Le scooter de location pétarade encore au moment où Ghika pose le pied à terre. Le casque, plus proche de la bombe de cavalier que de l'attirail de motard baroudeur, sur le crâne et les lunettes de soleil vissées sur les yeux, il regarde le parking. Une ou deux voitures de luxe, une limousine -qui a l'idée de venir à un casting en limousine?- deux ou trois motos, des taxis qui repartent et des voitures communes peuplent l'aire de stationnement. Il est pourtant arrivé largement plus tôt que ce qu'on lui avait demandé. Probablement, pense-t-il alors, que le stress et l'excitation ont fait se lever même les plus fainéants de bonne heure.

S'en griller une avant d'entrer dans le bâtiment, de se faire enregistrer sur la liste des présents, puis d'attendre... Oui, il n'est pas pressé d'attendre, ce n'est qu'une façon de les mettre dans les conditions psychologiques idéales pour tirer le meilleur et le pire d'eux, voir qui se laisse bouffer par le stress et qui répond au challenge. En soi, le système de casting est une sorte de sélection naturelle dirigée par des esprits malins. Après ce constat, il a vraiment besoin d'une cigarette.

Cela fait maintenant bien trois minutes qu'il est seul sur le parking, la clope au bec, assis sur le siège de son véhicule d'emprunt. Jouant d'une main avec son téléphone, qu'il soupçonne ne plus avoir pour très longtemps. Après tout l'expérience d'immersion ne serait pas vraiment complète si on leur laissait prendre ordinateurs portables et smartphones, du moins il le suppose. Quand son regard est happé par un mouvement, une jeune fille qui marche, jolie, brune. Que faire ? Dans ce genre de situation ils étaient tous adversaires mais aussi tous dans le même bateau. « Hé ! Salut ! » la hèle-t-il d'une voix accueillante. Ghika court presque dans sa direction, parce qu'il a envie de lui parler, de faire connaissance, mais aussi parce que discuter avec quelqu'un fera retomber la pression qu'il se met sur les épaules depuis qu'il est arrivé. « Tu te sens prête ? » La question est un peu ridicule, mais il n'a jamais prétendu être le plus doué pour entamer une discussion, il sait plutôt les finir.

J'ai de gros problèmes d'adaptation. Y a quoi deux jours j'étais entrain de traîner mes pieds dans la terre rouge d’Éthiopie. Là je suis dans une voiture de luxe, loué pour l'occasion à me frayer un chemin dans une civilisation moderne et égoïste. Je suis la première à faire partie de cette catégorie de connard qui ne pensent qu'à eux. Mais ça me gave, comment ils conduisent, les regard hautains pour ceux qui se regardent. Je remarque ça, on est tous transparent pour l'autre. C'est dingue, ça me met de mauvaise humeur. Franchement j'ai juste envie de me casser et de retourner soigner des gosses en Afrique, le cul dans un Jeep. J'arrive très tôt, je déteste conduire alors je me suis dis que plus vite j'étais arrivé, plus vite j'en avais finis avec cette corvée. J'aurais pu prendre un taxi, mais je suis du genre à pas faire confiance à leur GPS discount, j'ai un sens de l'orientation sans faille. Enfin, oui c'est vrais que je me suis un peu perdue... c'est pas si important. Je gare ma décapotable, je suis pas très bien droite entre les lignes blanches. Je hausse les épaules, la flemme de ressortir de la place. Je quitte mes tennis déglingué que j'utilise toujours pour conduire en ville pour des hauts talons qui me font déjà grincer des dents. Je suis sûre que je vais souffrir toute la journée. Je déteste les talons. Avant je trouvais ça terriblement féminin et très séducteur. Mais maintenant que j'ai vécu le confort des chaussures de marches et que j'ai remarqué que ça ne m'empêchais pas de faire des bonnes rencontres... je suis plus très sûre de l'utilité de cet accessoire. Mais bon c'est comme ça qu'on fait non ? Je sors de la voiture avec classe, faisant en sorte de ne pas déjà montrer ma culotte. Je garde ça pour l'entretient bien entendu. J'attrape mon sac à main et ferme la porte de la décapotable. Un petit bruit s'échappe de l'auto alors que je prends déjà la direction du bâtiment principale. « Hé ! Salut ! » J'entends alors que je ne comptais pas m'arrêter en chemin. Je me stoppe dans ma marche rapide du coup pour poser mon regard sur mon interlocuteur. Il va me demander de me lire les lignes de la main ou un truc comme ça ? Ou bien il veut mon Moschino ? Il est pas à moi, pas touche. Je resserre mon sac contre mon flan, dans le doute. « Tu te sens prête ? » Ah il veut juste discuter. La conduite m'a vraiment rendu de mauvaise humeur que j'en oublie les civilités de bases. « Salut. » Je réponds alors en retard détachant malgré moi les syllabes plus que de raison. Je l'observe. Il attends quoi ? Ah oui il m'a posé une question. Je dois pas avoir l'air très chaleureuse là, pourtant je le suis normalement. C'est juste que je suis pas trop en phase avec moi-même. Trop de changement d'un coup. « Hm et bien je crois que si je passe là tout de suite je serais recalé et y a de forte chance qu'on m'envoie voir un psy aussi. » Je souris, pratiquant parfaitement l’auto-dérision. « Toi tu m'as l'air d'avoir de l'énergie à revendre, tu es prêt ? Tu t'es entraîné devant ton miroir ? » Je blague, ayant petit à petit une humeur plus agréable. « T'as du feu ? » Que je demande sortant une clope de mon sac, il doit être quelque part dans ce foutoir mais bon vu qu'il fume et qu'il a pas de sac à main je pense que ce sera plus rapide de lui demander à lui. J'insère déjà ma clope entre mes lèvres, avide de sentir cette fumée âpre s’engouffrer dans mes poumons.

