+ J'ai l'impression que je cours un peu dans tous les sens sans trop savoir pourquoi. C'est peut-être le fait d'être encore surexcitée à l'idée d'être ici, dans l'émission, en Australie. Ça en jette quand même ! Et le nid est tellement génial. C'est vraiment mille fois mieux de vivre l'aventure en tant que candidat qu'en tant que téléspectateurs. En fait, quand on est devant son poste de télévision, on ne voit presque rien. Je suis vraiment ravie d'avoir pris la décision de participer, je suis fière de moi, c'est une bonne chose de faite, voilà ce que je me dis. Et je suis surtout trop contente qu'on m'ait sélectionnée pour faire partie de la saison, parce que j'avoue qu'après l'entretien dans les locaux de la production, et en particulière les différentes réponses similaires aux miennes lors de l'activité, je l'ai de moins en moins bien sentie. Je me voyais déjà refusée, la porte claquée au nez alors que j'étais déjà allée si loin dans les castings. Mais heureusement, la porte donnant sur le nid s'était ouverte à mon passage, grâce à mon partenaire, Noah, puisque c'est lui qui l'a ouverte en fait, pour faire le type galant, j'imagine. Je repense ainsi à la soirée du premier prime pendant un bon moment, jusqu'à ce que j'arrive au niveau des escaliers. J'hésite à prendre l'ascenseur parce que j'ai un peu la flemme de faire l'effort de monter tout un tas de marches pour atteindre l'étage supérieur, mais finalement, je me dis que si peu d'exercice ne peut pas me faire de mal et j'entame mon ascension. J'arrive presque au bout quand je passe une main dans mes cheveux, me rendant alors compte qu'il me manque quelque chose. « Oh non ! » Je couine en me retournant vers les marches que je viens d'enjamber. Je tiens le lobe troué de mon oreille entre mon pouce et mon index, un air inquiet, presque triste au visage. J'ai perdu une boucle. « J'ai perdu une boucle. » Que je déclare d'un ton presque dramatique. Je reste plantée là un bon moment en attendant, je ne sais trop quoi. Qu'elle revienne à sa place d'elle-même, ou qu'on me la rapporte, mais le type que j'aperçois n'a pas l'air de venir de trouver un bijou féminin. Non, il a plutôt l'air renfrogné, mais ça n'a aucune espèce d'importance à mes yeux. « Dis, tu n'aurais pas vu une petite boucle d'oreille ronde, beige, enfin nacrée, comme une perle ? Je viens de la perdre. » C'est trop triste, cette pauvre petite boucle d'oreille qui s'est égarée et sa jumelle qui se retrouve seule pour m'embellir. J'espère que je vais la retrouver, parce que même sans être ma paire préférée, j'y suis attachée, et puis ça à un prix ces petites choses.

Nous sommes mercredi, et il pense déjà au prime de dimanche. Il pense déjà cette soirée où il sera de nouveau réuni avec une dizaine d’autres personnes. Le premier prime a été une épreuve pour lui de ce côté-là, et il angoisse déjà à l’idée de remettre ça ce dimanche. Pour autant, il ne se cachera pas dans un coin du nid en attendant que les heures passent, il ira, ne restera peut-être pas jusqu’au bout, mais il ira. Parce qu’il garde en mémoire que s’il s’est inscrit ici, c’est pour faire plaisir à Peter, et que ce qui ferait réellement plaisir à Peter, c’est qu’il essaie de s’ouvrir un peu aux autres, et surtout qu’il sorte de cette fichue solitude qui est devenue sa meilleure amie. Mais même si Peter a toujours sa place dans un coin de sa tête et qu’il essaiera toujours de le rendre fier d’une façon ou d’une autre, ça ne l’empêche pas d’être nerveux. Et cette nervosité se traduit par des pas incessants au sein du nid, qui le mènent d’un endroit à l’autre, même s’il ne prend jamais la peine de s’arrêter quelque part. Ses pas le guident pour la troisième fois dans les escaliers – puisqu’il évite volontairement l’ascenseur – mais, surprise, cette troisième fois il n’est pas seul. Il repère une candidate qui semble perdue. Lui se stoppe net, n’avance plus d’un pas tandis qu’il prend tout de même la peine de l’écouter. « Non. » Il lui avoue, en haussant les épaules, indifférent à sa douleur. Douleur, oui, puisqu’elle a l’air bouleversée d’avoir perdu sa boucle d’oreille. Malheureusement pour elle, il n’est pas en mesure de l’aider, puisqu’il n’a pas prêté attention au sol et donc à ce qui pouvait potentiellement s’y trouver, et il ne compte pas le faire maintenant. Il avance d’un pas, mais évite de s’approcher trop près d’elle, pour observer la boucle d’oreille qui est toujours bien présente sur son oreille, elle. « Il faut que tu perdes l’autre. » Il dit, reculant ensuite d’un pas pour reprendre sa position initiale. « Elles ne sont pas jolies. » Il ajoute, comme pour que sa précédente phrase prenne un sens. C’est mieux pour elle de perdre volontairement l’autre, il se fera un plaisir de le jeter par la fenêtre si nécessaire. Enfin, peut-être pas un plaisir, mais il le fera s’il le faut. Il reste immobile tandis que son regard vagabonde désormais sur les escaliers ô combien intéressant, du moment que ça lui permet de fuir le regard de sa camarade. Il a essayé d’entamer une conversation – du moins, il a l’impression – c’est donc bien suffisant.  

