C’est une décision difficile, mais il parait que c’est plus facile quand c’est décidé par soi-même. Asmaa a décidé de se faire « interner » d’elle-même et pour ses proches. Enfin. Pour son proche. À l’époque pour Malik et surtout pour Wade. Il lui en a fallu du temps pour se faire à l’idée, mais finalement c’était mieux ainsi. Elle se consumait à petit feu et aurait fini, surement, par faire une connerie. En quelques sortes, Fake Lover lui a sauvé la vie parce qu’Allah seul sait, où elle aurait terminé sa vie sans son entrée dans le jeu. Dans un misérable squat, en prison, quelque part comme ça. Ou carrément dans un trou ? Parce que se droguer comme elle le faisait ; tant de fois. C’est un miracle qu’elle ait survécu aussi longtemps… Ca doit faire quoi ? Neuf, dix mois qu’elle a commencé cette cure. Plus ou moins facilement. Elle est passée par tous les stades. Elle a même cru être folle, un jour. Qu’on l’emmènerait dans un asile psychiatrique et que plus jamais elle ne reverra le ciel. Elle a été beaucoup déprimée aussi. Et puis elle a ouvert les yeux. Tout simplement. Elle est encore un peu fragile, mais elle ne pense plus à se droguer. C’est le but, non ? Elle dit au revoir au service. Elle sait que la probabilité de les revoir peut être immense, comme infime d’ailleurs. Une seule et unique cure ne suffit généralement pas, mais elle décide de partir d’un bon pied. Que plus jamais elle n’aura à revenir ici. De partir sur le droit chemin et d’aller vers une vie normale. Elle a tout à construire. Elle n’a rien, matériellement et du niveau de l’expérience. Elle n’a que Wade, mais ça lui suffit amplement. D’ailleurs, on lui annonce qu’il y a quelqu’un qui l’attend. Elle est certaine qu’il s’agit de lui. Ses seules et rares visites accordées, furent de lui. Elle ne s’attend pas à voir quelqu’un d’autre débarquer. Elle n’est pas certaine de vouloir voir quelqu’un d’autre en même temps. Jamais il ne l’a abandonné. Il a toujours répondu présent. Avant et pendant sa désintox. Il a un cœur en or et elle le sait. Et jamais elle ne trouvera mieux que lui, c’est certain. Alors elle bouille intérieurement de le revoir. Pourtant, son droit de rejoindre l’extérieur – de retrouver « sa liberté » - est obstruée par quelques dossiers à signer. Elle ne les lit même pas. Elle fait tout ça rapidement. Elle prend sa valise, avec le plein d’affaires et elle sort enfin de sa prison. Pas le lieu le plus accueillant et le plus rassurant. Et ça l’affole d’ailleurs de voir ses « comparses » de cure un dernière fois. D’en voir encore certains très dépendants. Ce qu’ils seraient prêt à faire pour prendre leur dose de merde. C’est ce qu’elle était, quelques années plus tôt. C’est avec une sorte de dégoût qu’elle quitte alors ce lieu. Elle met un pas dehors et ses yeux se posent évidemment directement sur la silhouette au loin. Elle s’arrête. Elle ressent au plus profond d’elle un mélange de joie et de peur. De peur de retrouver une vie dite normale au final et de se confronter au regard de millions d’inconnus. Et une autre peur. Cet espace à pris une Asmaa sur ressors, remontée justement à la drogue ; il rend la Asmaa originel. Celle que personne ne connait réellement ou très peu. Cette Asmaa douce, introvertie et timide. Elle a peur que ce vrai caractère recouvré ne convient plus à Wade. Qu’elle ne soit plus à son goût. Elle trouve même qu’elle a un peu grossi depuis le temps. Mais la joie se fait d’autant plus forte. De voir simplement Wade, debout, à l’attendre. Et plus seulement dans une salle hautement surveillée - comme dans une prison quoi – et combien de fois en neuf mois ? Peu de fois… Elle souffle un peu. Elle est statique, mais que pour peu de temps. Elle avance vers lui. Non, elle court. Ses cheveux frisés, qui ont largement poussés, bondissant sur ses épaules. Elle en a même oublié sa valise, qui reste devant l’entrée. Ce n’est pas grave. Il n’y a rien d’important dedans. Mis à part une photo de lui, mais elle en a des tonnes qui l’attendent. Elle se dirige donc vers lui un peu plus loin, pour fondre dans ses bras. Assez violemment, mais passant par ce simplement geste, tout l’amour – parce que c’est ça non ? – qu’elle ait pour lui et qu’elle ne lui a pas communiqué depuis trop longtemps. « T’es venu… » Qu’elle lâche, comme si c’était très étonnant… Elle laisse son visage enfuit contre son torse. « Tu m’as manqué… » C’est bateau comme réaction, mais elle ne peut dire que ça. Vraiment.

