Marcher sans but précis, Jorah le faisait surtout lorsqu'il était tôt, qu'il était encore un peu dans le coaltar et qu'il n'avait pas les idées suffisamment claires pour réfléchir concrètement à une destination. Car c'avait beau faire une demie-heure qu'il était debout, même à dix heures du matin, il avait un peu de mal à assumer de s'être couché tard. La vérité, c'est que cette semaine il avait un peu de mal à se faire à son changement de partenaire, qui restait déstabilisant à ce stade du jeu. Et c'est uniquement parce qu'il se passerait bien d'empirer ses troubles du sommeil qu'il s'était forcé à quitter son lit en dépit de sa fatigue, lui que même une douche n'avait pas réveillé. Et tandis qu'il marchait de façon hasardeuse simplement pour ne pas avoir à se poser dans un coin trop confortable, au risque de se rendormir, voilà qu'il arriva au niveau de la piscine, qui était un endroit agréable à fréquenter à cette heure-ci, parce qu'il n'y avait pas grand monde. Pour ainsi dire, il n'y avait que Jasmine, et de ce qu'il était à même de voir de sa camarade, celle-ci semblait plus réveillée que lui, vu les exercices qu'elle faisait, le genre de trucs que lui ne pourrait même pas envisager de faire lorsqu'il était en forme. Il s'approcha alors et c'est à ce moment là que sa camarade nota sa présence, elle qui le gratifia d'une question qui le fit sourire, parce qu'il s'était un peu douté que la première chose qu'elle remarquerait, c'était qu'il avait la tête dans le cul. « Gagné » qu'il énonça alors, assez amusé qu'elle ait l'air de ne pas franchement cautionner qu'il ne se lève qu'à cette heure-ci. Peut être qu'elle avait tendance à se coucher tôt, mais lui il avait un peu plus de mal à être raisonnable ces derniers temps, alors forcément il n'émergeait qu'à cette heure-ci. « Ce sont les valises que j'ai sous les yeux qui t'ont aidé ou le fait que je marche pas encore tout à fait droit ? » C'est qu'il était lucide, il savait qu'il ne devait pas avoir fière allure. Donc ouais, il supposait qu'elle n'avait eu qu'à le regarder pour imaginer qu'il n'était effectivement pas levé depuis longtemps. Il écarquilla en tout cas les yeux lorsqu'elle s'adonna devant lui à un grand écart qui eut franchement tendance à l'impressionner. « Ôte-moi d'un doute, t'es dopée au Red Bull, ou alors je suis le seul nigaud pour qui toucher son nez avec sa langue demande déjà un effort surhumain à cette heure-ci ? » Ça en disait long sur ses capacités physiques, autant le matin que n'importe quand dans la journée en fait. Non pas qu'il complexe, mais la voir aussi souple alors que lui était aussi frais qu'un plat de nouilles oublié au fond d'un frigo pendant trois mois, ça l'intriguait quand même un petit peu.

Généralement, à une heure comme celle-ci, Jorah n'avait pas l'air d'être passé au rouleau-compresseur, ce qui était un peu le cas aujourd'hui, alors qu'il avait du mal à se remettre de la nuit qu'il avait passé. Il ne fut certainement pas bien compliqué pour Jasmine de noter qu'il venait de se lever, tandis que Jorah insinua qu'elle avait du se fier aux cernes qui coloraient le dessous de ses yeux, ou à sa démarche un peu approximative, étant donné qu'un Jorah mal réveillé pouvait facilement être confondu avec un Jorah bourré. Jasmine ne se fit alors pas prier pour confirmer ses propos, affirmant que c'était sa démarche de zombie qui l'avait mise sur la voie, ce qui le fit rire. « Ah, c'est à ce point ? Mais alors, c'est ma silhouette que j'ai croisé dans un miroir tout à l'heure ? Je me disais bien aussi que ça pouvait pas être le fantôme de mon grand-père » qu'il énonça, en arborant une mine faussement consternée. C'était le genre de commentaires bien glauques qui lui échappaient quand il manquait de sommeil. Toujours est-il que si lui n'était définitivement pas frais, Jasmine de son coté semblait en pleine forme. Il n'y avait qu'à voir comment elle tenait un grand écart que lui ne serait même pas capable de réaliser en ayant dormi six jours d’affilée. Non vraiment, elle avait un sacré mérite de faire ça à cette heure-ci. Tellement que c'en était presque louche. Donc soit elle était effectivement dopée, soit Jorah était encore plus naze qu'il se l'imaginait. Il plissa les yeux à son commentaire, parce qu'il avait bien compris qu'elle le trouvait fainéant de se lever à cette heure-ci, mais bon, chacun pouvait quand même faire comme il voulait, zut ! A son prochain commentaire, il se mit à sourire, puis à rire lorsqu'elle essaya en direct. « Je te plains, c'est au moins aussi utile que de savoir faire le grand écart » qu'il laissa entendre, pour sous-entendre que l'un comme l'autre n'était pas d'une extrême utilité, à moins d'aimer impressionner les autres, ce qui n'était personnellement pas trop son cas. Il s’accroupit lorsque Jasmine lui posa une question, légitime d'ailleurs. « Disons qu'en dehors du fait que je me couche à des heures pas très raisonnables, je croyais avoir tout vécu avec Apolline et ses pulsions violentes, mais Benjamin me laisse pas beaucoup de répit non plus. Il bouge tout le temps le mec, sérieux » qu'il fit, dans un rire. C'est vrai qu'il avait un peu le diable au corps le Benjamin, et que c'était pas facile de trouver le sommeil avec quelqu'un d'aussi agité. « Et contrairement à toi, je peux pas vraiment faire de câlins à mon partenaire pour canaliser son énergie » qu'il reprit, en souriant. Loin de lui l'idée de se mêler de la relation de Jasmine et Esteban, mais ils étaient chanceux de pouvoir partager le même lit, dans leur cas c'était clairement commode.

