J'avais grand besoin de me défouler, d'évacuer tout ce stress et cette tension suite au prime.  A Seattle j'avais cette habitude de me rendre toutes les semaines dans un petit studio de danse dans mon quartier. J'étais une mordue de danse même si ma préférence allait vers le classique. J'avais entendu dire qu'il y avait un gymnase et au fond de moi j'espérais qu'il y aurait un petit coin pour m'entraîner à l'abris des regards indiscrets. Je ne demandais pas grand chose, juste un petit peu de parquet pour recréer l'ambiance d'un studio de danse. Je me dirige vers le gymnase, mon sac de sport pour seule compagnie.. Je m'engouffre dans l'immense gymnase qui semble désert pour le moment. Je vais me changer dans les vestiaires et enfile un justaucorps noir sur lequel je passe une jupe noire. Mes chaussons dans une main et une petite bouteille d'eau dans l'autre , je prends place le long d'un mur ou une barre a été installé. L'entraînement peut alors commencer.  Je commence par quelques petites pointes pour tester mes sensations. A la barre, je teste mes arabesques et mes attitudes avant de me jeter dans le grand bain. Seule au milieu du gymnase,  j’exécute  la tout dernière chorégraphie que j'ai appris au studio de danse enchaînant pirouettes et jetées. Pour l'instant c'est un sans faute jusqu'au moment où je prends un mauvais appui sur mon pied droit et je tombe à terre dans un grand fracas. Je ne remarque pas la présence d'un homme, monsieur enterrement,  dans un coin du gymnase qui observait la scène avec un regard attentif mais toutefois amusé. « Ne rigole pas, tu ne sais pas ce qu'une danseuse en colère est capable de faire » je lui lance avec un pointe d'amusement dans ma voix tout en me relevant, c'était déjà assez misérable de m'être étalée comme une merde devant un spectateur.  

Le prime de la veille s’est avéré mouvementé pour beaucoup de personnes, y compris Alistair. Et très honnêtement, même si les heures ont passé, il est toujours légèrement agacé par les événements de la veille. Tout d’abord de sa chute dans la côte de popularité – même s’il n’accorde aucune importance au fait d’être bien classé ou non – et donc de la quasi-disparition, liée à cette chute, de l’argent qu’il avait remporté durant la partie de paintball. S’ajoute à cela les voix qu’il a d’ores et déjà contre lui pour les prochaines nominations, plus celles que Taylor s’est ramassée et qu’il se voit obligé de partager avec elle… Non, définitivement, cette foutue soirée doit être oubliée le plus rapidement possible. Et comme à chaque fois qu’il se sait à cran, il se dirige naturellement vers une activité sportive. Il a cru comprendre qu’un gymnase était à leur disposition, c’est donc l’occasion de visiter celui-ci pour la première fois et de voir s’il sera à la hauteur de ces prochaines crises de nerfs – car il sait que cela se reproduira. Il se change dans le nid, histoire de ne pas être gêné par une autre présence dans les vestiaires. Sa tenue peut paraître surprenante puisqu’il opte pour un t-shirt manches longues plutôt que manches courtes, mais comme il met un point d’honneur à ne pas dévoiler ses avant-bras, il n’a pas vraiment le choix. Quand il arrive au gymnase, surprise, il constate qu’il n’est pas seul. Il reste quelques instants pour observer la scène, pour deviner si la candidate déjà présente à bientôt fini ou si, au contraire, elle ne fait que commencer et qu’il est préférable pour lui de rebrousser chemin. Elle préfère s’écraser au sol. C’est une solution, aussi, oui. Même si aucun sourire ne se dessine sur ses lèvres, la scène l’amuse tout de même. Visiblement, ça se repère puisqu’elle ne manque pas de faire un commentaire. « J’ai une tête à rire peut-être ? » Il répond, sans forcément avoir l’air aussi froid que sa phrase laisse paraître. C’est juste qu’il a cru comprendre qu’il n’est pas forcément vu comme monsieur bonne humeur dans le coin – même si cela n’a rien d’étonnant – et par conséquent, les autres devraient être en mesure de deviner que rire aux larmes, c’est pas vraiment son truc. Autant se moquer de lui-même, ou du moins essayer vu que l’autodérision n’est pas sa spécialité. « Tu t’es fait mal ? » Il finit par demander, sans pour autant se précipiter pour l’aider. Peut-être qu’il avisera si vraiment elle n’arrive pas à se relever, mais s’il peut éviter de devoir la toucher, il ne va pas dire non.

