last man on earth
ft. Jarek & Maxence

Autant la chose était aisée la nuit et une bonne partie de la matinée, autant en pleine journée il était particulièrement difficile de trouver un endroit tranquille et où l'on pouvait se reposer sans craindre sans cesse d'être dérangé par le bruit ou par des passages à répétition de candidats en mal d'activité pour les occuper. Je ne jetais la pierre à personne, j'étais parmi ces candidats moi aussi, mais pour l'heure j'avais envie de silence et de tranquillité, et je peinais à trouver un endroit qui réponde à ces critères. Je traînais d'une pièce à l'autre, mon manuel de malais à la main, soupirant excessivement parce que je détestais ces journées où j'avais du mal à me motiver pour tout et où j'avais plus envie qu'on me fiche la paix qu'autre chose. Passant alors devant la salle de vidéosurveillance je m'étais dit qu'il n'y avait pas meilleure façon en fin de compte de trouver plus vite quel endroit conviendrait à mon envie de calme ; J'avais observé les écrans durant une bonne dizaine de minutes, désespéré. Et puis finalement j'avais éclaté de rire, réalisant le paradoxe total : je cherchais un endroit calme, alors que j'étais certainement dans le plus calme et le moins fréquenté de tous. Je cherchais ce qui se trouvait littéralement sous mon nez. Cessant donc de fixer les écrans avec les sourcils froncés, accentuant ainsi le début de rides que je pouvais commencer à avoir, je m'étais affalé un peu mieux sur mon siège et j'avais ouvert mon bouquin, me risquant même à croiser mes pieds sur le bureau. Et puis finalement ... Finalement je m'étais assoupi. Oh pas longtemps, du moins je crois, une vingtaine de minutes à peine, et en fin de compte c'était le grincement de la porte qui m'avait fait ouvrir les yeux et me redresser d'un seul coup, faisant tomber mon livre par terre. « Ah, c'est toi. » avais-je soufflé en reconnaissant Jarek, avant de lui adresser un léger sourire. Me levant j'avais ramassé mon bouquin, passant ma main dessus pour chasser l'éventuelle poussière qui aurait pu s'y accrocher, avant de le refermer et de le poser sur le bureau « Tu viens voir comment ça rend, quand on est à l'écran ? » demandais-je alors d'un ton amusé. Pour ma part ce n'était pas vraiment une question que je me posais, avec mon métier on se doutait bien que des occasions de me voir à travers l'écran d'une télévision j'en avais déjà eu ... D'après Alicia j'avais l'air plus sérieux, à la télévision, mais d'un autre côté je me voyais mal afficher un sourire de crétin pour traiter de sujets aussi sérieux.

☽Autant le dire, l'ennui me prenait soudainement. J'étais habitué à être occupé par mon travail, par les dîners avec les collaborateurs et les bars à vin pour signer un contrat. Ici, je n'avais rien à faire de tout ça. Mon monde n'existait plus. Ici, c'était comme des vacances. Des vacances prolongés et tout frais payé. C'était un peu pour ça que je m'étais inscrit mais je n'aurais pas pensé que mon quotidien d'hyperactif me manquerait durant cette quatrième semaine. Déjà, je n'aurais jamais pensé resté jusque là. Mais tant mieux. Je me plaisais dans le nid. Sortant du balcon après fumer la troisième cigarettes de la journée, je m'avançais dans le hall face à l'ascenseur quand la curiosité de visiter la salle de vidéo surveillance. J'ouvris la porte et fus accueilli par un livre tombant par terre. Je restais donc à ma place que j'aperçus Maxence en face de moi qui semblait à moitié endormi. Je souris. Oui, ce n'était que moi. Dommage, n'est-ce pas ? « Entre autre... Mais je viens surtout réveiller un vieux crouton qui se cachait des autres candidats pour faire sa petite sieste en toute discrétion. » Je laissais planer un léger silence avant de m'avancer pour m'asseoir sur le deuxième siège de la pièce. « Ça fonctionne ? » Je lui adressais un clin d’œil avant de porter mon attention sur les écrans.