Au moins elle est honnête. Un peu décalée mais honnête. Ghika aime bien ce genre de personnalité, les gens qui disent les choses telles qu'elles sont sans s'embêter des convenances qui poussent à toujours sourire et dire que tout va bien. Ce genre de sincérité, bien qu'elle puisse cacher un esprit plus manipulateur que purement franc, était tout à fait rafraîchissante. Il fallait de toute façon avoir un grain de folie pour vouloir participer à une émission telle que Fake Lover. Pour commencer parce que cette participation implique nécessairement d'exposer sa vie et sa personnalité à des millions de téléspectateurs, sans oublier le fait de révéler son secret au monde et enfin il y avait l'amour contraint avec un ou une inconnue... « Je crois qu'on est tous bons pour une petite évaluation psychologique. » Quand elle se met à affirmer qu'il a l'air d'avoir de l'énergie, il sourit. Si elle savait à quel point il ne se sent prêt qu'à une seule chose s'allonger sur un canapé moelleux et dormir, elle aurait révisé son opinion sur la question. « Je crois qu'on n'est jamais prêt pour ce genre de casting... à moins de l'avoir déjà fait une fois et de savoir à quoi s'attendre. Un miroir ? Nan, j'ai préféré me filmer avec mon Iphone et visionner les différentes prises. » déconne-t-il, après mûre réflexion il se dit qu'en effet peut-être qu'il aurait mieux fait de s'entraîner ça aurait pu influer sur son état de nervosité.

Toujours assis sur son scooter il lui tend son zippo, une fumeuse, ça ne l'étonne pas vraiment. Pas qu'elle ait une tête à fumer, mais il aurait pu le sentir. Alors qu'il dégoupille le briquet à essence et enclenche la flamme et la laisse caresser l'extrémité de la cigarette de la jeune fille. « Tu sais ce qu'on dit ? Qui allume encu... enfin c'est mes amis gays qui disent ça alors je ne suis pas sûr que ça s'applique quand c'est à une fille qu'on fournit du feu. » C'est plus fort que lui, ce genre de blague -bien que légèrement potache reste bon enfant- l'amuse, surtout par la réaction que cela provoque chez les gens. C'est une sorte de test, une façon de voir jusqu'à quel point il peut pousser le mauvais goût. A l'instar de Fake Lover c'est un peu une expérience sociologique de son propre cru, sans grande prétention mais ô combien plus rapide que l'aventure de l'émission de télé-réalité.