D'ordinaire quand une ballerine tombait au sol, elle arrivait toujours à rendre le geste gracieux presque théâtrale. La chorégraphie pouvait être magnifique mais la chute l'était tout autant.  Dans mon cas, je pensais que c'était tout le contraire vu que de toute évidence je n'étais pas une danseuse professionnelle. Si seulement j'avais été seule dans son gymnase, j'aurai pu me relever et faire comme si de rien était, reprendre ma chorégraphie sans soucis. Malheureusement, il fallait qu'un spectateur surprise ait fait son apparition sans même que je le remarque. Il reste immobile à me regarder, une légère pointe d'amusement dans son regard. Pourtant aucun son ne lui échappe et il s'abstient de toute moquerie. C'est plutôt perturbant puisque je sais que la moitié des candidats ne se serait pas fait prier pour laisser libre court à leurs émotions. Quand je le lui ordonne bien gentiment de ne surtout pas se moquer pour ne pas expérimenter les foudres d'une danseuse en colère, il me répond avec une certaine froideur qui refrène tout de suite mes ardeurs. Tant mieux pour lui, je ne tenais pas vraiment à lui jeter mes chansons de danse en pleine figure si jamais il se décidait finalement à rire.  S'il a une tête à rire ? « Non pas vraiment et c'est tout à ton honneur de ne pas rire aux éclats devant une si piteuses scène ». Peut être qu'un peu de flatterie le déridera même si j'en doute fortement. Des candidats surexcités j'en avais rencontré depuis le tout premier prime mais quelque chose me disait qu'il n'en faisait pas parti.  C'était quelque peu surprenant au premier abord mais je devais bien faire avec. « Tu t’es fait mal ? » finit-il par me demander. Je me relève sans aucun problème même si une petite douleur se fait sentir au niveau de ma cheville, rien de grave. « Non, je … non, tout va bien » mentis-je. Il n'avait pas besoin de savoir si j'avais mal surtout que je doute qu'il puisse me venir en aide. Quel drôle de mise en scène nous faisons. Lui, immobile dans son coin et moi prostrée au milieu du gymnase les bras croisés contre la poitrine occupée à essayer de converser avec mon voisin. « C'est toi Alistair ? Tu, tu étais venu pour … t'entraîner ? »   que je lui demande un peu hésitante craignant qu'il ne se braque ou qu'il me renvoie balader à cause de ma curiosité.      

Il arrive pile au bon moment puisqu’elle ne tarde pas à rencontrer le sol, mais il ne voit pas l’intérêt d’éclater de rire. Et il n’en a pas l’envie, aussi. Il n’est pas du genre à rire, il esquisse parfois un sourire – comme quand Adnan s’était écrasé dans la boue devant lui – mais il ne rit pas, ou du moins plus. Et cela doit probablement se voir sur son visage qu’il n’est pas du genre bon vivant qui éclate de rire, raison pour laquelle il se permet un petit commentaire sarcastique envers sa personne. Ça doit être un truc qui se dit sur lui, il est certain. Alors autant s’approprier cette réflexion et en faire usage comme bon lui semble et quand il le veut. Elle lui confirme qu’il n’a pas une tête à rire et précise par la même occasion que c’est tout à son honneur de ne pas rire face à une si piteuse scène. Il ne trouve pas ça piteux du tout à vrai dire. Il hausse les épaules avant de reprendre la parole.  « Ça arrive à tout le monde. » Lui y compris, même si ses gamelles sont plutôt rares, il n’est pas immunisé comme une mauvaise chute, il ne voit donc pas l’intérêt de l’enfoncer sur la sienne. Elle n’a pas de honte à avoir. À défaut de se précipiter en sa direction pour l’aider à se relever – ce que le commun des mortels aurait probablement fait – il lui demande si elle n’a pas trop mal. Il doute, à moins de s’être vraiment mal réceptionnée, sa chute n’était pas particulièrement impressionnante. Mais plus de peur que de mal à en croire les paroles de la jeune femme, et surtout le fait qu’elle se soit relevée sans s’écraser instantanément sur le sol. Elle tient debout, c’est bien. Il n’a pas besoin de faire les présentations d’usage puisqu’elle cite son prénom sans peine.  « Oui. Et tu es Felice. » Pas difficile de s’en souvenir puisqu’elle a été la première candidate sélectionnée et qu’il a pu se souvenir de son prénom sans trop de difficulté, par rapport à la trentaine qu’il a dû mémoriser – ou du moins qu’il essaie encore de mémoriser – depuis dimanche dernier.  « Me défouler serait plus correct. » Qu’il rectifie ensuite après sa question. Il fait régulièrement du sport, mais plus dans l’objectif de libérer les tensions que par réel intérêt du sport. « Tu es danseuse, alors ? » Il demande, pour faire durer la conversation plus que deux minutes et faisant écho à ses précédentes paroles. Elle a bien dit qu’il ne savait pas ce que pouvait faire une danseuse en colère, alors il présume que c’est sa profession. Mais il n’est pas à l’abri d’une erreur et il compte sur elle pour l’éclairer.

Ce n'est pas tant ma chute qui me met mal à l'aise mais plutôt le fait d'avoir quelqu'un pour partager ce malencontreux souvenir. Tant pis si je venais de m'écraser sur le sol devant lui et devant tout le public de l’émission. J'espère qu'ils ne choisiront pas cette séquence pour la quotidienne sinon j'étais fichue. Je ne devais plus y penser, ce n'était pas non plus la mort.  Du moins c'est ce qu'Alistair m'assurait quand je le « félicitais » de ne pas avoir céder à la tentation de la moquerie. Une parole presque rassurante. Je suis sûre que la moitié des candidats ne le croyaient pas capable d'une telle chose. Il avait la réputation d'être un homme froid et un brin sadique sur les bords. Je n'aimais pas trop me fier à des ragots colportés par les autres candidats. Avec moi, on efface toutes les ardoises et on recommence. J'aimerai bien prouver aux autres qu'ils ont tord. Il n'a pas l'air si terrifiant que ça, j'ai déjà connu pire. J'évite de lui préciser que je me suis légèrement fait mal en tombant, un petit tiraillement dans la cheville, rien de bien méchant. Je pars du principe qu'il ne se précipitera pas à mon secours si je me blesse. Encore heureux, j'aurai l'air encore plus ridicule.  Je fais la fière et me relève malgré cette petite pointe de douleur. « Oui c'est bien ça » que je lui réponds quand il cite mon prénom. Toute cette discussion était terriblement classique. Il allait falloir que je me surpasse pour lui sortir un traître mot de la bouche.  Il n'est pas là pour s'entraîner mais pour se défouler. Très bien je prends note. A vrai dire je n'ai pas très envie qu'il se défoule sur moi alors j'ai plutôt intérêt à la jouer fine. « Tu fais de la boxe ? Un sport de combat ? Du kung-fu ? Du catch dans la boue ? ». Il y avait pleins de moyens de se défouler, il ne pouvait pas se contenter de m'en dire si peu. Ma curiosité en voulait plus, toujours plus. Il me demande alors si je suis danseuse. J'espère qu'il n'est pas sérieux en me posant cette question, il a été témoin de mon niveau plus que moyen. Il ne peut pas être sérieux.   « Je suis loin d'être une danseuse. En fait je suis tatoueuse. » D'ailleurs je n'avais aucune idée si les ballerines avaient le droit d'être tatouée. Je ne pense pas. C'était vraiment bizarre de discuter de part et d'autre du gymnase mais je ne prendrai pas le risque de m'approcher de lui. Je ne veux pas qu'il découvre que je lui ai menti à propos de l'état de ma cheville. Alors nous allions devoir nous contenter de cette discussion longue distance. «  Et toi, tu fais quoi ? ». Autant exploiter jusqu'au bout ce semblant de conversation que nous entretenions.    

