+ Je viens de faire tomber un verre par terre. Naturellement, il a explosé en mille morceaux sur le sol. Heureusement que j'avais des chaussures aux pieds et que personne d'autre n'était dans les parages, surtout pas Milou, le pauvre, il aurait pu se faire mal. Je souffle parce que j'aime pas être maladroite, mais ça veut dire que je commence à fatiguer. Il serait peut-être temps d'aller au lit, sauf que d'abord je dois bien évidement nettoyer. Je veux pas qu'on passe après moi, qu'on se blesse ou qu'on dise que celui qui a laissé ça comme ça c'est un con ou un égoïste. J'ai pas fait exprès mais c'est quand même de ma faute, donc je vais passer un coup de balais, ce sera vite terminé et je pourrais aller me coucher. J'ai hâte, je fais que me le répéter en me dirigeant vers le placard à balais qui est normalement censé en contenir. Sauf que quand j'ouvre la porte je n'en trouve qu'un seul et un candidat en plus de ça. Eryk, l'un des candidats sauvés lors du deuxième prime et celui qui s'est fait passer pour le double maléfique de Cupidon, ça y est, je m'en souviens bien. Je hausse tout de même un sourcil, l'air vraiment perplexe face à la situation. « T'as mangé tous les balais ou comment ça se passe ? » Je sais pas, il est là, lui, mais pas les trucs qui sont normalement censés y être. Enfin peut-être qu'on appelle ce truc "placard à balais" mais que c'est plus pour la forme, parce que sinon on saurait pas comment l'appeler. À moins que ça n'ait rien à voir, que ce soit bien un placard à balais mais qu'on les ait tous empruntés pour jouer aux chevaliers avec leurs épées, j'en sais rien moi, mais je me contenterais de ce que j'ai sous la main, enfin dès que j'aurais un semblant d'explication à ce qu'il peut bien fabriquer là, le grand baraqué, même si au fond ça me regarde sans doute absolument pas.

C'est quand même étrange de ne trouver qu'un balai et un candidat dans un placard à balais. À la rigueur, s'ils avaient été deux, candidats, pas balais, j'aurais peut-être pu comprendre ce qu'ils étaient venus faire là, mais j'avoue que la situation actuelle me laisse quelque peu perplexe. Je lui demande s'il n'aurait pas mangé les balais, mais non, apparemment, ce sont certains autres qui les auraient coincés dans le cul. « Ah, je me disais aussi. » Je prends un air faussement pensif avant de me mettre à sourire. C'est que je suis en train d'imaginer la scène et c'est assez drôle. Il n'empêche que je voyais sa blague arriver à des kilomètres. Bon, peut-être pas tant que ça parce qu'avec la fatigue je fais plus trop gaffe, mais quand même. Il tient tout de même à préciser qu'il ira pas les chercher, ces fameux balais disparus. « Oh, tu me déçois. Mais tant pis, je me contenterais de celui-là. » Fausse mine déprimée à l'idée d'utiliser le seul balais qui s'est pas promené entre les fesses de quelqu'un. Quoi que, j'en sais rien, si ça se trouve... Ok, je préfère pas y penser. De toute façon, j'ai pas vraiment le temps, j'ai déjà le droit à une nouvelle blague qui réussit à me faire éclater de rire. Je sais pas si c'est parce que c'est drôle ou si c'est la fatigue, mais je glousse vraiment comme une idiote. « Avoue, en fait on te paye à la blague. » Non mais ça peut pas être possible d'être con comme ça, ou alors il a suivi un entraînement spécial et il a signé un contrat, je sais pas. « C'est peut-être même ton secret ! » Oui, oui, je suis assez stupide pour lancer l'idée comme ça au lieu de courir le buzzer. J'y crois pas vraiment, en fait, mais je fais bien semblant quand même. Il est peut-être juste drôle naturellement et c'est une plutôt bonne qualité.

Bon et bien, puisque personne ne semble vouloir se lancer à la recherche des balais disparus, potentiellement entre les fesses de certains candidats, je vais devoir me rabattre sur le seul qu'il reste. Sauf qu'Eryk ne peut évidement pas s'empêcher de me faire remarquer qu'on ne sait pas où il a traîné. « Beurk. » J'étais à deux doigts de le prendre mais finalement, je crois que j'ai plus très envie, ou alors faut que je trouve des gants d'abord. Et qu'il arrête de faire des blagues drôles mais connes celui-là aussi. D'ailleurs, j'émets l'hypothèse qu'il puisse être payé à la blague, et que ce soit même son secret. Si c'était le cas, il serait riche. Et puis ça serait classe d'être payé à être lui-même. « Tu m'étonnes. » Je laisse échapper avant qu'il dise que je peux aller buzzer, comme ça, je lui ferais gagner de l'argent facilement. Je fais une petite moue en hochant la tête de droite à gauche, parce que je pense pas que ce soit une bonne idée, pour ma cagnotte, au final. Je m'apprête à rouvrir la bouche mais monsieur me fait taire en me demandant de ne plus faire de bruit. Il referme la porte derrière moi et je pince les lèvres en attendant d'avoir à nouveau l'autorisation de parler. Mais c'était rien qu'une fausse alerte. Je hoche la tête d'un air faussement consterné, poussant un léger soupir. Il tente alors de rouvrir la porte mais sans succès. Je lui lance un regard plein d'espoir que ce soit encore une blague, de mauvais goût pour le coup, mais une blague tout de même, sauf que ça n'en a pas l'air. Il veut pas m'inquiéter qu'il dit, mais on est bel et bien bloqué. « Ah. » Je fais simplement. Je sais pas quoi dire. Je sais pas quoi faire. J'avoue que j'ai envie de lui dire qu'il est nul et de le frapper gentiment sur la tête, mais non, ça ne servirait pas à grand chose. Puis bon, quitte à rester enfermé là-dedans, il ne vaut peut-être mieux pas que ce soit pour s'engueuler et se taper dessus. Je m'en donnerais, peut-être, à coeur joie une fois qu'on sera sorti. « Non mais je m'inquiète pas. » Je dis soudain, d'un air quand même un peu angoissé. « T'es un type costaud. » Je palpe son torse du bout des doigts. « T'as qu'à défoncer la porte. » Et je m'en fous s'il se fait mal parce que c'est de sa faute si on est coincé là.