Je ne pensais pas qu'à peine arrivé je tomberais sur quelqu'un. Enfin à part une personne de l'émission, je m'étais dis qu'on allait tous tomber dans un mutisme nerveux et que ma voix allait être hyper enrouée durant le casting. Mais semblerait que je vais avoir le temps d'exercer ma voix pour le moment fatidique. D'ailleurs j'en aurais bien besoin d’exercice, parce que comme je lui ai dis je doute d'être prête. Je suis tellement pas en phase avec moi-même que je serais capable de dire tout et n'importe quoi rien que pour tout ça se termine et que je puisse enfin rentrer chez moi. Le décalage horaire doit beaucoup jouer sur mon humeur plus que changeante en cette journée particulière. Enfin c'est comme ça que je l'explique en tout cas. Alors non je suis pas prête pour ces castings, loin de là. Mais en même temps je crois qu'on est jamais réellement prêt à se faire interroger comme si on était un criminel en cavale. Selon lui on est tous bon pour une petite évaluation psy. Ce qui m'arrache un sourire, il a pas tord. Parce que pour avoir envie de s'enfermer dans une baraque avec vingt cinq psychopathes potentiels faut vraiment avoir des problèmes. C'est une émission de tordue, on s'expose volontairement, cachant un secret à vous faire perdre le sommeil volontairement. Et après on viendra se plaindre que l'aventure était vraiment dure et compliqué, mais après tout personne nous force à y entrer. Peut être que c'est même le moment idéal pour faire demi tour ? Mais alors que vais-je faire de ces trois mois de vacances ? Non je reste. « Je connais un type qui nous ferais ça gratuitement. » Je lui confie un clin d'oeil à l'appuie. Et oui maintenant on fait même des deal de consultation psy. En même temps vu le milieu dans lequel je travaille, j'ai pas mal de contacts. Y a moyen de créer un petite entreprise spécialiste des candidats déchus de télé-réalité non ? Il continue, ses paroles me rappelant bizarrement mes propres pensées. Alors je ne peux qu’acquiescer. La partie où il me révèle s'être entraîné en se filmant avec son iphone m'arrache un rire. « Tu en serais capable. » Je lui dis comme si je le connaissais depuis des années, moi et mon éternel familiarité. Cette petite discutions n'est pas si terrible finalement, peut être que c'est ce qu'il me fallait même si j'ai été quelque peu surprise par cette rencontre que je n'avais pas prévue. Je lui demande du feu, par flemme de chercher le mien. Et puis c'est une interaction sociale connue comme le monde. Comme demander une clope, l'heure ou ce genre de choses. J'observe son zippo sous toutes ses coutures, la cigarette à mes lèvres j'attends que le feu fasse son travail. La première bouffée est toujours salvatrice. « Tu sais ce qu'on dit ? Qui allume encu... enfin c'est mes amis gays qui disent ça alors je ne suis pas sûr que ça s'applique quand c'est à une fille qu'on fournit du feu. » Mes yeux s'écarquille en une expression de malice. Il me fait bien rire, j'aime le faite qu'il ne se bride pas sous prétexte qu'on est de simples inconnus. Même si que parler de ce genre de chose à une femme est toujours délicat. Moi ça me fait rire, je l'observe malicieuse. « Et alors tu t'es dis que tu allais tester la théorie de la communauté gay c'est ça ? » Je lui demande un petit air de défi dans le regard histoire de voir comment il va se débrouiller par la suite. Autant pousser la blague jusqu'à son paroxysme, sinon ce n'est pas drôle. « Ou peut être que c'est moi qui voulais tester cette légende urbaine. » J'ajoute sur le ton du mystère. Mes lèvres rouges laisse une petite marque sur ma cigarette blanche, j'ai toujours trouvé ça sexy chez une femme. D'ailleurs ça me rappelle quelqu'un en particulier, mon sourire s'agrandit alors que mes yeux se posent de nouveau sur le mec au scooter.

Ghika éclate de rire à la réflexion de la jeune femme, ce genre d'humour, un peu absurde, est totalement sa came. Le fait même qu'elle saute dans son délire à pieds joints le fait se sentir moins stressé. Ils sont si bien partis qu'il ne peut pas mettre fin à ce début de discussion incongrue.« Un bon praticien qui ferait un prix de groupe ? Non je te crois pas, tu me charries ! » surjoue-t-il avec une théâtralité relativement exagérée, quoiqu'assez peu inhabituelle venant de lui, et des yeux écarquillés.