Qu’elle soit rassuré, ce n’est pas en sa présence que sa chute sera décriée, lui s’en fiche pas mal, elle peut donc dormir l’esprit tranquille. Si elle revient à chuter devant lui, il y a peu de chance pour qu’il se fende la poire. C’est un truc qui arrive à tout le monde, il est certain que bons nombres de personnes ayant un statut supérieur à eux – comme les hommes politiques – subissent également ce genre de petits incidents. Il est surpris – bien que ça ne lui déplaise pas – de constater qu’elle se souvient de son prénom et il tente de faire de même, ce qui ne s’avère pas difficile de par son statut de première candidate sélectionnée. C’est donc Felice et pas juste ‘’la maladroite du gymnase’’. Quant à savoir s’il est venu pour s’entraîner, le terme n’est pas exactement correct, même s’il y a de l’idée, sinon il ne serait jamais venu ici, non ? Il est plutôt là pour se défouler que pour un véritable entraînement, il n’est pas un sportif de haut niveau et n’a donc pas besoin de travailler deux heures par jour. Il rectifie, et elle ne manque pas de lui poser des questions pour en savoir plus. Beaucoup trop de questions à son goût. Alors il la laisse terminer avant de reprendre la parole. « C’est plutôt pour les filles ça, non ? » Il demande, sceptique. Il ne vient pas d’une autre planète, mais sans avoir la télévision il sait très bien que le catch dans la boue est une activité plutôt réservée aux demoiselles et, si possible, en petite tenue. « Je ne suis pas très sport de combat, excepté la boxe de temps en temps. Je préfère courir. » Aussi surprenant que cela puisse paraitre, les sports de combat ne sont pas vraiment sa tasse de thé puisqu’il préfère se défouler par des sports qui ne nécessitent pas de faire appel d’une façon ou d’une autre à la violence, même si la boxe reste un moyen testé et approuvé d’évacuer les tensions quand courir sans but ne suffit pas. « J’aime bien le basket. » Il finit par ajouter, même s’il n’est pas certain que sa puisse passionner sa camarade, mais puisqu’il est plutôt resté vague, autant lui donner le nom d’un sport précis. Il lui demande, histoire de faire la conversation, si elle est danseuse. Une chute n’empêche pas de l’être, ça peut arriver même au meilleur, mais à en croire son air sceptique, il est complètement à côté de la plaque. « Alors, c’est une passion ? » Il est presque perdu, elle s’est comparée à une danseuse auparavant mais ne l’est pas, c’est un coup à ce qu’il n’y comprenne rien. Elle est tatoueuse en réalité, il aurait pu le deviner puisque ça se voit sur elle que c’est son truc, il semble qu’elle en a partout, même s’il ne s’est pas occupé de vérifier. « Ils sont jolis, d’ailleurs, tes tatouages. » Lui, il aime bien en tout cas. Il suppose en plus de ça que ce sont des dessins – ce serait illogique que ce soit l’œuvre d’autrui – il peut donc également dire sans trop se tromper qu’elle est douée. Et puis, les tatouages, même s’il n’en aborde pas autant qu’elle, ça reste un truc qu’il aime bien. Il est quelque peu gêné quand elle lui retourne la question, puisqu’il n’a pas de réponse satisfaisante à donner. « Rien. » Et il regrette instantanément sa réponse. Il ne fait pas rien, c’est juste qu’il n’a pas la chance d’avoir un job fixe. Dit ainsi, ça le fait passer pour un vrai flemmard qui n’en fout pas une, alors qu’il s’agit du contraire. « Enfin, je n’ai pas de travail fixe, j’alterne entre des petits jobs. » Et ce n’est pas faute d’en vouloir un fixe, malheureusement on ne veut pas de lui pour diverses raisons, bien même s’il sera élu employé du mois.