Je n'arrive pas à croire que j'ai déjà réussi à perdre quelque chose. Un bijou en plus ! Et elle est tellement petite cette boucle d'oreille qu'elle a pu rouler et se glisser n'importe où sans que personne ne la voit plus jamais. Mais peut-être que celui-ci pourrait l'avoir vu. Je lui demande d'ailleurs si c'est le cas en la lui décrivant du mieux que je peux. Je le laisse aussi voir la seconde, mais la réponse est malheureusement négative. Je pousse un petit soupire de déception. C'est nul. En le voyant monter à ma suite je me suis dit que si elle était tombée dans les escaliers il aurait pu la voir et la ramasser, mais je comprends qu'on ne fasse pas forcément attention à ce genre de choses. Si ça se trouve je me trompe complètement quant à l'endroit où je pense l'avoir perdue. Elle est peut-être dehors. Oh non ! Je ne vais jamais la retrouver si elle est dehors. Pauvre de moi, et pauvres boucles d'oreilles séparées à jamais. Je suis vraiment bête, j'aurais dû m'en apercevoir plus tôt. Ça se remarque une boucle d'oreille manquante tout de même. Mais non, moi je ne sens pas la différence, je suis nulle. Je masse le lobe nu de mon oreille entre mes doigts, en essayant de me souvenir de tout ce que j'ai fait aujourd'hui et tout particulièrement si j'ai remarqué ou senti quoi que ce soit de différent jusqu'à ce que je me rende compte de la disparition de ma précieuse, mais c'est mission impossible. Le candidat ne fait que me mettre en face de la triste vérité en déclarant que je dois perdre l'autre. Je le fixe un instant d'un regard absent avant de changer d'expression comme si l'information venait enfin de me monter au cerveau quand il ajoute qu'elles ne sont pas jolies. « Moi je les trouvais très jolies, toutes les deux. Et je n'ai aucune envie de perdre la seconde. » Je me lamente doucement pour une paire de boucles d'oreille, qui à présent n'en ait plus vraiment une, mais soit. « Je vais la garder, en souvenir. » Et quel souvenir ! Le jour où j'aurais perdu sa jumelle. C'est peut-être un peu idiot de ne garder qu'une boucle mais moi j'y tiens. Surtout qu'il se peut que je remette la main sur celle que j'ai égarée assez vite. Tout de même résignée, je l'enlève et la glisse dans une poche de mon jean. « Si jamais tu vois l'autre, préviens-moi, d'accord ? » Je lui demande, osant à peine espérer qu'il accepte. « Je m'appelle Jessica. » Au cas où il la trouverait mais qu'il ne me trouverait pas, moi, et qu'il doive demander à quelqu'un s'il m'a vu, ce serait dommage de ne pas savoir comment je m'appelle. Enfin, rien ne dit qu'il aura un jour à me chercher. « Et toi ? » Là, c'est plus la curiosité qui parle, et changer quelque peu de sujet aura peut-être le mérite de me faire oublier cette grande perte à laquelle j'ai à faire.

