w/ palomaLe dernier prime a apporté ses surprises et ses frustrations. Je suis toujours là, dans ce nid, dans ce jeu, c'est une bonne chose. Cependant, ce prime m'a aussi confirmé quelque chose que je savais déjà. Paloma est appréciée par plus d'un homme ici. C'est très con de penser à tout cela mais je ne peux pas m'en empêcher. Ils sont attirés par elle et l'ont prouvé. Certains s'intéressent à elle et je n'en étais pas dupe. Mais il y a un petit quelque chose de dérangeant là-dedans. Je ne saurais pas dire pourquoi, puisque c'est surtout très con de penser à tout cela. Ça me rappelle juste qu'elle a des types bien plus passionnants avec lesquels passer du temps. Des types qui ne voudraient que ça : un peu de temps avec elle. Ça rend ce semblant de relation encore plus compliqué. Je ne vois pas pourquoi elle voudrait perdre son temps avec moi, ça me donne encore moins envie d'aller la déranger. Moi, j'ai envie de passer du temps avec elle, pour une quelconque raison qui m'échappe. C'est facile de se sentir bien en sa présence. Elle a un côté apaisant. Quand je la vois assise au bord de la piscine, j'hésite, j'hésite longtemps avant de me résigner et de la rejoindre, en trouvant pour excuse qu'il faut bien j'aille vers les autres. "Salut" je lance platement en baissant le regard vers elle. "Je peux ?" je demande ensuite en pointant du doigt la place libre à côté d'elle. Dire non est toujours une possibilité, je ne veux forcer personne à supporter ma présence.

Paloma ignore pourquoi elle aime tant l'eau et pourrait rester ainsi, des heures, à seulement l'observer, l'entendre, la sentir sur sa peau. C'est une sensation qui ne s'exprime pas mais se vit, c'est tout. Elle en apprécie la caresse fugace, légère et fraîche sur sa peau, elle apprécie aussi sa clarté et la luminosité particulière que l'eau revêt quand elle est baignée des rayons de soleil qui y miroitent. Elle aime écouter son clapotis apaisant, relaxant ou le tonnerre erratique des vagues qui s'écrasent sur les rochers dans un bruit apocalyptique. C'est tout et ça à la fois. Pourtant, Paloma a grandi à l'intérieur des terres, à Madrid, et non pas sous le regard tendre de la mer. Mais ces choses-là, qui remuent l'âme, ne s'expliquent pas. Elles se vivent et c'est pourquoi ici, elle déambule souvent à la plage ou à la piscine, avec toujours une bonne excuse pour s'y attarder plus que nécessaire. Le soleil se lève, se couche, il lui faut finir les pages de son livre ou attendre qu'un tel se ramène. Cet après-midi, c'est la lecture qui a bon dos. Un bouquin de Proust à la main, un jus de fruit frais juste à côté d'elle, les jambes dans l'eau et le soleil réchauffant sa peau dénudée, Paloma se sent bien. C'est un peu triste, de se sentir vraiment bien ici que lorsqu'elle est un peu isolée, plongée dans son monde assurément plus doux et poétique que le réel mais c'est ainsi. Paloma a besoin de distance et de réserve pour s'apaiser et lorsqu'on vit à plus de vingt, toute la journée, c'est pas évident. Elle n'en chasse pas pour autant la compagnie parce qu'elle persiste à voir dans la nature humaine une beauté et une bonté que beaucoup railleraient. Aussi, quand elle relève la tête sur la silhouette de Noah c'est naturellement un sourire qui se peint sur ses lèvres pour s'estomper aussitôt quand il lui demande la permission (?) de prendre place à ses côtés. Inconsciemment, Paloma détourne le visage pour embrasser la piscine et vérifier que non, l'endroit ne s'est pas peuplé pendant qu'elle était perdue du côté de chez Swann. Mais non. La piscine est déserte, il y a de la place absolument partout et elle ne comprend pas pourquoi Noah lui demande l'autorisation avant de s'asseoir près d'elle, comme si elle pouvait refuser. « Il faut que tu arrêtes de penser que ta présence dérange » souffle-t-elle en sa direction de sa voix caressante, quoique plus affirmée qu'habituellement, moins timorée. C'est un conseil qu'elle lui offre, mais elle voudrait qu'il ait l'impact d'un ordre, d'un truc qui rentre dans sa cervelle pour plus jamais s'en échapper. « Et même si c'était le cas, t'es chez toi autant que moi alors si t'as envie de t'asseoir au bord de la piscine, tu le fais » rajoute-t-elle avec douceur, avant de décaler son verre pour qu'il puisse prendre place. Paloma le détaille du regard et plonge ses prunelles dans les siennes. Elle comprend pas, elle aimerait bien, mais elle n'y arrive pas. Elle comprend pas comment il est possible de se dénigrer autant, d'avoir une image de soi-même si faussée et négative qu'on n'ose jamais rien faire, jamais rien dire ou accomplir. « Qu'est-ce que tu es venu chercher ici ? » demande-t-elle doucement, comme si elle craignait le braquer par sa question. C'est pas le but, Paloma ressent seulement le besoin de lui ouvrir les yeux, de l'aider, parce que c'est ce qu'elle fait, aider les autres. Parfois même contre leur gré. Pour sûr, c'est ici dans l'aventure, dans Fake Lover, qu'elle pense, pas ici auprès de la piscine, ce qui aurait tout de suite moins de gueule comme question.