Ça faisait toujours plaisir de se faire traiter de zombie, même si là tout de suite c'était quand même plutôt justifié, puisque Jorah lui-même admettait qu'il devait avoir une sacrée allure, vu la nuit qu'il avait passer. Donc  il le prenait avec le sourire, parce que de toute façon il n'imaginait pas qu'elle ait pu le lui faire remarquer avec l'intention de se moquer de lui. Il se laissa alors aller à un commentaire un peu douteux, et dieu sait qu'il ne se le serait pas permis en temps normal, même s'il savait qu'il était peu probable que sa mère tombe un jour sur cette séquence, vu qu'il l'imaginait mal s'intéresser suffisamment à ce qu'il pouvait bien devenir ces derniers mois pour prendre la peine de se renseigner sur son aventure. Il afficha un sourire amusé à son commentaire, et il est vrai que le grand écart de Jasmine avait tendance à l'impressionner, car ça n'était pas lui qui risquait d'en faire autant. Elle n'était donc pas dopée, simplement levée depuis un petit moment déjà. Mais voilà que lorsqu'il laissa entendre avec ironie qu'il était dommage qu'elle ne soit pas capable de toucher son nez avec sa langue, vu que c'était au moins aussi utile que de savoir faire un parfait grand écart, mademoiselle se lança dans un argumentaire épatant. Il émit alors un rire puis l'écouta avec grande attention, en se frottant le menton. « Certes, tu m'as impressionné, mais là je serais franchement curieux de savoir ce que tu fais de si sportif pendant tes concerts, parce que ça m'intrigue ton histoire » qu'il commenta, le sourire aux lèvres. Non parce que si elle avait besoin de faire le grand écart pour réaliser d'autres choses, il imaginait d'ici la complexité des choses en question. Elle lui proposa alors une battle, et il avala difficilement sa salive. Euh non, hein, c'était pas utile. S'il voulait se ridiculiser, il ferait tout aussi bien de sauter tout habillé dans l'eau. Heureusement qu'elle se mit à rire. « J'avoue que j'ai eu peur que tu sois sérieuse, je me voyais déjà ramper sur le sol pour rentrer, après m'être lamentablement pété le coccyx » qu'il fit, dans un rire. C'est que lui, s'il essayait vraiment de faire ce genre de trucs, il était peu probable qu'il arrive ensuite à se relever, parce qu'on ne pouvait pas dire que son corps soit habitué à ce genre d'exercices périlleux. Jorah en vint alors à confier qu'il avait mal dormi en partie à cause de son nouveau partenaire, Benjamin, qui était peut être un amour en règle générale mais qui avait tendance à un peu trop bouger pendant la nuit. Il esquissa un sourire au conseil de la brune. « Cette semaine je vais peut être éviter, il passe des journées suffisamment pénibles pour pas en plus devoir passer de mauvaises nuits » qu'il confia, parce que ces derniers jours Benjamin avait du s’accommoder du départ de Babou, mais aussi de ce que la révélation du secret de sa sœur avait fait resurgir. Alors il méritait d'avoir la paix. Quant à son autre conseil, il le nota dans un coin de sa tête, en cas de réelle nécessité. Et puis elle lui proposa un massage et il adopta une mine enthousiaste. Il s'approcha donc légèrement et s'assit face à elle. « L'idée me plaît bien ! Et t'as vu, je te fais confiance, je cherche pas à savoir si t'en as déjà fait avant. » Disons qu'il préférait penser que oui, ça lui éviterait d'angoisser. « Comment tu veux que je me mette ? » C'est que lui, pour le coup, il n'y connaissait pas grand chose en massages, et puis c'était à elle de voir ce qu'elle préférait, elle était déjà bien gentille de proposer.