Elle ne sait pas faire grand chose de ses dix doigts, Pia. Si on lui retire la guitare, il ne lui reste aucun talent, pas d'activité manuelle dans laquelle elle excelle, rien à apprendre à ses futurs mômes et ni à qui que ce soit d'ailleurs. Elle ne sait même pas faire la bouffe, seulement les pâtes et leur sauce parce que c'est tout ce qu'on exige d'elle dans son pasta bar, et les crêpes. Les crêpes parce que c'est tout con à faire, parce que c'est bon et parce qu'elle a appris avec sa maman. Et à vingt-deux heure elle a décidé de se les faire, ses crêpes, parce qu'elle en crève d'envie et qu'elle sait que c'est de toute façon impossible pour elle de se coucher sans avoir exaucé ce désir. Andreja l'attendra, si tant est qu'il se trouve déjà sous leurs draps, mais elle se doit de s'en engouffrer au moins deux. Sans doute trois, peut-être plus vu qu'on en est plus à compter à ce niveau là. Pour ça qu'elle est là, à remuer son fouet dans le plat rempli de la préparation, agitant l'ustensile au point de se chopper une crampe au bras. Elle met quelques goûtes d'huile dans le fond de la poêle et s'apprête à verser la pâte pour créer la première crêpe qui de toute façon sera ratée, parce que c'est la tradition, lorsque la porte s'ouvre. Elle tourne la tête pour observer le nouveau venu. La nouvelle, en l'occurence. Clémentine. Un joli prénom pour une jolie blonde. Facile à retenir, somme toute. « Salut. ». Elle commence simplement, un léger sourire qui lui creuse une fossette dans la joue, et elle enchaîne. « J'voulais te dire, je suis désolée qu'Hadrien soit parti, c'est.. Enfin me semble que vous êtes plutôt proches non ? Et il est cool.. Même si tu le sais déjà donc.. ». Elle se mord la lèvre pour éviter de patauger d'avantage dans sa connerie. « Désolée, j'suis pas douée pour les mots gentils en fait. Tu veux pas plutôt une crêpe ? ». Elle lui propose, tout en laissant couler un peu de la préparation dans la poêle.

« Pourquoi avec les mots 'gentils' spécialement ? ». Bonne question. Elle se mordille le bout de la langue, concentrée à rendre la crêpe à peu près uniforme, se laissant le temps de trouver les bons mots justement. « C'est les plus difficiles à trouver. Faire rire, c'est facile. Blesser aussi, c'est à la portée de n'importe quel abruti. Alors que trouver les mots qui vont réussir à faire sourire quelqu'un qui n'en a pas envie, ça c'est dur. ». Elle répond à la blonde, sans être sûre que celle-ci la comprenne mais se comprennant elle-même. Elle l'observe avaler son cachet. « J'ai l'impression que tout le monde a la crève, dans cette maison. » Elle remarque en secouant la tête, des mèches rousses tombant devant son visage. Suffit de regarder Andreja qui était parti se coucher avant tout le monde hier et qui avait eu du mal à s'extirper des draps pour affronter la journée. Sa bouche s'étire en un sourire lorsque Blondie lui répond qu'elle veut bien une crêpe. Elle ne sait pas à quoi elle doit s'attendre, la jolie demoiselle. Pia, elle est même capable de rater des crêpes. La première a l'air plutôt réussie, elle sent une certaine fierté lui gonfler les poumons et lorsqu'elle s'essaye à la faire sauter comme le font les plus grands, celle-ci vient lamentablement s'écraser au sol. « Merde ! ». Elle râle, avant de se justifier : « On dit que la première est toujours ratée, hein ? ». Bon, généralement cela n'implique pas qu'elle finisse sa vie au sol, mais voilà. « Dommage qu'il n'y ai plus le clebs, il aurait pu faire le ménage.. ». Elle finit de verser la dose de préparation pour une deuxième crêpe, qui devrait être la bonne et laisse le silence s'installer quelques instants, concentrée, avant de venir finalement la poser dans une assiette pour la poser devant Clémentine. « Madame est servie. Doit y avoir du caramel dans les placards, sinon nature c'est bon aussi. ». Disons que ça fait moins grossir, au moins. Le service ne peut pas être irréprochable, de toute façon. Même quand elle est au boulot, il ne l'est pas.