Je décide de monter sur la terrasse pour prendre un bol d'air, m'engouffrant dans l'ascenseur, mes pieds tapotent le sol, impatient. Le soleil finit par réchauffer ma peau constellée de tâches de rousseurs, je m'avance de quelques pas. Je tombe sur une meuf qui fait du yoga. C'est bien ma veine, m'enfin, aller, je vais faire un effort, je ne vais pas faire demi-tour. Je prends sur moi, et j'inspire. Je la scrute avec attention, elle se donne tellement un genre. Ses mouvements transpirent tellement d'assurance en elle que cela en devient arrogant. J'esquisse un léger sourire. « Tu nous fais quoi comme position ? » Je lui demande alors qu'elle est entrain de se tenir les mollets. J'arque un sourcil. Sans déconner, je suis sûre qu'un mec aimerait avoir la vue que j'ai en ce moment là. Moi, indifférente, je constate juste qu'elle elle pollue et gâche mon paysage. Comme quoi, le monde est mal fait !  « Celle de la grand-mère agonisant à cause de ses varices ? » je demande alors en regardant un moment mes cuticules, tiens, une petite peau. Bref, elle change de position en bougeant sensiblement. Je finis d'un pas traînant à me poser sur un transat, croisant mes jambes parfaitement galbées, je continue à la laisser faire son cinéma. Je penche ma tête sur le côté droit pour la regarder, un sourire moqueur au bout des lèvres. « Tu te sens mieux ? » je l'interroge de ma voix rauque, peut-être que cela lui sera bénéfique. Il faudrait qu'elle tente le tai-chi, l'inversion des énergies, transferts et des conneries comme cela, au point où elle en est, elle peut y aller.

Il faut que je lui demande avant d'espérer la prendre en photo. Euh ? Combien de fois devrais-je dire aux gens que je m'en fous de leur misérable vie, de leur avis, de leur conviction, de leur souhait. Je balaie simplement sa remarque d'un mouvement de bras. Elle peut continuer à parler, de toute façon, je n'ai ni Ipod, ni appareil photo, alors elle prend ses désirs pour la réalité. Si j'ai autre chose à faire? « Non » je réponds sèchement, je n'ai rien d'autre à faire, je suis enfermée avec des teubés donc je ne peux rien faire d'autre que les observer et prier pour ne pas être obligée d'interagir avec eux, j'ai peur que leur connerie me contamine. « Pourquoi je te prendrais en photo ? » je l'interroge d'un air dédaigneux parce que je vois bien qu'elle insiste sur ce point, ça doit vraiment lui tenir à coeur, à la petite. Alors c'est ce que ça piquerait presque ma curiosité. « Désolée mais prendre une photo d'une fille qui commence à suer comme un boeuf à cause du soleil et de ses positions étranges et en plus fringuée comme n'importe quoi, mais ce n'est pas très vendeur » je lui rappelle, histoire de dire que non, je m'en fous d'une photo d'elle entrain de faire du sport.« Limite, un arbre, c'est plus attractif » je complète de ma voix rauque.  Elle la veut pour quoi ? Ou alors c'est un truc qu'elle va coller sur le frigo pour se motiver pour son régime genre "avant j'étais comme ça". Aucune idée, et je m'en fous. Et puis non, je ne partirais pas, je suis bien ici, et de plus, si ma présence l'emmerde, je n'en tire que des bénéfices ! Je ferme les paupières pour me soustraire à cette vision qui n'est pas des plus charmantes, il faut bien le dire.

J'esquisse une moue rien qu'à l'entente du chérie. Je sens qu'elle va vite me gonfler, je ne peux pas la jeter du toit ? Faire une bonne action pour l'humanité, cela me changerait en plus. Sa voix m'agresse, je fais quand même abstraction en espérant qu'elle aille prendre sa douche après sa séance de yoga. Pitié. Mais non, elle m’enchaîne, c'est qu'elle y tient à son statut de star en carton, la demoiselle. Je dois apparemment vivre dans une grotte comme je ne la connais pas. Visiblement c'est le centre de l'univers, pauvre gueuse. La seule chose dont je suis sûre, c'est qu'elle me casse réellement les couilles, si j'en avais bien sûr, aucun doute. « Je vis dans une hauteur sphère que l'on appelle intelligence, inaccessible pour toi, d'après ce que je vois, j'imagine que c'est pour cela » je balance platement en haussant les épaules, stricte vérité, elle n'a pas fait preuve d'un gramme d'intelligence depuis que je suis ici. Et puisqu'elle juge, je fais pareil. Je suis son miroir, je m'adapte. Et puis je suis pas mal dans le rôle de la bonne connasse de base. Même en relâchant son élastique on a l'impression qu'elle fait une pub pour L'oréal. Elle me parle de ravalement de façade, j'imagine que c'est sensé de me blesser. J'esquisse un sourire moqueur, j'ai une confiance en moi infaillible. « Déjà faite, cherche encore » je commente simplement car Apolline s'était aussi essayée à critiquer mon incroyable plastique, faut croire qu'elles se sentent réellement menacées, les filles, ici. « Tu sais ce n'est pas parce que tu complexes avec ton physique ingrat qu'il faut t'attaquer au mien »  je lance d'une voix badine car ce n'est pas une hispano d'un mètre cinquante qui va me faire douter de ma perfection physique, je sais que je plais. Cela se voit.