Lorsqu'elle répond à sa plaisanterie sur ses aventures de cinéaste de profil en herbe, il en a la confirmation, cette fille est tout à fait hors norme. Elle semble avoir compris le genre de mec qu'il est tout en ayant saisi son humour en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, Ghika, mi-impressionné mi-suspect -on ne se refait pas-, profite malgré tout de la situation pour passer un bon moment. Après tout, il ne sait pas quand il recroisera quelqu'un qui lui donne la sensation de se comprendre dans cette longue journée qui s'annonce. « Probablement... mais la vérité c'est qu'après trois minutes à tenir la caméra en face de mon visage j'aurais eu trop mal au bras pour continuer. » répond Ghika, faisant preuve d'une autodérision malheureusement assez honnête.

Il allume la cigarette de la jeune femme avant de s'en allumer une aussi, quitte à attendre avec une fumeuse autant s'en griller une de plus avant de rentrer dans le bâtiment. Il se rend compte que son état d'esprit est plus proche de celui d'une vache allant à l'abattoir que celui d'un candidat se préparant à passer un casting, ce qui n'est pas nécessairement une bonne chose. Ghika doit se reconcentrer, c'est impératif, mais avant ça il doit répondre à la demoiselle. Cette dernière vient de soulever la phrase assez inconvenante qu'il a proféré à son encontre. Oh rien de bien méchant, mais c'était assez déplacé pour qu'une bonne petite bourgeoise coincée n'en frissonne de dégoût. « Pas vraiment, c'est juste que j'ai toujours trouvé ça très drôle à dire, puis balancer un commentaire un peu salace a le don de briser la glace et d'instaurer un climat plus détendu. » dit-il rieur, quand il est interrompu par la brunette qui relance la blague dans sa direction. Ce petit échange ne pouvant prendre fin, Ghika sait qu'il doit répondre, quelque chose de bien senti si possible. « T'en serais bien capable ! » rigole-t-il sur le même ton qu'elle s'est adressée à lui quand il l'a taquinée avec son histoire de film amateur servant d'entraînement. Elle était vraiment cool cette gonzesse, elle avait une espèce d'aura assez agréable, une vibration plutôt positive se dégageait d'elle. Elle était très jolie -le savait peut-être un peu trop mais c'était souvent le cas- et en jouait avec une certaine volupté sans tomber dans la vulgarité. « J'm'appelle Ghika, c'est cool de voir qu'ils ont au moins sélectionné une fille sympa. » lance-t-il, se laissant aller à un compliment.

