Je suis épuisée, mais je n'ai juste pas envie d'aller dans lit. Parce que bon c'est un peu devenu un endroit tabou entre Lou et moi. Alors forcément vu que je ne dors bien qu'à deux et en l'occurrence avec lui pendant ces quelques mois et bien je me refuse à aller dormir bien que la fatigue me fait vaciller toutes les cinq minutes. Non je préfère traîner dans la cuisine et me faire bouillir de l'eau chaude, dans laquelle je laisse infuser une verveine à la menthe. Ce n'est l'idée la plus brillante surtout que je ne souhaite pas aller me coucher mais en même temps je me dis que si je suis détendue peut être que je vais finir par m'y faire à ce lit tout froid. Je dépose la théière sur le plateau accompagné de deux tasses dans le cas où on viendrait me tenir compagnie. Cette semaine j'ai entendu tout un tas de choses. Dans le genre « tu devrais te reposer. » ou encore « portes pas des trucs lourds », « laisses je vais le faire ». Si j'avais su que révéler ma grossesse fera de moi cet espèce d'être surnaturel qui mérite qu'on l'aide et le dorlote à chaque instant... y a bien longtemps que j'aurais fais semblant de l'être. Et puis ça aurait plus marrant de faire semblant, parce qu'au moins y a pas les nausées, les courbatures et la fatigue. Je grimpe les escaliers avec mon plateau et je m'attends à me faire hurler dessus parce que je porte quelque chose de trop lourd et en plus je grimpe les escaliers ! Je suis vraiment inconsciente hein ! Oh c'est bon ça fait un mois et des poussières je peux encore faire ce genre de choses et puis comme ça je fais un peu d'exercice, c'est pas prohibé à ce stade. Arrivé à l'étage souhaité, j'ouvre d'un mouvement habile de coude la porte vitré qui mène au balcon. J'ai tout prévu, la verveine et la grosse couverture en plus des grosses chaussettes toutes molletonnées. Parce que les soirées sont froides en Australie. Je m'installe, bien emmitouflé dans la couverture et verse mon thé dans une tasse. Puis deux finalement parce que j'entends la porte s'ouvrir alors forcément je me dis autant partagé. Je remarque Clémentine, je lui lance un sourire. « Tu me tiens compagnie ? » J'ai cru comprendre qu'on allait certainement rien me refuser dans mon état alors j'en profite. Et je crois pas demander la lune non plus.

Je ne n'ai pas envie de dormir, je n'ai pas envie de parler, étrangement. Mes doigts flirtent dangereusement près de mon paquet de clope, mais je me retiens car ma consommation a augmenté depuis que je suis ici. Sans raison apparente en plus, c'est cela le pire. Je mets cela sur le changement de rythme. Je débarque au niveau du balcon. Je croise le regard de Tilda et je tends l'oreille pour évaluer sa demande, comme si elle m'offrait réellement le choix avec son regard suppliant. Je ne peux pas m'empêcher de la détailler un moment avant de soupirer comme si je capitulais face à la brune. Je m'installe non loin d'elle. « Si tu veux » je réponds d'une voix distraite en haussant les épaules parce que ce n'est pas comme si j'avais réellement mieux à faire dans la foulée. Je me contente d'errer « Mais je te préviens, il est hors de question qu'on discutaille foetus » j'annonce alors en agitant mon index sous son nez. Déjà parce que tout le monde ne semble graviter qu'autour de cela, et puis que les sujets sérieux comme cela m’effraient. Ce n'est pas ma came. Il me faut des conversations plus légères, enfin, pas sur la chose qui grandit en elle et de toute façon, les autres ne semblent que lui parler de cela en plus. Je n'ai pas besoin de m'attarder dessus. « Je ne connais rien de toi Tilda » je commence alors en entrouvrant la bouche comme si je me rendais compte au fur et à mesure de cette criante vérité. Quatre semaines et je ne serais même pas dire une seule chose sur la demoiselle. « Parle-moi » je lui demande de ma voix cristalline. Qu'elle me dise ce qui lui chante, je me contente de peu, il faut bien l'avouer, je suis facilement satisfaite. J'ai envie d'apprendre à la connaître mais en dehors des scoops qu'on nous bombarde en plein prime, j'ai envie de penser autrement, pas de foncer tête baissée dans une brèche ouverte par la production.