Le secret du gymnase serait bien conservé entre les mains d'Alistair, je n'avais aucun doute là dessus. Il n'a pas l'air de quelqu'un prêt à lancer les pires rumeurs et à s'amuser à rire d'un moment d’égarement. En fait il n'a pas l'air d'avoir envie de rire tout court. Peut être que quelqu'un arrivera à lui arracher un petit sourire à limite mais je demande à voir. Aucune de mes tentatives d'humour ne marchera avec lui alors je ferai mieux d'oublier les blagues, les farces et autres conneries du genre. Tâchons d'être sérieux pour une fois. Sans que nous ne nous soyons jamais parlé, il se trouve que nous connaissons nos prénoms respectifs ce qui évite d'avoir à endurer les sempiternelles présentations. Lorsqu'il m'annonce qu'il est venu ici pour se défouler je pense immédiatement qu'il aime pratiquer les sports de combats sinon quel autres sports permettent de se défouler ? Ma remarque sur le catch dans la boue le fait réagir. Tant mieux c'est ce que je voulais. « Oui en fait c'est surtout pour satisfaire les esprits tordus de quelques pervers mais ça tu as envie de lancer le catch dans la boue pour homme, ne te prive pas. ».  Quand on y pense, ce sport est tout bonnement immonde et avilissant mais là n'est pas vraiment le débat.  Finalement toutes mes certitudes s'envolent lorsqu'il m'apprend qu'il n'est pas du genre à pratiquer les sports de combats, exception faite pour la boxe. Lui, il est plutôt du genre à courir. « Et tu …. tu comptais courir dans le gymnase ? » que je lui demande sceptique tout en arquant un sourcil. C'était surprenant de vouloir faire un footing dans une salle à part s'il aimait tourner en rond pendant des heures. Je peux très bien me tromper après tout. Il aime le basket, c'était déjà plus réaliste que de pratiquer le basket dans un gymnase mais passons. J’acquiesce sans trop savoir quoi répondre. Bien que je sois américaine, je ne suis pas pour autant une mordue de basket alors mieux vaut se taire que de parler sans connaissances de causes. Penser de moi que je puisse être une danseuse, voilà qui est amusant. Pourtant il semblait réellement convaincu que la danse pouvait être mon métier à l'entendre. « Plutôt un rêve de gosse » . Oui pendant ma plus tendre enfance je rêvais de pouvoir un jour me produire sur scène devant des centaines de spectateurs. Quelle époque stupide, quelle petite gamine stupide je faisais. « Lorsque je ne tatoue pas, je danse, disons que c'est un deuxième métier à plein temps ». J'espérais que tout était clair maintenant. J'étais tatoueuse et rien de plus. La danse n'était qu'une passion, un passe-temps qui me prenait beaucoup d'énergie mais en aucun cas ce n'était ma profession. Mes tatouages sont  d'ailleurs à son goût. J'aime entendre ce genre de compliment car il ne s'agit ni plus ni moins que la représentation de mon art sur ma peau. « Oh, euh … merci. Ce sont mes propres dessins en fait. ». Je préférais le préciser car je ne voulais pas qu'on pense que c'était une simple copie du travail d'autrui encrée sur ma peau. J'aurai aimé savoir si lui en possédait mais avec un tee-shirt manches longues en guise de tenue de sport je ne pouvais rien voir. Tant pis. Son expression change du tout au tout lorsque je lui demande ce qu'il fait dans la vie. Je viens peut être d'appuyer là où ça fait  mal mais ce n'est nullement mon intention. « Rien. » réplique-t-il mais il se ravise bien vite en disant qu'il n'a pas d'emploi stable. « Et c'est quoi ton domaine de prédilection ? » lui demandais-je soucieuse de connaître l'éventail de toutes ses professions.    