Un prix de groupe ? Ah ça je sais pas, mais peut être que pour lui et moi il serait capable de faire un geste. « Non, j'ai pas l'intention de guérir toutes les pathologies psychologiques des postulants. Je suis pas le messie. » Et je crois que le monde des infirmières s'écroule si elles savaient que l'une d'entre elle proférait ce genre de parole. Moi ça me fait bien rire et puis on peut pas sauver tout le monde, je me contente de faire mon job et là justement je suis en vacances alors qu'il se casse pas la gueule de son scooter je risque de ne pas lui venir en aide, sous prétexte que je suis en vacances. C'est important, sachant que ça fait au moins quatre ans que je n'ai pas eu plus de quatre à cinq jours d'affilé pour moi. Sa théâtralité me fait bien rire, j'aime ce genre de personnes capable de dérision quand il le faut. Les gens trop sérieux c'est d'un ennuie terrible.
Il blague mais en réalité je suis certaine qu'il en serait capable de se filmer à plusieurs reprise pour être certain de donner le bon ton je jour-j. Et même pourquoi pas anticiper les questions et donc ses réponses. Oui il en serait bien capable et c'est que je lui dis d'un ton plus que familier. Trop mal au bras ? Je ris légèrement. « Tu pourrais toujours t'aider de ton second bras histoire de gagner deux trois minutes. » J'ironise un fois de plus imaginait parfaitement bien la scène, un bras qui tient la caméra, l'autre qui le soutiens et au bout de cinq à six minutes le type qui tombe à la renverse tellement l'effort est insoutenable. Ça ferait un bon gag.
Faute de trouver un briquet, enfin surtout par flemme de chercher dans ce bordel féminin qui m'accompagne partout où je me trouve. Voilà qu'il me sort son zippo, il semble bien fière de ce bout de métal plutôt sympa. Je dois dire que j'aime particulièrement ce genre de briquet, j'en ai possédé moi-même mais à chaque fois ils se sont égarés alors je préfère me contenter des petits briquet qu'on peut trouver dans n'importe quel bureau de tabac ou super marché. Qui allume encule c'est ça ? Je souris la malice au bout des lèvres. C'est le genre de blague salace dite au mauvais moment, au mauvais endroit et pas forcément avec la personne adéquate qui me fait bien rire. Mais heureusement pour lui je suis assez réceptive à ce genre d'humour que je pratique de temps à autre. C'est vrai que ça brise la glace ce genre de commentaires, mais je pensais qu'entre lui et moi la glace avait été brisée depuis longtemps. Depuis le moment où je lui ai parlé de manière plus que familière. « C'est sûre qu'il vaut mieux être détendue pour ce genre d'activité. » J'ajoute poursuivant la blague, le rire au bord des lèvres. Sa familiarité me fait rire, en écho à la mienne de tout à l'heure. Et il n'a pas tord, j'en serais tout à fait capable de faire ce genre d'expérience, juste pour voir la réaction que ça peut provoquer chez l'autre. « Tu as raison. Mais ne le dis pas à tout le monde j'aimerais tester cette théorie si jamais je suis prise dans l'aventure. » Oui franchement ce serait bête que tout le monde sache mon petit secret. Il m'annonce son prénom, un prénom que je n'imaginais pas porter par lui mais enfin de compte ça lui va plutôt bien. Le reste m'étonne. Une fille sympa. Je souris. Oui je peux être sympa, mais en général au bout de cinq minutes on me range dans la catégorie petite bourgeoise qui se croit plus belles que les autres. J'imagine qu'il voit au delà des apparences, c'est bien. « Tu m'as l'air plutôt cool aussi. » Je le complimente du bout des lèvres. C'est une rencontre qui fait bien commencer la journée. Je me souviens même plus qu'il y a pas si longtemps j'étais de mauvaise humeur. « Alors tu vas la jouer comment ? Petit déconneur salace, gentil garçon ? Bad boy qui roule en scooter ? » Pour le casting j'entends. Je lui demande pas quel rôle il a jouer mais plutôt quel facette de sa personnalité il va mettre en avant.

Lui qui se voyait déjà en consultation ouverte tous ensemble, assis en cercle dans la salle de détente. Une version adaptée aux futurs candidats d'une émission de télé-réalité d'une réunion des Alcooliques Anonymes pour purifier leurs âmes de leur folie passagère ou sédentaire. Ce refus de fournir un professionnel est outrageant et il compte bien le lui faire savoir, tout en rebondissant sur la blague chrétienne. « Oh... c'est un peu décevant, t'aurais eu le secret le plus fou de la saison ! « Fille de Dieu et sœur de Jésus Christ, j'ai intégré la maison pour faire des miracles » ! Enfin, c'est comme tu veux, mais tu passes à côté d'une bonne opportunité de briller lors des castings ! » rigole-t-il gentiment. C'est rafraîchissant en cette journée d'avoir quelqu'un a qui parler sans se prendre la tête. Ce jour s'annonce assez compliqué comme ça, une discussion facile et amusante ne peut pas leur faire de mal.

Il ne peut pas s'en empêcher, c'est plus fort que lui, cette fille réveille le côté le plus scandaleux de son humour. Alors qu'il ne la connaît pas du tout et qu'au vu de sa voiture ils ne font pas vraiment partie du même monde. Cependant il s'en moque, après tout s'ils sont réunis ici c'est sur un pied d'égalité et dans la maison, leur milieu social n'aura aucune importance. Quand elle se marre à propos de sa capacité physique à deux bras, Ghika ajoute donc, d'un air entendu : « Avec un peu d'effort je pourrais utiliser mon troisième bras... » avant de tirer une nouvelle taffe de sa cigarette en riant. Il ne saurait dire comment cette conversation est devenue aussi forte en sous-entendus, mais encore une fois quand elle fait des insinuations à propos du fait d'être détendue, Ghika ne sait pas se retenir d'éclater de rire, attirant le regard d'un candidat qui passe non loin d'eux sans s'arrêter. « Ne pas être détendu et c'est la déchirure assurée. » plaisante-t-il encore, totalement emballé par sa conversation avec la jolie brune.