Spoiler:

Malheureusement pour elle, il n’a vu aucune boucle d’oreille sur son passage. En réalité, il n’y a pas prêté attention. Il n’est pas vraiment le genre de type à regarder où il marche, dans l’éventualité où il trouverait un objet perdu sur son chemin. D’autant plus qu’elle est comique la demoiselle, a lui demandé s’il a vu une boucle d’oreille de la taille d’une puce et d’une couleur peu voyante. Si d’autres auraient proposé leur aide depuis longtemps dans ses recherches, il ne compte pas le faire puisqu’il n’a aucune envie de perdre son temps à chercher une boucle d’oreille, moche qui plus est. Enfin, ce n’est pas comme s’il était expert en mode, mais elles n’ont rien de particulier ces boucles d’oreilles – ou plutôt celle qu’il aperçoit – elle pourrait tout à fait s’en passer, ce serait même mieux. Elle ne semble pas être du même avis ceci dit. « Elle te sert plus à rien maintenant. » Il déclare, sceptique. Non mais sérieusement, il ne comprend pas, elle veut s’en faire un collier avec celle qui reste ? Il reste la possibilité qu’elle retrouve la deuxième, mais ça reste quand même plus probable qu’elle reste disparue à tout jamais. Visiblement, elle ne sera pas transformée en collier, mais en souvenir. Il fronce légèrement les sourcils. « …  » Il ouvre légèrement la bouche, prêt à lui demander à quoi un souvenir comme ça pourrait bien lui servir, mais il préfère abdiquer. Cette fille n’a pas inventé l’eau chaude, il n’est pas sûr qu’il  puisse obtenir une réponse censée. Elle garde tout de même l’espoir de réunir les deux boucles. « Oui, bien-sûr. » À comprendre : je n’y compte pas. Certes, s’il voit l’autre par hasard, il fera peut-être l’effort de la ramasser, mais il y a plus de chance pour qu’il envoie la jeune femme la chercher toute seule comme une grande. La situation la plus crédible, en réalité, c’est qu’il ne compte pas faire attention à cette fameuse boucle d’oreille et qu’il y a donc peu de chance qu’il puisse la lui ramener, d’autant plus qu’il n’y repensera sûrement plus d’ici une petite dizaine de minutes, ce n’est pas comme si la perte d’une boucle d’oreille était l’événement marquant d’une journée. Du moins, pas pour lui. Elle lui annonce par la suite qu’elle s’appelle Jessica. Ce n’est pas dit qu’il s’en souvienne, mais comme ce prénom ne fait pas partie de la catégorie de ceux à coucher dehors dont sont affublés certains candidats, elle part avec un léger avantage. « Alistair. » Il annonce, même s’il ne lui en tiendrait pas rigueur si elle ne le mémorise pas. « Tu comptes organiser une veillée funèbre pour sa copine ? » Il demande en désignant d’un signe de tête son jean, là où elle a rangé la boucle d’oreille survivante. Il demande ça en toute ironie, légèrement moqueur, parce qu’il semblerait que ce soit le drame de sa vie que de perdre une boucle d’oreille.

Spoiler:

 

Il me fait remarquer qu'elle ne me sert plus à rien maintenant. Je hausse les épaules d'un air un peu indifférent. C'est vrai, elle ne m'est plus d'aucune utilité, mais ça n'en aurait pas non plus de perdre la seconde, alors je décide de la garder comme souvenir. Je crois bien qu'il veut répondre quelque chose, mais il s'abstient finalement. Il accepte néanmoins de me prévenir s'il voit la boucle que j'ai perdue et il y met tellement de bonne volonté que je le croirais presque. « Si ça t'embête c'est pas grave, laisse tomber. » Je n'ai pas envie de l'emmerder avec la boucle d'oreille plus longtemps, de toute façon, je doute qu'il soit encore possible que je la retrouve. Tant pis, ça m'apprendra à faire attention. Je lui apprends tout de même que je m'appelle Jessica. Lui, c'est Alistair. Rien ne garantit que je m'en souvienne mais je vais faire de mon mieux. Peut-être bien que j'arriverais à m'en souvenir grâce à l'unique boucle qu'il me reste, voilà à quoi elle pourrait me servir. Il me demande si je compte organiser une veillée funèbre pour la disparue, d'un air plein d'ironie, je le sens bien, je ne suis pas aussi bête que j'en ai l'air. « Oui, évidemment. » Je réponds sur le même ton, me moquant presque de moi-même et de ma réaction à propos de la perte d'une simple petite boucle. Je n'en ai pourtant pas fait tant que ça comparé à d'habitude. J'aurais aussi pu passer le nid au peigne fin pendant des heures et ne m'arrêter que quand j'aurais retrouvé la disparue. « Et j'espère bien t'y voir, d'ailleurs. » Ou pas. Non mais il se fondrait parfaitement dans l'ambiance de la soirée, je trouve, ce serait dommage de nous priver de toute sa joie de vivre.