Quand elle évoque le catch dans la boue, il ne peut s’empêcher d’être sceptique. Elle fait vraiment partie de ces gens qui considèrent cela comme un sport ? Et encore, si ça en était vraiment un, il ne serait pas vraiment apte à l’exercer, vu que c’est un truc plutôt réservé aux filles (en petite tenue si possible) dans la culture populaire. Enfin, d’après Felice, il peut toujours se lancer dans cette activité, mais à choisir un des garçons du nid pour rendre populaire une telle activité, il verrait plus Adnan dans le rôle, il a déjà pu constater que le larbin avait une certaine affinité avec la boue. « Ça va aller, merci. » Il répond simplement en haussant les épaules à la proposition de sa camarade. Il s’en passera et sans regrets. Non, s’il devait se choisir une activité sportive (et un peu plus distinguée que de se rouler dans la boue), ce serait plutôt la course, ou le basket s’il faut vraiment donner le nom d’un vrai sport, parce qu’il n’est pas sûr que la course entre dans une telle catégorie. Et visiblement, sa réponse ne manque pas de faire réagir sa camarade. Il est vrai que tourner en rond dans une salle n’est pas vraiment le top du point de vue de la plupart des gens, sauf qu’il n’est pas vraiment compliqué. Ou du moins, pas sur ce point-là. Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’il a admis avoir une préférence pour la course qu’il comptait s’y mettre ici et tout de suite, il n’avait pas décidé d’une activité particulière, préférant se laisser influencer parce qu’il aurait trouvé ici. « Ici ou ailleurs, c’est du pareil au même. » Il hausse une nouvelle fois les épaules. Au final, dehors ou à l’intérieur, le seul véritable changement est l’espace dans lequel il évolue et non pas le résultat. Lui, tout ce qu’il cherche, c’est de se changer les idées, d’oublier l’espace d’un instant les pensées négatives, alors l’environnement lui importe peu. Et puis, il n’a pas encore eu l’occasion de visiter ce gymnase, ce lieu partait donc avec une légère longueur d’avance par rapport à l’extérieur. Il tente ensuite de faire la conversation en demandant à Felice si elle est danseuse, puisqu’à en croire ses paroles, ça ne serait pas une hypothèse totalement irréaliste. Il s’avère qu’il a faux et qu’il s’agit plutôt d’un rêve de gosse. Un rêve qui a l’air commun à toutes les petites filles, il n’a qu’à repenser à ses camarades de classe, même s’il doit remonter à presque deux décennies dans ses souvenirs. Enfin, il y a quand du mal à la suivre, elle l’a corrigé auparavant pour dire que ce n’était pas son métier et là, elle évoque le fait que ce soit son deuxième métier. Bon, ce n’est pas comme si c’était vital à ses yeux. « Tu t’en tiens à la danse classique ou … ? » Ou rien, en fait, il connait bien quelques noms de danse, mais il n’est pas en mesure de savoir à quoi chacune d’entre elles ressemblent, alors autant se taire. Il demande, il essaie de montrer qu’il s’intéresse un peu à elle et autant dire qu’elle est une privilégiée car rares sont les candidats ayant captés son attention. Son vrai métier n’est donc pas danseuse, mais tatoueuse. Un regard sur le corps de la jeune femme aurait pu l’aiguiller dans cette direction. Il lui fait d’ailleurs un compliment, qui est absolument sincère et non pas dit dans le but de le faire passer pour quelqu’un d’agréable ou sociable. Elle précise que ce sont ses propres dessins, il s’en doutait déjà. « Tu es vraiment douée. » Et encore une fois, c’est sincère. Il ne les a pas observés à la loupe non plus, mais il a déjà pu s’en faire une idée avant aujourd’hui, au détour d’un couloir ou lors du prime. Elle lui retourne la question quant à sa profession, il devait s’y attendre, mais ce n’est pas pour autant que la question lui fait plaisir. « N’importe quoi dans le manuel. » Certes, ce n’est pas vraiment cité exactement un domaine de prédilection, mais dans sa situation, il ne peut pas faire le difficile. Il s’adapte, du moment que son emploi du moment ne requiert pas une particulière sympathie de sa part ou des contacts étroits avec les autres. « Je suis pas compliqué. » Il finit par ajouter, plus pour atteindre un quota de mots et ne pas laisser sa camarade dans un silence qu’il impose lui-même que par réelle nécessité de préciser ce point. Il aimerait dire autre chose, n’importe quoi, paraître sympathique et curieux, mais rien ne sort de sa bouche. Alors il se contente de regarder le sol, se découvrant une soudaine passion pour celui-ci.