La coquine veut donc tester la théorie... Sous les vêtements bon chic bon genre, derrière les vitres teintées de la voiture de luxe, derrière toute son éducation, se cache donc une jeune femme comme les autres, avec un certain appétit sexuel. Ghika, toujours joueur, en profite pour ne pas ralentir la conversation qui doit être on ne peut plus scandaleuse pour les personnes bien pensantes qui pourraient passer à côté d'eux. Mais il s'en fout, ce ne sont pas les autres candidats qui doivent le juger de toute façon. « Je ne le dirais qu'à ceux susceptibles de t'aider à mettre en pratique cette petite théorie. Mais ne compte pas trop sur moi pour participer. » préfère-t-il préciser afin de ne laisser aucun doute quant à ses pratiques sexuelles. Il n'est vraiment pas du genre à faire ce genre de choses, en parler et déconner à ce sujet oui, mais mettre en pratique, avec une aussi jolie et respectable jeune fille, certainement pas.

Elle le complimente et même s'il se sent honoré d'avoir su trouver lui aussi bonne grâce à ses yeux, il note qu'elle ne lui a pas donné son prénom, ce qui peut être un peu handicapant pour la suite de la conversation, bien qu'il puisse se contenter d'un « tu ». Mais Ghika préfère savoir à qui il a affaire, c'est plus personnel, cela implique plus d'engagement de la part de l'autre. « Merci, mais ça ne me dit pas comment tu t'appelles ! » souligne-t-il sans aucune agressivité mais en faisant les gros yeux d'une façon ridiculement surjouée, que même un enfant ne pourrait prendre au sérieux.

« Franchement... je n'en ai pas la moindre idée. Je crois que je vais y aller avec le plus de décontraction possible essayer de les faire rire tout en restant naturel. On verra avec leur façon d'accueillir mes réponses. Mais gentil garçon, faut pas déconner, si je suis casté comme le gentil de la saison et qu'on découvre que je le suis pas, la production va péter un câble. J'ai rien d'un bad boy à part le scooter évidemment ! » répond-il à la question sur sa stratégie. Il doit avouer qu'il espère surtout que sa personnalité, au naturel, suffira, que son côté sociable et amusant mais qu'il ne faut pas trop emmerder saura convaincre les jurés. Intrigué par sa question, il se sent obligé de la lui retourner. « Et toi tu comptes t'y prendre comment pour les séduire ? La fille fragile pour les attendrir ou celle qui n'a pas froid aux yeux et qui va les décontenancer avec ton humour ? Ou alors... une fille de la haute qui roule en voiture à chauffeur ? » Ghika sait bien qu'il ne devrait pas noter ce genre de choses, que chacun vient d'un milieu qu'il n'a pas nécessairement choisi et que ce n'est pas parce qu'elle a des parents riches, ou qu'elle est elle-même riche, qu'elle va se prendre pour une princesse. Il ne l'a pas dit sur un ton particulier, c'était une simple constatation, certes il ne s'était pas exclamé comme s'il avait découvert une perle rare ou un billet de loto gagnant sur le sol, mais les gens riches -et qui se prenaient pour ses supérieurs- ne sont pas ses préférés. Les rares expériences qu'il a vécu avec des clients fortunés lui ont appris qu'il n'était qu'un pauvre petit serveur au service de ses Majestés. Expériences qui, il est inutile de préciser, Ghika n'est pas pressé de reproduire.