Je ne pense pas que ma présence dérange, je le sais. C'est une certitude, je suis prêt à l'affirmer, ma présence dérange plus qu'elle ne flatte ou fait plaisir. Je suis un indésirable et cela pour un sacré nombre de personnes. La solitude, ce n'est pas toujours choisi. Dans mon cas, elle est surtout forcée. Puisque ma présence dérange, insupporte, irrite, fait perdre patience. C'est ainsi et j'ai appris à vivre avec. M'enlever de la tête que ma présence n'est pas la bienvenue est une chose impossible. Je suis assez réaliste pour savoir certaines choses. Je ne réponds rien, je me contente de m'asseoir à côté d'elle dans le plus grand silence. Elle rajoute que je pourrais bien faire ce que je veux, puisque je suis aussi chez moi. Vrai. Mais faux en même temps. Je ne peux pas faire tout ce que je veux si j'ai l'impression de déranger ou insupporter. C'est plus fort que moi. Je ne veux agacer personne. Je souris, d'un sourire vague et peu convaincu. Ce n'est pas si facile qu'on pourrait le croire, de simplement vivre, faire ce que l'on veut. Ça n'a rien de simple. Elle me pose ensuite une question déstabilisante. Qu'est-ce que je dois lui répondre ? Que je voulais juste passer un petit moment en sa compagnie ? Ridicule. J'ai l'impression d'être pris en flagrant délit, comme si elle avait clairement compris la raison de ma présence ici, près de cette piscine. En même temps, il ne peut pas y avoir cent raisons non plus, je ne porte même pas de maillot de bain. Aucune crédibilité. "Euh, juste... me mettre les pieds dans l'eau ?" je réponds, penaud. Ce n'était pas ça, la question ? En parlant d'ici, moi, je comprends la piscine. J'espère qu'elle parlait bien de ça. Je crois que j'ai évité le pire, je suis passé à côté d'un moment embarrassant. Alors pour confirmer mes dires, je retire mes tongs et je laisse mes pieds trouver l'eau et s'y enfouir. Je me sens bête.

Quand elle détaille le visage contrit de Noah et ses faux sourires juste là pour faire maladroitement le job sans qu'elle soit dupe, Paloma se demande ce qu'a été son enfance. C'est souvent l'enfance qui laisse des cicatrices indélébiles, des cicatrices qu'on peut pas refermer et des bleus au coeur qui s'estompe jamais. La plupart des gens décident de l'occulter ou d'en atténuer l'importance mais c'est à l'enfance qu'on se forge un caractère, une personnalité. Celle de Noah a du être compliquée pour qu'il se sente toujours de trop, pour qu'il soit si persuadé de gêner, de déranger, de pas avoir sa place ici comme ailleurs. P'têtre que personne ne lui a jamais accordé assez d'attention et qu'il a fini par se méprendre avec le papier peint. Paloma peut comprendre, son enfance a été particulièrement merdique aussi pour un tas de raisons mais elle a finalement réussi à passer outre. A piger qu'on peut pas forcer l'affection de sa propre famille, qu'on la choisit de toute façon pas et que si elle a grandi avec une belle brochettes d'insensibles autoritaires et intolérants, ça ne signifie pas qu'elle est comme eux. Ou qu'elle doit les écouter. Ni même les aimer bien que le constat ait été compliqué à naître en Paloma, toujours prompte à excuser tout et tout le monde et à se convaincre que chacun est bon mais qu'il faut découvrir les bons leviers, le bon moment, la bonne personne. Pour ses parents, c'est pas elle. Noah s'assoit près d'elle et répond à côté. Ca la fait sourire, Paloma, d'un sourire qui naît sur ses lèvres sans demander son avis et s'y étend avec une insouciance propre aux gestes vraiment spontanés. Ceux qui s'évanouissent seulement quand on se rend compte de leur naissance involontaire. « Désolée, je suis pas claire » qu'elle lance avant de reprendre. « Pas ici au bord de la piscine, ici dans Fake Lover » reprend Paloma plus doucement alors qu'elle rive ses grands yeux attentifs sur le visage de Noah. Qu'est-ce qu'il espère trouver dans l'aventure, lui si persuadé de gêner son monde ? Qu'est-ce qu'il espère en retirer ? Un peu de confiance, une envie moins brûlante de se dénigrer en permanence ? Ses prunelles continuent leur observation des traits inconfortables de son camarade et puis, naturellement, Paloma lui tend son verre de jus de fruit pressé. Elle ne l'a pas encore touché et peut-être que ça l'aiderait à se mettre en condition. A répondre. Elle ignore dans quel monde une aussi piètre offrande fonctionne mais dans le doute, elle essaye. « Tu as soif ? J'ai pas bu dans le verre, promis » Elle, elle s'en moque de boire après quelqu'un, c'est pas grave, si les microbes tuaient pour si peu y'aurait plus personne sur la planète mais Paloma sait que son ouverture d'esprit n'est pas toujours partagée alors elle préfère préciser. Loin d'elle l'idée de rendre Noah mal à l'aise alors qu'elle aimerait seulement l'aider.