Ce n'était pas tant que je n'avais envie de voir personne en fin de compte, c'était aussi et surtout que j'étais trop versatile pour me concentrer sur quoi que ce soit même la plus simple des conversations ... J'avais des moments comme ça, mais je crois que c'était surtout les premiers signes de l'enfermement que nous subissions tous. Certes nous n'étions pas enfermés au sens propre, mais nous étions quand même dans un espace clos, avec des limites, et ce n'était pas quelque chose auquel j'étais habitué. Alors il pouvait bien y avoir tout le sable de la plage et tout l'océan autour de nous cela ne m'empêchait pas d'avoir un peu la sensation d'étouffer, et c'était fatiguant. Mais ça passerait sans doute rapidement, en attendant tout ce dont j'avais besoin c'était d'un endroit tranquille, calme et silencieux pour ... réfléchir. Et piquer du nez, aussi. Surtout. Et c'était justement ce que je faisais à l'arrivée de Jarek « Entre autre... Mais je viens surtout réveiller un vieux crouton qui se cachait des autres candidats pour faire sa petite sieste en toute discrétion. » Ahah, très drôle. Prenant un air faussement vexé je l'avais regardé s'asseoir sur le second fauteuil avant de croiser les bras et de répondre d'un air réprobateur « Une blague sur l'âge, vraiment ? Venant d'Ulysse ou de Tifenn j'aurais compris, mais de toi quand même ... Je suis profondément déçu, vraiment. » Et j'aurais sans doute eu l'air beaucoup plus sincère si je n'avais pas autant de mal à cacher mon sourire amusé. Mais bon quand même, il disait ça mais il devait avoir plus ou moins le même âge que moi, non ? Nous n'étions pas à une ou deux années près, lui aussi faisait partie des doyens du nid autant qu'il se fasse à la chose. « Ça fonctionne ? » avait-il en tout cas fini par me demander tout en jetant un coup d'oeil distrait vers les différents écrans qui s'étalaient devant nous. A cette heure-ci de l'après-midi les candidats se séparaient en deux groupes, ceux qui avaient trouvé une activité et ne voyaient pas le temps passer, et ceux qui semblaient s'emmerder profondément et erraient comme des âmes en peine de pièce en pièce. « Si par là tu me demandes si j'ai vu des trucs intéressants ... Non, pas vraiment. » En même temps je m'étais légèrement assoupi comme il avait pu le voir, j'aurais fait un bien piètre agent de sécurité ou veilleur de nuit, de toute évidence. « Mais faut dire qu'on a tous l'air profondément ennuyeux, je me demande ce que doivent penser les téléspectateurs, hm. » Je veux dire, l'image - biaisée, certes - que j'en avais c'était une bande de crétins qui couchaient ou se crêpaient le chignon, ou bien les deux à la fois, mais si il y avait visiblement eu de quoi faire pour ce qui était des coucheries ces quatre dernières semaines, niveau crêpage de chignon ... Enfin si, y'avait bien le frère et la soeur, mais ça se limitait plus ou moins à ça. « A moins que les sujets développés soient la routine capillaire d'Apolline, ou bien le best-of des plans drague douteux d'Esteban, là c'est vrai que y'aurait des choses à dire ... » C'était un peu léger quand même, mais bon après tout c'est vrai que je ne suivais pas ce genre de programmes à la télévision, alors le côté téléspectateur de la chose restait un grand mystère pour moi.

☽L'ennui était sans nulle doute, un fait de cette émission. Surtout que depuis deux semaines, aucune soirée n'avait été organisé et que nous étions un peu délaissé pour les occupations. Peut-être qu'ils étaient occupés, peut-être n'avions-nous pas le droit à ce genre d'évènement. En attendant, j'avais gagné un accès à la maisonnette perchée et j'en étais plus fier.Je partagerais cet instant avec Amy. Bref, assis sur la chaise, je visionnais les écrans, observant les candidats dans leur élément. Je riais face aux derniers commentaires de Maxence. « On peut aussi parler des engueulades habituelles entre Amy et Benjamin. On pourrait même parier sur le genre de boisson que Danica aura en main quand on l'apercevra. » Oui, notre temps serait utilisé à bon escient. Nous devions nous occuper après tout. Sinon les journées seraient bien longues et déprimantes. Je n'étais pas venu ici pour ça. Et regarder les autres via les caméras du nid pouvaient être une occupation comme une autre. Je reposais alors mon regard azuré sur le trentenaire, m'affalant dans le siège. J'allongeais aussi mes jambes sur le bureau, faisant comme mon congénère. On aurait dis deux pachas prêt à surveiller leur serviteurs installés sur leur trône. « Bon dis-moi, tu dors mal la nuit pour venir te reposer ici ? »