Son hilarité est contagieuse et à la don de détendre tous mes muscles, qui avaient été rudement malmené à cause de la conduite. Il a dut penser que j'étais généreuse et que ce que je lui proposais pouvait aussi marché avec tous les autres. On va pas non plus exagérer, je veux bien m'arranger pour lui parce qu'il me semble plutôt sympa mais les autres ils vont rester dans leur merde. Je suis en vacances, rien ne m'oblige à les aider à moins que je risque d'être accusé de refus de secours à la personne ou je ne sais plus quoi. Comme je lui dis je suis pas le messie et cette simple expression fait travailler son imagination. « Tu viens de me démasquer, que je suis sotte. » Je mime l'idiote. « Non mais qu'est-ce que tu crois que je peux pas briller par moi-même ? » Je lui lance faussement vexé par la fin de sa phrase. Non mais vraiment ? J'ai pas besoin d'un secret, ou d'un faux secret pour me faire remarqué. Je veux pas être pédante ou quoi ce soit, mais on ne m'a jamais dis que j'avais un charisme insipide. Plutôt le contraire, alors je me fis à mon expérience, je pense que je peux briller par milles manières. Pas besoin d'un fake, ou de mettre un décolter pigeonnant. Même si c'est vrai que la petite jupe c'est quand même un plus.
La conversation change totalement de ton, si au départ c'était un échange sympa mais tout de même basique. On parle de psychiatrie, ce genre de choses pas vraiment folichonne pour un premier contacte. Et puis je commence à me moquer de lui et voilà qu'on entre dans un registre plus graveleux, ça pourrait me choquer en même temps je suis une bourgeoise ou en tout cas j'en ai l'air. Je souris à l'évocation de son troisième bras et entre totalement dans son jeu de sous entendus graveleux. C'est facile, tordant et plutôt surréaliste pour des gens qui se connaissent depuis trois secondes. Mais c'est ce qui me plaît justement, j'aime pas les platitudes. Mon rire est spontané, alors qu'il me parle de déchirure d'anus. Et pour en avoir déjà vu dans mon métier, ça n'a clairement rien de drôle. « T'es pas possible. Irrécupérable. » Je lance, comme on lance à une vieille connaissance qu'on vient de retrouver et c'est là qu'on se rend compte que la personne n'a pas changé toujours le même salle gosse aux blagues un peu trop salace. Par contre je serais presque déçue d'apprendre qu'il ne souhaite pas participer à mon expérience sociologique, celle que je compte mettre en pratique dans l'aventure si jamais je suis prise. Mais je vous rassure, c'est une théorie que je ne mettrais pas en pratique, simple blague qui pourrait elle être dite et redite dans l'aventure. On me connaîtra pour être la fille qui a proposé à des tas de gens de lui déchirer l'anus. Sympa non ?
Il me donne son prénom, détail dont j'aurais encore pu me passer un bon moment. Ce n'est pas quelque chose que je demande aux gens que je rencontre, pas tout de suite en tout cas. Je serais plus du genre à demander où la nana à acheter son soutif tellement sa poitrine est pigeonnante. Alors je lui dis qu'il est cool, mais je m'abstiens de lui faire savoir mon prénom, sans vraiment m'en rendre compte. Parce qu'après tout il ne me l'a pas réellement demandé. Alors je suis juste passé à autre chose. Mais le monsieur insiste. Je souris, je suis presque certaine qu'il va oublier mon prénom et que demain je serais juste la nana sympa qui parle de sodomie dans un parking. Et après demain il aura certainement oublié cette histoire, une parmi tant d'autres. « Tilda, c'est Tilda. » Je réponds toujours amusé par sa personne. Je pourrais lui pondre une diserte lui prouvant que l'utilité de cette information est discutable. Mais je m'abstiens terminant ma cigarette. J'embraye sur autre chose, à savoir le casting. Je le vois bien en petit gamin salace qui se balance en arrière sur sa chaise, mais être qu'il va jouer la carte du petit garçon sage qui rend fière sa maman ? « T'es pas un gentil garçon alors ? » Je le questionne écrasant ma cigarette avec le talon de ma chaussure. Et moi alors ? Fille fragile, qui n'a pas froid aux yeux ou encore nana de la haute. Je souris alors il me voit de ces trois façons. Il n'a pas tord, je suis les trois mais bien plus encore. « J'ai pas de chauffeur et je crois d'ailleurs que j'en aurais bien besoin, je déteste conduire. Je crois que je vais contenter de faire un mon petit mixe de tout ça plus quelques petits ajouts de mon crue pour faire un cocktail sympa, pas trop amer, ni trop sucrée, l'alliance parfaite entre les deux. T'en penses quoi ? » Je note tout de même que la façon dont il parle des riches ne me semble pas être à mon avantage. Heureusement que je ne suis pas vraiment une bourgeoise j'en ai les mimiques, certainement le look aujourd'hui et bien entendu l'éducation. Mais moi j'ai pas rencontré une seule bourgeoise qui a passé six ans de sa vie entre Europe de l'est et Afrique à aidé son prochain. Non elles, elles préfèrent faire de l'humanitaire dans leur salon en organisant des dîners caritatif. C'est tellement plus simple. J'ai jamais compris le principe d'organiser un fête pour aider les pays pauvres. Je trouve ça mal vue et plutôt hypocrite. Ils leurs faut juste une bonne occasion pour sortir l’argenterie et le nouveau service en porcelaine acquise à la dernière vente aux enchères de Christie's. Peut être que moi aussi j'ai un problème avec les riches. « T'as une problème avec les riches alors ? » Je lui demande alors, sans vraiment m'inclure dans « les riches ». Je me sais chanceuse, mais en réalité je ne possède aucun argent, j'ai travaillé six ans bénévolement, tout ce que j'ai appartient à mes parents. Je ne suis pas riche, j'ai juste eu assez de chance pour naître dans une famille qui elle a de l'argent.

