Quelques heures dans le coin et déjà je m’apercevais que certains des potentiels candidats n’allaient pas du tout devenir mes amis. Il y avait dans le coin un taux impressionnant de personnes aux égos surdimensionnés, au charisme d’une baignoire top budget et aux allures franchement pas   gratifiantes que j’avais même repris confiance un peu en moi. Finalement je n’allais peut-être pas être la candidate la moins intéressante du casting si j’étais sélectionnée par les producteurs… Non, parce qu’avoir un physique alléchant c’était sympa hein, moi aussi j’aurais bien aimé avoir un ventre plat, des fesses normalement constituées et pas besoin de boycotter H&M et compagnie mais avoir un physique pour, en contrepartie ne pas avoir de cerveau ça ne m’intéressait pas. Je me voyais déjà avoir des altercations plus ou moins violentes avec certaines des filles et quelques mecs que j’avais pu entendre discuter lors de la Loterie, ce n’était définitivement pas beau à voir et ça méritait bien une petite cigarette pour décompresser. C’est dans cet objectif de m’aérer l’esprit et de faire un peu de mal à mes poumons que je m’étais rendue jusqu’à l’extérieur du bâtiment pour pouvoir prendre l’air et profiter des rayons de soleil pour m’allumer une clope… Oui, enfin, c’est ce qui était prévu puisqu’une fois la clope au bec j’avais remarqué que mon briquet ne fonctionnait plus. Cette soudaine envie de m’en griller une semblait donc définitivement compromise.

Autant vous dire que j’ai carrément l’impression de venir d’une autre planète avec toutes ces jolies blondes et brunes. J’ai l’impression de me balader dans le dernier magasin à la mode où elles vont toutes. Elles sont toutes tellement plus grandes que moi, tellement plus fines que moi et tellement plus belles que moi que j’ai juste envie de m’enfuir d’ici en courant. Surtout que l’une d’entre elle n’a pas été très sympathique avec moi récemment. Ce sont les larmes aux yeux que je m’en vais le plus rapidement possible vers l’une des sorties pour m’aérer l’esprit et surtout pouvoir pleurer toutes les larmes de mon corps à l’abri des regards indiscrets. Le froid vient bercer sur mon visage pâle et sécher mes larmes. Mes bras croisaient sous la poitrine je hausse les épaules pour rentrer mon cou à l’intérieur et fait quelques pas pour m’éloigner de cet endroit. Arrivant dans un recoin j’appuie mon dos contre le mur en crépis et me laisse glisser jusqu’à ce que mes fesses touchent le sol. Je ne cesse de renifler comme une pauvre idiote. Des bruits de pas se font entendre. Certainement un technicien qui va me demander de retourner à l’intérieur. Je lève la tête et tombe nez à nez avec une jeune femme de couleur au visage jovial et au sourire accueillant. Je me dépêche de ravaler mes larmes pour lui adresser un petit rictus timide. J’espère qu’elle ne va pas me poser de questions parce que je n’ai pas vraiment envie d’étaler ma vie à une inconnue. Ce n’est pas mon style.

Maudit briquet qui ne voulait pas fonctionner. Ce n’était pas plus mal vous me direz, je n’étais pas du tout du genre à aligner les clopes au quotidien, je fumais lorsque j’étais bourrée ou, a contrario, lorsque j’étais très stressée et je ne pouvais que l’être actuellement. Je m’étais éloignée un peu plus des studios pour prendre un peu de recul et avoir le temps de réfléchir sans que l’on vienne m’interrompre, surtout si c’était une poufiasse égocentrique et incapable de formuler une phrase correcte sans y insérer un petit « moi-je » qui montrerait ô combien elle était fabuleuse. Non, ce genre de filles-là je ne pouvais définitivement pas les voir en peinture et ça ne risquait pas de s’améliorer dans cette émission. Il y avait un sacré degré de connassité dans le coin, une fine brochette d’abrutis qui finiraient dans la presse people tous en couple les uns avec les autres et échangeant mois après mois pour continuer de faire le buzz. Difficile de ne pas avoir envie de baisser les bras face à de tels engins mais bon, il y avait encore quelques exceptions et c’est justement en croisant l’une d’entre elles que je me souvenais de comment j’en étais arrivée à vouloir postuler pour Fake Lover. Cette petite semblait ne pas être en forme du tout, ses yeux étaient rougis par les larmes et elle était recroquevillée sur elle-même. Soudain, j’avais trouvé un nouvel intérêt, bien plus intéressant et préoccupant que de s’allumer une maudite cigarette. « Hey, est-ce que ça va comme tu veux ? » Lui avais-je demandé en m’agenouillant à côté d’elle.