Après trois semaines, pratiquement un mois à vrai dire puisque nous étions déjà vendredi, il était facile désormais de remarquer les petites habitudes des uns et des autres, de remarquer que certains passaient leur vie à la plage, ou se doraient la pilule sur la terrasse tous les jours à la même heure. Suivant l'heure à laquelle on mettait les pieds dans la cuisine on savait que l'on avait plus de chance de croiser telle ou telle personne qu'à un autre moment de la journée, et j'étais devenu un expert des heures creuses de la salle de bain ... Bref, autant dire que dans ces conditions je pensais que la salle de vidéosurveillance n'avait plus grand chose à m'apprendre. Dans le sens où je n'étais pas vraiment un adepte des ragots et qu'écouter aux portes me mettait plus mal à l'aise autre chose. Alors ouais, comme je venais de le faire comprendre à Jarek il n'y avait rien de très intéressant à voir ici, à mes yeux du moins. « On peut aussi parler des engueulades habituelles entre Amy et Benjamin. On pourrait même parier sur le genre de boisson que Danica aura en main quand on l'apercevra. » Un sourire amusé s'étirant sur mon visage tandis que j'étirais mes bras au dessus de ma tête pour me réveiller totalement, je m'étais remis confortablement sur mon fauteuil tout en répondant « Un mojito, je serais prêt à tenir le pari. » Probablement parce que comme tous les autres je n'avais pas pu passer à côté de la préférence de la jeune femme pour la boisson à base de menthe. Sauf mercredi, mercredi soir je lui avais totalement fait oublier les mojitos pour la tequila mais je ne pense pas que sa gueule de bois d'hier matin en ait été changée en revanche. La mienne ne l'avait pas été en tout cas. « Bon dis-moi, tu dors mal la nuit pour venir te reposer ici ? » Lâchant les écrans des yeux, je n'y regardais rien en particulier de toute façon et fixait même une pièce totalement vide de tout candidat, j'avais reposé mon regard sur Jarek. Il est vrai que c'était la seconde fois en peu de temps qu'il me croisait à un moment où je venais de me réveiller, la première fois se trouvant être en pleine nuit et à un moment où mon sommeil jouait à cache-cache. « Tu veux rire, maintenant que je suis tout seul dans mon plumard je peux même faire l'étoile de mer si ça me chante. » Et puis fallait que je profite, à la fin de la semaine nous retrouverions tous avec un nouveau partenaire et m'étaler au milieu du matelas ne serait plus possible ... Enfin, je disais ça mais j'étais une nouvelle fois nominé, alors j'allais peut-être attendre un peu avant de faire des plans pour la semaine prochaine. « C'est plus de l'ennui que de la fatigue, je crois. » avais-je finalement ajouté pour répondre un peu mieux à sa question « Je suis pas habitué à être si ... enfin, à ne rien faire de mes journées, quoi. » Parce que soyons honnête, nous ne faisions pas grand chose de constructif, littéralement nous amassions de l'argent dans nos cagnottes en nous tournant les pouces ou presque. Ça avait un côté assez indécent d'ailleurs.

☽Maxence était l'homme qui me ressemblait le plus et avec qui je m'entendais le mieux dans le nid. Notre première rencontre fut dans la salle de bain alors que j'étais complètement nu dans la baignoire. Oui, il m'arrivait de me mettre dans des situations assez surprenantes et depuis mon entrée, ça n'avait pas changé. C'était même pire. La colocation, ce n'était pas fait pour moi. Ayant toujours été seul et n'ayant jamais véritablement partager mes appartements, j'étais ce qu'on pourrait appeler un solitaire dans l'âme. Je traversais ma chambre nu pour m'habiller. Je n'hésitais pas à mettre de la musique pour égailler mes soirées et je ramenai souvent des amis à la maison pour passer des soirées entre potes. En colocation, je serais une véritable plaie. Je n'aimais pas faire la vaisselle et le ménage....c'était la bonne qui s'en occupait. J'avais les moyens, j'en profitais. Je souris. L'étoile de mer... Je soupirais. « J'aimerais tellement être à ta place. Krisjana prend vraiment beaucoup de place et surtout elle pique toute la couette. En plus, elle ronchonne quand je tente de la récupérer. Enfin bref... J'ai tout de même l'air moins crevé que toi. » De l'ennui. Je portais mon regard sur lui. Comme je le comprenais. J'étais dans le même état aujourd'hui. « Je me sens moins seul d'un coup... » Lui lançais-je d'un ton lasse. C'était presque rassurant d'entendre de la bouche d'une autre personne ce fait. « Parce que je dois bien t'avouer que je suis pareil. D'habitude, je bouge, je bosse, je sors. Je passe ma vie entre Rome et Londres. Et là...rien. Je suis ne jamais resté aussi longtemps dans un seul endroit. C'est presque un miracle. » Je lui souris à nouveau, portant mon regard sur les écrans avant de tourner sur mon siège. C'était la seule chose à faire pour occuper le temps. Et pour être franc, je n'avais jamais l'occasion de le faire. J'étais comme un gamin mais je m'en foutais. Je m'amusais à ma manière sous le regard du candidat.