Je suis plutôt du genre insistante et puis en règle générale j'arrive toujours à obtenir ce que je veux. Suffit de demander à Alistair il va vous le confirmer. Là quand je vois la blondinette se pointer je lui demande de me tenir compagnie. Je veux qu'elle me tienne compagnie. Même si je prends un grand risque parce que si elle est du même genre que l'autre blonde de l'aventure elle va juste me gonfler. Mais ayant déjà eu un aperçu de la Clémentine je pense que je peux passer un bon moment avec elle. J'ai pas vraiment besoin de faire plus que de lui offrir mon regard le plus suppliant, ce qui n'a rien à voir avec le chat potté je vous assure. Elle s'installe de bon gré ou en tout cas elle en a vaguement l'air. Elle m'arrache un rire lorsqu'elle me demande juste de ne pas parler feotus. Amen, enfin une qui a comprit qu'une femme enceinte n'a certainement pas envie d'entendre parler de bébé, couche, hochet, marque de poussette toute la journée. Celles qui s'y plaisent à ce genre de conversation, c'est les nanas sans ambitions qui pense qu'elle ont un vagin juste pour pouvoir donner la vie. « C'était pas mon intention. » Je la rassure dans un sourire amusé et soulagé. Au moins elle n'est pas comme sa comparse blondinette. Elle va pas me mitrailler de question à ce sujet. Je suis pas contre les questions un peu trop personnelles, mais là franchement c'est presque si elle me demandais quelle tenue je portais la nuit de la conception quoi. Elle ne connaît rien de moi, elle affirme comme ça, surprise que ce soit le cas. C'est un peu le cas de tout le monde ici. Je peux encore dire que Ghika sait certaines choses sur moi, que Lou me comprend comme personne et est en possession d'une information plutôt importante sur ma personne. Et après ? Il y a bien Mallaury qui a eu le droit à un aperçu de on parcours professionnel. Mais personne ne connaît grand choses de moi, à part the big thing ! Elle m'incite à parler, je ne sais pas trop ce qu'elle souhaite que j'aborde. Si elle veut savoir le genre de chose qu'on apprend sur un carte d'identité ou bien si son truc c'est plus de connaître ma couleur favorite et le disque j'écoute en boucle quand je suis triste ? Dans le doute je vais faire un mix des deux. « Je suis florentine, fille unique, issue d'une grande famille bien coincé, je chante quand je prends ma douche, j'adore les sports extrême. Ma couleur c'est le bleu poudré, j'adore les barbues, ne supporte pas les comédies romantiques. Je crois que je me suis coupé bien dix fois dans ma vie avec une feuille et franchement ça fait mal. » Oui bon j'avoue c'est un peu un mix de n'importe quoi mais je ne savais pas trop quoi lui dire. « Ah et je déteste porter des collants. » J'ajoute comme si c'était l'information la plus importante qu'elle aurait pu avoir de moi. « Et toi alors dis moi tout, jusqu'à la couleur de ton mouchoir quand tu te mouches. » Oui parce qu'on l'a tous fait au moins une fois, regarder le contenue de son mouchoir. Et puis c'est plutôt important parce que si tu te retrouve avec une morve couleur arc-en-ciel, je crois que c'est pas vraiment normal quoi. Elle voulait pas parler de foetus mais elle a rien dit à propos de la morve alors bon...

Tilda me balance qu'elle ne comptait pas aborder le sujet de son futur enfant. Tant mieux parce que je ne suis pas à l'aise, vu que les autres se mettent à faire attention à elle, je me demande si je suis obligée de faire de-même. Parce que je ne sais pas faire. « Alors c'est parfait » je balance maladroitement parce que je n'ai pas envie qu'elle pense que je puisse dénigrer son foetus aussi. Enfin, je me comprends, j'ai un peu l'impression de marcher sur des oeufs. Je lui demande de me parler, je lui ordonne, pour être plus précise. Elle commence à se décrire. « T'es déjà tombée amoureuse ? » je finis par lancer de ma voix cristalline en la regardant. « Tu es super maladroite » je me contente de dire à la place de "mais t'es un vrai boulet" parce que je peux encore avoir un peu de tact, tout de même. La demoiselle me retourne la question, si on peut appeler cela. Elle veut tout savoir, dommage pour elle, ma vie est au moins en trois volumes, elle aura un résumé très condensé. « Parisienne, ma famille doit être le reflet de la tienne, j'ai tenté de prendre mon indépendance mais je me suis prise un mur » je commence alors pendant que mes prunelles se perdent dans l'obscurité suite à l'évocation de ma famille avant d'esquisser un sourire presque ravi. « J'ai abandonné rapidement mes études et maintenant je vis presque chez mon grand frère » je lui raconte en souriant. Mon grand frère dans ses costumes faits sur mesure qui ne semblait pas être gêner par ma présence, il faut dire que sa vie sociale frôle désormais le niveau de la mer. Au fond, je suis certaine qu'il est heureux de pouvoir me surveiller. « Les comédies romantiques m'ont toujours fait rêver contrairement à toi » je réponds alors avec une esquisse taquine surement parce que j'aimerais bien que ma vie en soit une. A la place, elle n'est que vaine complication et déception. « Je n'ai aucune couleur favorite, elles me conviennent toutes » je réponds en haussant les épaules.