Il ne comprend pas vraiment la réaction de sa camarade. On dirait que la perte de sa seconde boucle d’oreille est le drame de sa vie. C’est qu’une boucle d’oreille – moche en plus – ce n’est pas comme si elle venait de perdre son portefeuille ou sa maison. Peut-être qu’il n’est pas en mesure de comprendre sa camarade parce qu’il n’est pas une fille et qu’il ne voit pas l’importance que peut avoir cette boucle d’oreille. Aussi, il n’est pas matérialiste Alistair, compte tenu qu’il ne possède que très peu de choses – pas même un logement, c’est pour dire – alors forcément ça lui passe au-dessus de la tête cette disparition, et il ne compte pas se mettre à retourner le nid pour l’aider dans sa recherche. Elle voit d’ailleurs bien qu’il n’est pas spécialement motivé par cela, bien même si sa proposition laissait entendre le contraire. « Comme tu veux. » Il hausse les épaules. Ça l’arrange, et sûrement que ça se lit sur son visage – enfin non pas vraiment – mais il ne va pas tenter de lui faire changer d’avis pour avoir l’air d’un brave gars. Il ne peut pas s’empêcher de faire un commentaire légèrement moqueur par rapport à cette affreuse perte. Bien-sûr qu’elle compte organiser une veillée funèbre, et il est même invité. Quel honneur. « Avec plaisir. »  Il répond avec une ironie non-dissimulée. Ce serait l’hôpital qui se fout de la charité que de ne pas assister à la fameuse veillée funèbre, lui qui s’est comparé à un enterrement lors de la seconde activité organisée par la production durant les castings. « Il faut que tu prépares un discours. »  Qu’il continue sur le même ton. On pourrait croire qu’il a une dent contre la candidate compte tenu de sa façon de s’exprimer, mais il n’en est rien, il a juste quelque chose contre sa façon de traiter le cas de la boucle d’oreille disparue. C’est un peu… un peu ‘’trop’’ tout simplement. On dirait que c’est le pire problème qu’elle ait rencontré de sa vie et ce n’est pas un comportement qui lui plait, même si chacun agit comme bon lui semble.  

Je ne l'oblige pas à chercher ma précieuse avec moi, ni à me le dire s'il la trouve. Ce serait nul de sa part de ne pas me la rapporter ou au moins me dire où elle est, mais tant pis, il n'a pas l'air franchement sympa, mais d'un autre côté, je l'ai perdue toute seule donc c'est entièrement de ma faute. Quoi qu'il en soit, je compte évidement organiser une veillée funèbre pour la boucle disparue, qui va extrêmement me manquer. Non, j'exagère un peu tout de même, et je sais que je dois avoir l'air stupide. En fait, c'est vrai que j'ai été assez surprise et paniquée au début, dès que je me suis rendue compte qu'elle n'était plus à mon oreille, mais il faut bien que je m'y fasse maintenant. Après tout, ce n'est qu'une pauvre boucle d'oreille, moche si j'écoutais l'avis d'Alistair, alors il vaut peut-être mieux que je n'ai plus l'occasion de les porter, parce que maintenant qu'il n'en reste plus qu'une, il a raison, elle ne me sert plus à rien. Je vais tout de même la garder, oui, j'y tiens, c'est idiot ça aussi, comme la réaction que j'ai eue, bien qu'elle se soit à présent un peu atténuée, mais c'est comme ça. En tout cas, il dit qu'il viendra avec plaisir. Il pourrait y mettre un peu du sien, mais bon, je n'ai rien à dire, je joue un peu les hypocrites moi aussi. Je lui adresse un sourire du même goût que notre conversation. Puis il déclare que je devrais préparer un discours. « Ah oui, c'est vrai, tu fais bien de me le rappeler. Je ne suis pas très douée pour ça, je devrais m'y mettre dès maintenant. » Que je dis en me tournant pour continuer ma route. « Tu veux m'aider, peut-être ? » Moi, le chercher ? N'importe quoi. Je lui propose juste comme ça, sans arrière pensées ni rien. Non mais j'entends déjà sa réponse. Quoi que, peut-être qu'il va finir par abandonner l'ironie à force, en avoir marre de moi et me le laisser entendre clairement. Je ne le prendrais pas mal, promis, je suis une grande fille.