Ouais, c'est vrai que je n'allais pas me plaindre, avoir le lit pour soit ça avait quand même de sacré avantages et cela faisait ressortir la marmotte qui sommeillait en moi. Marmotte, sommeil, oui je sais elle était facile, pardonnez-moi. Alors que Jarek lui avait toujours sa partenaire, bien que là comme ça je vais avouer que je ne me rappelais plus trop de qui il s'agissait, pas quelqu'un avec qui j'échangeais beaucoup sans doute, raison pour laquelle cela ne me revenait pas. Je n'avais toutefois pas à eu à poser la question puisque l'homme venait d'y répondre de lui même « J'aimerais tellement être à ta place. Krisjana prend vraiment beaucoup de place et surtout elle pique toute la couette. En plus, elle ronchonne quand je tente de la récupérer. Enfin bref... J'ai tout de même l'air moins crevé que toi. » Parce qu'il s'ennuyait sans doute moins que moi, avais-je fini par lui faire remarquer. Quoi que j'avais vraiment du mal à m'imaginer qu'il soit du genre à se dorer la pilule en permanence en dehors de cette émission, je ne sais pas pourquoi, je trouvais que ça ne cadrait pas avec ce qu'il dégageait. Aussi après avoir répondu en plaisantant à moitié « Tu verras bien ce que le sort te réserve dimanche soir, peut-être quelqu'un qui partage mieux la couette. » Je ne savais pas si c'était pour nous faire cogiter toute la semaine ou bien s'ils avaient vraiment prévu de changer le partenaire de tout le monde ... Je veux dire, si on ne s'entendait pas avec c'était une aubaine, Nolene devait attendre ça avec impatience à mon avis par exemple, mais si on avait trouvé un binôme qui nous convenait ce n'était pas forcément motivant de s'imaginer changer, pour peut-être se trouver avec quelqu'un avec qui on s'entendait beaucoup moins bien. Et c'était quand même mieux quand l'ambiance n'était pas polaire quand deux personnes partageaient un lit. Enfin bref, de toute façon changer de partenaire ou non ne changerait pas le fait que je ne manquais pas de sommeil, je m'ennuyais simplement un peu trop, et je n'avais pas été vraiment étonné de voir Jarek me répondre que lui aussi « Je me sens moins seul d'un coup ... » Bah et moi donc, pour le coup. « Parce que je dois bien t'avouer que je suis pareil. D'habitude, je bouge, je bosse, je sors. Je passe ma vie entre Rome et Londres. Et là ...rien. Je suis ne jamais resté aussi longtemps dans un seul endroit. C'est presque un miracle. » Tout cela me faisait penser qu'en définitive je ne savais toujours pas ce que faisais Jarek dans la vie. A vrai dire je ne savais pas grand chose tout court, et pourtant cela faisait pratiquement un mois que nous cohabitions tous. C'était donc l'occasion ou jamais de poser la question « Tu bosses dans quoi, d'ailleurs ? Je savais pas que tu étais italien. » En fait je n'étais même pas certain qu'il le soit, il avait placé Rome et Londres sur le même tableau alors il pouvait tout aussi bien être anglais ... Quoi que Jarek ça ne sonnait ni italien ni anglais à mes oreilles, alors si ça se trouve il n'était aucun des deux et j'avais tout faux.

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