Jasmine me balance une nouvelle phrase qui veut veut touchante. J'esquisse un léger compatissant à son égard, oui, ça fait de la peine lorsqu'on essaie de s'attaquer à mon physique alors que je sais tout de même ce que je vaux. Bref, la naine essayera une nouvelle fois, là, j'accroche pas, d'ailleurs, je ne prends même pas la peine de lui répondre. Le silence est le meilleur des mépris, apparemment. Elle me demande si je suis là pour faire ma pétasse. Je note simplement qu'elle me sort une nouvelle fois la même chose qu'Apolline, elle a décidé d'être sa pâle copie ou comment cela se passe ? Bref. Déjà la pétasse l'emmerde premièrement, et non, je suis naturellement comme ça, je n'ai pas besoin de me forcer. Personnellement, je considère cela comme un don de dieu mais si je sais que ceux qui me subissent ne sont pas du même avis. Elle veut que je balance tout ce que j'ai en stock. Non, je ne vais pas me donner ce mal que pour elle, devrais-je, simplement pour elle. Je n'en vois pas l’intérêt. Néanmoins j'ai l'impression de voir une brèche cachée dans sa phrase, je veux bien lui concéder qu'elle doit s'en prendre régulièrement plein la gueule mais bon, elle cherche aussi. « Non, je ne fais pas sur commande, j'attends l'inspiration» je balance simplement en haussant les épaules, or, elle est tout sauf une muse, la gueuse, autant se le dire. « Si t'es pas capable d'assumer les remarques que provoquent ton attitude de diva et tes joutes verbales en carton, tu peux toujours partir ... » je lui fais remarquer d'une voix plate, sans aucune animosité ni émotion particulière. Les faibles et ceux qui se plaignent quasiment ouvertement n'ont pas leur place ici. Et puis une candidate de moins, ouai, je suis bien capable d'inciter à faire sauter Jorah des roches, alors elle hein ... Sinon, elle peut toujours rester, et fermer sa gueule. Ou alors réfléchir une micro seconde avant de l'ouvrir, cela serait déjà un progrès la concernant.

J'avoue adorer mettre les gens à bout, un réel plaisir, tout simplement parce que je suis une bonne connasse de base. Je ne vois même pas pourquoi elle est surprise, c'est presque marqué sur mon front en lettres capitales - ah mais elle ne sait peut-être pas lire que ça ne m'étonnerait pas-, donc qu'elle se détende. Elle se la joue blasée, ouai, clairement, elle, c'est ma contre inspiration, la meuf, elle te coupe tous élans artistiques en vrai. Je me contente d'afficher un sourire plus que ravi. Le yoga pour mieux supporter, je ne lui ai pas non plus demandé de ma raconter sa vie, je m'en branle, qu'on soit bien d'accord. J'ai des problèmes d'agressivité, bah elle a clairement pas vu sa gueule, elle aussi. « Je me soigne, t'inquiète » je lâche en haussant les épaules, bah quoi ? J'ai dis à mon casting que j'étais une passive-agressive, il ne faut pas s'étonner hein !  Elle me propose de faire du yoga, j'arque un sourcil en me demandant où elle le piège. Une fois debout, elle compte me jeter du toit ? Je la toise un moment, avant d'esquisser une légère moue. J'envisage une fraction de seconde de la rembarrer dans me tordre dans tous les sens comme une teubée, ce n'est pas forcément ma philosophie de vie mais bon, aller, juste pour voir, et pour lui prouver que je peux me montrer conciliante de temps en temps. « Ouai, pourquoi pas » je lance pas très emballée mais bon, je me lève de mon traîneau et j'aligne quelques pas dans sa direction. « Aller, je te suis, professeur » je laisse échapper avec un sourire mesquin.