La grande blonde que j’ai rencontré juste avant j’ai seulement envie de l’oublier et de passe à tout autre chose. Jamais je ne pouvais imaginer à quel point un être ressemblant autant qu’elle à un ange pouvait être aussi diabolique et méchant. En plus de cela je n’ai rien demandé moi, je voulais juste briser le silence et entamer la conservation pour que l’attente soit moins pénible. Ça m’apprendre à vouloir être gentille. De toute façon ça se termine toujours comme ça. Je veux être un minimum sympathique avec les gens et ça termine toujours par me retomber dessus. Ça m’apprendra. Je me débrouille pour sortir de ce grand hangar puant et, dès que j’en ai l’occasion, vient poser mes fesses sur le bitume en appuyant mon dos contre le crépi blanc du mur. Des bruits de pas s’approchent de moi et en levant la tête j’aperçois la silhouette féminine et joviale d’une femme de couleur. Elle ne semble pas du tout comme les autres. J’espère d’ailleurs qu’elle n’est pas comme les autres sinon je n’ai plus qu’à me suicider avec une feuille de papier. « Hey, est-ce que ça va comme tu veux ? » Sa voix n’est pas comme cela des autres. Elle est plutôt douce et donne envie de lui faire confiance, de la suivre n’importe où. Mon petit sourire timide s’accentue légèrement. « O-oui. J’ai seulement un petit peu de mal à m’adapter au climat. » Je doute fort qu’elle gobe mon mensonge, mais au moins elle ne viendra pas me poser d’autres questions et je n’aurais pas besoin de lui parler de la sorcière blonde qui me tyrannise depuis une bonne heure maintenant.

Difficile de mettre les pieds dans un univers qui n’était pas le nôtre sans se brûler les ailes au passage. Je ne pensais pas qu’il y aurait une telle différence entre les gens que j’étais habituée à côtoyer et ceux qui tentaient les castings pour Fake Lover. D’aussi loin que je puisse me souvenir dans toutes les saisons il y avait une garce, un playboy et à peu près tous les stéréotypes des candidats de télé-réalité mais il y avait tout de même un petit groupe de personnes qui semblaient être au-delà de tout ça. Pour le moment je n’avais pas été vraiment chanceuse, c’était à se demander si cette saison des gens « normaux » allaient se présenter, des gens comme moi qui ne venaient pas ici pour enregistrer la sextape du siècle ou faire le buzz à l’aide d’un clash ou d’une phrase stupide qui ferait grand bruit sur les réseaux sociaux. En découvrant cette jeune fille de premier abord sympathique et respirant la tristesse l’espoir était revenu, elle ne semblait cependant pas en forme et je lui avais donc demandé si quelque chose n’allait pas, ce à quoi elle avait timidement répondu. « O-oui. J’ai seulement un petit peu de mal à m’adapter au climat. » Je ne pourrais dire si elle essayait de sauver les apparences mais en tout cas, ça se voyait qu’elle était dans cet état à cause d’autre chose. « Tu as croisé une des puputes qui peuplent les couloirs du bâtiment n’est-ce pas ? » C’était une simple supposition basée sur ce que moi j’avais vécu depuis mon arrivée ici… Beaucoup de moqueries sur mon physique qui avaient franchement de quoi décourager les plus faibles d’entre nous.

Ce n’est franchement pas simple de débarquer dans un endroit où tout le monde est supérieur au petit monstre que je suis. Les gens me regardent comme si je venais de faire quelque chose de ridicule. Ils font des messes basses dès que je passe devant eux et pouffe de rire une fois que je suis un petit peu plus loin. Je crois que ce n’est pas l’idée du siècle d’avoir voulu passer ce casting à la noix. Hors de question que j’écoute mes amis la prochaine fois. C’est décidé à partir de maintenant plus personne ne me dira quoi faire. Enfin disons que je ne ferais pas ce que tout le monde me demande de faire. La gentille petite Tifenn c’est de l’histoire ancienne. Le truc c’est que y’a une jeune femme qui me semble plutôt sympathique qui s’approche de moi, alors que je suis toute seule dehors pour essayer de me ressaisir après d’une grande blonde m’ait descendu en flèche pour son petit plaisir personnel, et elle vient me demander si tout se passe comme je le veux. Pas vraiment mais bon je ne suis pas le genre de nana à vouloir attirer les regards sur moi alors j’invente un gros mensonge pour ne pas avoir à déballer ce que j’ai sur le cœur. Bien évidemment elle n’y croit pas. « Tu as croisé une des puputes qui peuplent les couloirs du bâtiment n’est-ce pas ? » Comment elle sait ? Je lève brusquement la tête et plonge mon regard, un instant, dans le sien avant de baisser la tête à nouveau et de faire un petit hochement positif. « Elle a dit que je n’avais presque aucune chance d’intégrer le casting parce que je ne suis pas comme … toutes les filles qui se sont présentées aujourd’hui. » Je sais bien que je ne devrais pas me confier si vite, mais elle me semble digne de confiance cette jeune femme. D’un geste de la main je viens cueillir une larme qui roule sur l’une de mes joues avant de dire timidement : « Je m’appelle Tifenn. »

