisme. Comme si j'étais à ça près concernant Eibhlin, à mon avis ça ne changerait plus rien de l'opinion qu'elle avait de moi. « Comme elle a déjà du fabriquer une poupée voodoo à mon effigie le jour où elle a commencé à s'imaginer que j'en avais après elle, je suppose que je ne suis plus à ça près. » Okay, j'exagérais peut-être un peu, certes, mais l'idée restait là elle. Et puis je rigolais mais, les poupées voodoo chez moi ça existait encore, j'avais une tante qui en avait plein sa maison ... C'était le genre de tante un peu flippante que tout le reste de la famille évitait de cotoyer trop souvent, ceci dit. Parait-il qu'on attrapait le mauvais œil si on restait trop longtemps dans son champ de vision. Quoi qu'il en soit j'avais donc proposé le second pistolet à Lewis, tout en le mettant tout de même en garde, parce que je ne savais pas bien de quoi il pouvait être capable avec la poisse qu'il semblait se trainer en permanence. « T’inquiètes, je maîtrise. Tant que tu ne me tires pas dessus. Une fois, j’ai pris un tir dans les parties intimes, j’ai douillé. Nota Bene, toujours porter une coquille ! » Ah ouais, quand même. J'espérais seulement que c'était pas contagieux, ces conneries, que genre ça ne finissait pas par toucher toutes les personnes qui restaient dans son environnement proche trop longtemps, parce qu'après douze semaines sous le même toit nous avions tous du souci à nous faire dans ce cas là, huhu. « Tu devrais prendre une carte d'abonnement à l'hôpital, la prochaine fois que tu y atterris. Qui sait, peut-être qu'après les infirmières te feront des prix sur les confiseries du distributeur de la salle d'attente. » Pas sûr que ce soit utile pour la machine à café en revanche, si y'avait bien un truc qui semblait être communs à tous les hôpitaux du monde entier, c'était que leur café était toujours dégueulasse ; C'était au point où à l'époque où j'étais en rééducation je finissais par ramener mon propre thermos de café, pour ne pas risquer de m'intoxiquer avec le jus de chaussette de l'hôpital, hm. Reste que puisqu'il semblait savoir ce qu'il faisait, j'avais laissé à Lewis le soin de tirer le suivant, voir si Cupidon était assez motivant pour lui aussi en terme de visée. De toute évidence oui, puisque badigeonnant un des yeux de la statue d'une dose de peinture il s'était exclamé « 50 points !! » m'arranchant pour ma part un sifflement admiratif. Y'avait pas à dire, Cupidon avait meilleure mine comme ça, il était plus ... coloré, ouais. Alors disons plus festif, du coup. « Tu dois vraiment en avoir après Cupidon pour être si efficace dès le début. Ou alors tu imaginais la tête de quelqu'un d'autre à la place ? » Parait-il que c'était toujours un très bon moyen d'évacuer sa frustration quand on tirait sur quelque chose, de s'imaginer la tête de quelqu'un que l'on avait envie de gifler, à défaut de vouloir le tuer. Parce que bon, tuer c'était quand même légèrement radical.