Le sport ça n'avait jamais été trop mon truc, je ne me considérais pas comme une mordue de sport. J'aimais la danse classique par dessus tout mais c'était plus pour la beauté de l'art que pour celle de l’effort fourni. Le football, le tennis, la course à pied ou le basket ne me disaient franchement rien. Quant au catch dans la boue, n'en parlons pas. Ce sport était avilissant et dégradant pour la femme. D'ailleurs je ne voyais pas ce qu'il y avait de sexy à voir des nanas se battre en petite tenue dans la boue. Il avait raison quand il disait que ce sport était réservé plutôt à la gente féminine. Je lui propose d'inventer le concept mais il décline poliment, dommage pour lui il aurait pu se faire des millions. « Alors ça c'est vraiment dommage » que je lui réponds ironiquement histoire qu'il n'aille pas s'imaginer que je fantasme sur un truc aussi immonde que le catch dans la boue. Lorsqu'il m'annonce qu'il est venue ici pour se défouler et, en particulier, pour courir je dois bien avouer que ça me surprend. Courir dans un gymnase pendant de longues minutes relevait plus de l'expédition punitive plutôt que de la passion sportive. Mais peut être était-ce qu'il cherchait au fond. Il pouvait bien faire ce qu'il voulait, c'était son choix après tout. Qui étais-je pour y apporter un jugement. De toute manière qu'il coure dehors ou dans ce gymnase, il avait l'air de s'en foutre royalement. Grand bien lui fasse. De toute évidence, Alistair pense que je suis une danseuse mais au vu de ma piètre performance je me demande comment il a pu y songer ne serait-ce qu'un instant. S'il avait posé plus attentivement les yeux sur moi, il aurait dû s’apercevoir qu'une danseuse de classique tatouée ça ne courait pas les rues. Par contre être tatoueuse, voilà qui était plus crédible. Je ne peux pas lui en vouloir puisque je lui ai dit que j'étais une danseuse d'entrée de jeu. Sauf que mon « danseuse » était plutôt à prendre au sens passe-temps même si ce n'était pas vraiment évident à deviner. « Oui, juste le classique. La danse contemporaine c'est un peu trop conceptuel et le hip-hop c'est franchement pas mon truc. ». Le hip-hop ? Trop brûtal, pas assez gracieux. Le contemporain ? Je ne me vois pas encore imiter le poulet sur scène pour dénoncer la déchéance de la société humaine. Le classique c'était la grâce, la passion et le raffinement. Voilà ce qui me plaisait tant dans cette discipline., cette impression de retrouver la rigueur qui avait régit mon enfance. Notre conversation avait rebondit sur mes tatouages qui semblaient au goût de ce cher Alistair. J'étais douée, du moins c'est ce qu'il affirmait. Je fus très surprise par ce compliment, je devais être bien chanceuse d'avoir pu recevoir un honneur qui devait se faire rare dans la bouche du brun. « Oh, et bien merci » lui répondis-je toujours avec ce soupçon de surprise dans ma voix. J'osais au moins espérer que c'était sincère même si je ne me faisais pas trop de soucis. Alistair mesurait chacune de ses paroles et s'arrangeait toujours pour en dire le moins possible ce qui était un signe de sa bonne foi.   « Et toi, tu en as ? ». Cette question me brûlait les lèvres depuis l'instant où il s'est intéressé aux nombreux dessins encrés sur ma peau. Je ne tenais même pas à ce qu'il me les montre, je ne pouvais pas l'obliger non plus juste qu'il  réponde à ma question histoire de pouvoir prolonger cette conversation de quelques précieuses secondes. Je ne manque pas de lui retourner la question ce qui ne manque pas de le refroidir quelque peu. Il paraît gêné de me révéler ces quelques détails sur sa vie, sur sa situation dans la société. Je n'enfoncerai pas le couteau dans la plaie en l'interrogeant pendant des heures. Il regarde longuement le sol, sans réel but comme perdu dans ses pensées. « Excuse-moi si je t'importune avec toutes mes questions,  je suis parfois un peu trop indiscrète » lui dis-je les bras croisés contre la poitrine  fixant le plafond du gymnase pour seule occupation.