Sa sortie, elle l’attendait depuis longtemps. Très longtemps même, voire depuis qu’elle est entrée. Alors maintenant le moment venu, elle essaye de ne pas s’épandre sur son au revoir, pour voir l’extérieur bien plus rapidement. Pas que l’extérieur d’ailleurs. Pour voir ce visiteur qui l’attend à sa sortie et pour qui son cœur bas et il est là, devant elle. Et non plus pour se parler autour d’une table, entourée d’infirmier, sans réel possibilité de contact. Non, il est là et c’est tout simplement pour partir, loin d’ici. Alors elle fonce dans ses bras. Elle peut le faire sans risquer de se faire engueuler. Elle peut rester avec lui autant de temps qu’elle le souhaite sans risquer de voir quelqu’un froncer des sourcils. Elle reste d’ailleurs dans ses bras, sentant son odeur qui lui avait manqué. Certes, elle aura tout le temps de se replonger dans le monde extérieur, là, elle ne veut que profiter de Wade. C’est compréhensible. Alors elle dit n’importe quoi. Un truc bateau, qui peut lui paraître d’une évidence capitale à lui. Mais pas forcément pour elle. Quand on est seule, à ne rien faire pendant des heures, on pense à des choses. Très rarement joyeuses. Elle s’est imaginé des tonnes de trucs. Du style que, malgré ses quelques visites, il ne pense plus vraiment à elle ; qu’il songe partir avec une autre. Qu’il fait la fête, qu’il boit, qu’il a des amis, qu’il prend du bon temps, alors qu’elle souffre. Bon, d’un sens c’est ce qu’elle lui souhaitait vraiment : ne pas se prendre la tête et vivre sa vie pendant qu’elle, elle répare ses conneries. Mais elle a pu se sentir tellement mal, que de sentir ses bras autour d’elle est une libération. D’ailleurs il la soulève sans crier garde. Elle pousse un cri puis elle se met à rire franchement en se serrant toujours contre lui. Ca faisait longtemps qu’elle n’avait pas rit aussi franchement et sincèrement. Ca fait du bien, tout simplement. Lui aussi comptait les jours avant de la revoir. Elle ne répond rien. Elle sourit tout simplement. Elle se laisse embrasser. Elle en profite. Ca fait des lustres qu’elle n’a pas pu le faire. Elle passe ses mains dans le dos de son amoureux. Et elle pince ses lèvres quand les siennes les quitte. Quoiqu’il lui dit clairement qu’il est fier d’elle et ça le comble de joie. Ca suffit à la combler. Elle se fait bien muette, parce qu’elle est heureuse. Mais elle réagit, quand il lui prend la main. « Oh moi non plus ! » Qu’elle dit pourtant en regardant derrière elle une dernière fois. Plus jamais elle n’a envie d’aller là-bas, c’est clair et net. Une fois lui a suffit. Même si c’est plus facile à dire qu’à faire au final ; elle va tout faire pour se tenir à carreau. Elle sert fort sa main dans la sienne. Elle sourit continument. Un peu plus fortement quand il lui dit avoir une surprise. Ses yeux s’agrandissent. « Une surprise ? C’est quoi ? » Qu’elle souffle… « Dis-moi ! » Qu’elle continue en lui tirant un peu la manche. « J’ai déjà trop attendu, tu dois me le dire maintenant… » Elle parle doucement, tout doucement. Elle exagère évidemment. Enfin non, elle a beaucoup attendu ces derniers mois, mais pas après une surprise. Ils arrivent à la voiture. Elle le regarde mettre sa valise dans le coffre, avant de monter du côté passager. Première résolution : passer son permis. Sans argent, elle n’a jamais pu le faire. Oh, elle a déjà essayé de conduire au bled, mais elle n’était pas tellement douée… Il s’installe à ses côtés. Elle pose sa tête sur son épaule. Elle se sent obligée de rester en contact avec lui. Un contact sensoriel. « J't'aime ! Tu le sais ça? » Qu'elle lui dit finalement, avec un petit sourire.