La journée s’annonçait soudainement meilleure pour moi, en rencontrant Tifenn je me rendais compte que j’avais peut-être été un peu trop catégorique en ne retenant des candidats en compétition pour intégrer Fake Lover que ceux qui étaient centrés sur eux-mêmes et superficiels aussi possible. Au final je découvrais une partie plus humaine de certains d’entre eux, enfin… D’une candidate qui me ressemblait. Ce n’était pas une ressemblance physique, heureusement pour elle dans un sens mais plutôt une similitude dans notre caractère. Nous n’avions pas pris le melon, nous n’étions pas uniquement intéressées par les apparences. « Elle a dit que je n’avais presque aucune chance d’intégrer le casting parce que je ne suis pas comme … toutes les filles qui se sont présentées aujourd’hui. » Entendre cela ne me surprenait pas du tout, c’était bien le genre de propos que pouvaient tenir les filles que j’avais eu l’occasion de croiser depuis que j’étais dans le coin. « Elle dit des bêtises… Et puis… Entre nous, tu crois que je ressemble aux autres filles qui se sont présentées aux castings ? Je suis noire, grosse, je ne suis pas riche et je n’ai pas le sex appeal d’une star américaine… Il ne faut pas perdre espoir ! » Je tentais d’être la plus rassurante possible tout en restant honnête. Pourquoi n’aurait-elle pas sa chance après tout ? « Je m’appelle Tifenn. » Je souris, me rapprochant pour m’asseoir à côté d’elle. « Et moi Mariah… Enchantée ! »

Cette nana me donne envie de lui faire confiance. Elle semble être complètement sur une autre planète que toutes les filles que j’ai pu croiser jusqu’à maintenant. J’en arrive même à me confier à elle alors que je ne la connais même pas. D’ailleurs elle ne semble pas surprise des propos que je lui tiens. « Elle dit des bêtises… Et puis… Entre nous, tu crois que je ressemble aux autres filles qui se sont présentées aux castings ? Je suis noire, grosse, je ne suis pas riche et je n’ai pas le sex appeal d’une star américaine… Il ne faut pas perdre espoir ! »[i] Un petit sourire amusé et timide vient illuminer mon visage. Moi je suis certaine qu’elle a bien plus de chance que les autres d’intégrer l’aventure. C’est une nana qui, j’en suis sûre, a bien plus de pep’s que toutes les autres. Elle n’est pas fade niveau caractère. Elle ne doit pas être prévisible, comme les autres. [i] « J’aimerais bien qu’on soit prises toutes les deux, juste pour leur clouer le bec à toutes. » J’ai presque l’air d’une battante lorsque je dis ça. Mon sourire s’intensifie légèrement lorsqu’elle vient se présenter. « Et moi Mariah… Enchantée ! » Elle s’installe à mes côtés. « Je suis ravis de faire ta connaissance. » Et c’est sincère. Ca fait chaud au cœur de rencontrer une jeune femme pas comme les autres et qui semble avoir tant d’amour à vous offrir. « Tu es déjà passé devant les producteurs ou bien tu attends ton tour ? » J’ai bien envie de savoir si cela s’est bien passé pour elle. J’ai même déjà envie d’être la présidente de son fan club. Je sens qu’on va bien s’entendre toutes les deux. Enfin, je l’espère.

Si on se fiait uniquement aux apparences comme pouvaient le faire à longueur de journée les pétasses qui se présentaient aux castings de Fake Lover par dizaines alors oui, il était certain que je n’avais pas ma place ici et que Tifenn avec son air tout innocent et sa timidité n’irait pas bien loin non plus dans les castings mais ce que ce genre de filles oubliaient parfois un peu trop c’était qu’il n’y avait pas que le physique qui était pris en compte. Savoir écarter les jambes et finir à genoux devant la braguette ouverte d’un beau mec c’était bien hein, je n’en doutais pas une seule seconde mais ce n’est pas ce qui intéressait les producteurs. En avoir une ou deux dans le casting, pourquoi pas hein, il en fallait pour tous les goûts mais je pense qu’ils recherchaient plutôt des candidats un peu atypiques, avec une richesse dans leur histoire et dans leur caractère et… Sur ce point-là je pense que nous avions toutes les deux bien plus de chances de rentrer dans le rang plutôt que les grues qui étaient ridiculement prévisibles. « J’aimerais bien qu’on soit prises toutes les deux, juste pour leur clouer le bec à toutes. » Je souriais, appréciant de voir la jeune femme se reprendre et paraitre plus combattive que jamais. « Il y a des chances que ça arrive, si c’est le cas on aura au moins l’occasion de pouvoir se soutenir mutuellement quand les puputes de ce genre viendront nous casser les pieds. » Avais-je ajouté en riant bien que ce soit en quelque sorte la vérité. « Je suis ravis de faire ta connaissance. » Elle était bien la première candidate à me dire une telle chose, ce qui me touchait doublement. J’avais bien fait de sortir prendre l’air finalement. « Tu es déjà passé devant les producteurs ou bien tu attends ton tour ? » Je n’avais plus à attendre maintenant, c’était fait et derrière moi. Avec un sourire un peu plus nuancé je lui avais donc répondu. « C’est fait oui et j’ai l’impression d’avoir totalement foiré. Je me sentais aussi intelligente que Paris Hilton devant un quizz de culture générale c’est pour dire… Et toi ? » Elle ne semblait pas être particulièrement stressée en tout cas. « D’ailleurs… Tu viens d’où, Tifenn ? »