« J'ai aucun doute sur tes capacités incandescentes j't'assure. » répond Ghika au commentaire de la jeune femme qui semble légèrement offusquée quoique faussement offensée par son commentaire précédent et qui prétend pouvoir impressionner les jurés par la seule force de son caractère. Ce que Ghika commence à croire. « Tilda... Tilda... Tilda ! C'est noté ! » Dans un coin de sa tête il note le premier prénom de la journée, en rentrant ce soir chez lui il retranscrira tous les prénoms dans un petit carnet, il ajoutera des commentaires sur le caractère de chacun, ce dont ils ont discuté. Ghika est méticuleux, il veut surtout pouvoir se rappeler rapidement des noms de tout le monde, après tout ils risquent d'être coincés pendant des semaines entières tous ensemble et savoir le maximum de choses sur les autres peut être un avantage certain et aider dans la chasse aux secrets. Tout n'est pas que calcul dans la vie de Ghika, il apprécie vraiment le contact humain et ne peut se passer d'une bonne discussion bien longtemps. Mais dans Fake Lover il préfère partir préparé. Et puis écrire sur les gens, croquer leur visage, lui permettra de ne pas paraître impoli auprès de ceux avec qui il aura déjà noué un premier contact. La question sur le fait qu'il soit un gentil garçon le déstabilise un peu. Il ne sait pas trop quoi répondre à ce genre d'interrogation. Il n'est pas un fils à maman, il n'est pas un connard de première catégorie, mais il est loin d'être un ange et il a malgré des apparences plutôt douces et souples un caractère bien trempé. Tilda a vraiment réussi à mettre le doigt sur une question ennuyeuse. Bien que sur un plan universitaire un de ses professeurs lui aurait dit que ce n'était pas une question valable car biaisée et non scientifique, Ghika décide de répondre le plus sincèrement possible. « Je crois pas non. Enfin tout dépend ce que tu entends par gentil garçon aussi. Si pour toi il y a les gentils d'un côté et les gros connards et autres caïds et gangsters de l'autre je préfère être dans le clan des gentils. Officieusement je pense que je suis un peu entre les deux. » Voilà, cela semble suffisamment juste et honnête. Ce n'est probablement pas la réponse la plus claire qu'il ait jamais donnée mais qu'importe.


Il tire sur sa clope, en fait tomber la cendre puis souffle lentement la fumée hors de ses poumons en un mince filet. Ghika est assez heureux d'avoir plutôt bien cerné Tilda, en dehors de l'histoire du chauffeur mais ça c'est un détail, elle n'a pas rejeté ses propositions de personnage à adopter ce qui est déjà un bon signe. Elle pénètre dans son univers lorsqu'elle parle de cocktail et en demandant son avis elle s'expose sans le savoir à une remarque totalement improductive. « Ajoute un peu de vodka et je pense que ce sera un cocktail tout à fait délicieux. » dit-il en souriant de toutes ses dents à la jeune femme. Au fond c'était un compliment, une appréciation de la recette que Tilda voulait présenter aux membres du jury. Mais les métaphores alcoolisées étaient une tentation trop forte pour que le barman n'y résiste. Elle réagit à rebours à sa réflexion sur le chauffeur, ou du moins elle ne l'analyse qu'après quelques secondes. Ghika ne serait pas surpris qu'elle le prenne mal. Après tout c'était probablement une insulte à ses parents qu'il formulait de façon indirecte. Mais il estime que son point de vue, basé sur des années d'expérience, n'a rien de réellement offensant. C'est une observation plus qu'un jugement en soi. « J'ai un problème avec les abrutis en général, qu'ils soient pauvres ou riches. Les riches ont tendance à croire que leur argent leur permet de ne pas réfléchir et c'est ça que je n'aime pas. Par contre ils laissent des pourboires plutôt généreux alors je ne leur en veux pas trop. »