Cet après-midi est un après-midi comme les autres. Et comme souvent, tous les jours en fait, il y a une heure de l'après-midi où un corps a besoin de sucre, de graisse. Bref, Ghika a besoin de se faire une bonne petite collation. Et quand on parle de petite collation avec Ghika c'est plutôt une orgie de malbouffe. Et pour compenser cette accumulation d'acides gras saturés ? ? Demain il fera deux fois plus d'exercice. Parce que, qu'on le croit ou non, que son physique le laisse entendre ou non. Ghika aime faire du sport. Bien sûr pas pour faire de la gonflette pour rester la version humaine d'une crevette d'un mètre quatre-vingt sept. « Qu'est-ce que ce sera aujourd'hui ? » chantonne-t-il pour lui même en sortant une poêle. De quoi a-t-il vraiment envie ? Bacon ? Check. Fraises ? Check. Chocolat ? Check. Vont-ils fonctionner ensemble ? Ghika n'en est pas sûr mais sa nanny avait pour habitude de dire : « Si tu aimes tous les ingrédients d'un plat, tu as de fortes chances d'aimer le plat lui-même. » Bien sûr ça marche assez difficilement quand on mélange des aliments typiquement attribués à des plats de fast-food et d'autres faits pour le dessert. Ghika commence par faire frire les tranches de bacon, pendant qu'il enfonce une paille par l'extrémité des fraises pour en extraire la pousse -c'est une astuce vraiment utile pour ne pas gaspiller une partie très savoureuse du fruit-. Dans le micro-onde il fait fondre du chocolat au lait et jette les fraises équeutées dans le chocolat liquide, couper les tranches de bacon frites en quatre et les poser sur une feuille absorbante pour en éliminer la graisse inutile prend quelques secondes et puis il mélange le tout. Une fois le son repas prêt, savourant déjà les effluves du plat aux arrangements culinaires improbables, Ghika s'assoit à table, posant la casserole devant lui tout en s'en servant un bol. Alors qu'il s'apprête à commencer sa dégustation McKayla arrive. Ils ne se connaissent pas vraiment, bien sûr après un mois ils ont discuté quelques fois, rien de profond, des présentations tout au plus. Mais bon, c'est peut-être le moment de faire plus amples connaissances. « T'en veux ? J'appelle ça le Baconberry-choco-délice. » l'invite-t-il tout sourire et l'eau à la bouche. Il plonge sa cuillère dans le récipient en céramique avant de la porter à sa bouche. Un soupir d'extase lui échappe alors. Vraiment fabuleux, le croustillant salé du bacon s'allie parfaitement à la douceur sucrée du chocolat et à l'acidité piquante de la fraise. McKayla doit tester.

Il s'attendait presque à ce qu'elle le regarde comme un fou tentant d'ingérer un poison ou en tout cas un mélange innommable. Et pourtant voilà que McKayla semble tout à fait partante pour une orgie des papilles en sa compagnie. Très bien, dans ce cas, il va faire ce qu'il a dit qu'il ferait. Partager. Lui tendant le bol il l'encourage même d'un sourire. « Fais-toi plaisir ! » dit-il en plongeant sa cuillère dans le bol et en se délectant de la bouchée qu'il en retire. C'est un mélange vraiment étrange mais plutôt excellent en fin de compte. Quand elle lui demande si elle peut mettre de la chantilly en plus de tout le reste Ghika est scié. McKayla est donc encore plus extrême que lui quand on en revient à la bouffe. Bon à savoir. « Tu veux ajouter de la chantilly ? Wow, t'as vraiment la foi ! » qu'il s'exclame, personnellement Ghika la chantilly c'est pas son truc, c'est trop suave, trop doux, pas assez fort en goût. Tant qu'elle ne le force pas à en manger il ne voit pas d'inconvénient qu'elle en rajoute dans le bol qu'elle s'est préparée. Avant qu'il puisse avoir le plaisir d'une seconde bouchée, elle le bombarde de questions, sur son prénom. Il espérait que ces questions auraient fini d'être posées quelques semaines plus tôt mais ce n'est pas grave, il y répond sans même réfléchir. « T'es bien curieuse dis-moi ! Alors dans l'ordre... je vis bien avec, ça n'a pas de signification particulière, d'après ma mère ça aurait des origines roumaine et je viens de Louisiane. » répond-il en savourant une deuxième cuillerée de sa concoction. « Alors après un mois dans la maison, tu t'y plais ? » demande-t-il en retour, assez peu intéressé par les origines du prénom de la jeune femme.

Parler de bouffe est une bonne façon de se lier aux autres. La nourriture est un sujet universel, à moins que vous ne tombiez dans un groupe d'adeptes du jeûne mais ça devrait pas durer longtemps. Ou une troupe de cannibale, là parler de bouffe peut devenir gênant très rapidement. Bref, Ghika aime parler de nourriture, parce que le temps qu'il passe à penser à la nourriture, il ne le passe pas à la mettre dans sa bouche. « Pour moi tous les repas sont source de tracas, je suis un peu obsessionnel avec mon poids, alors je sais qu'après avoir avalé ce truc innommable, je vais devoir manger des pommes ce soir... Mais j'aurais au moins eu la satisfaction immédiate. » Obsessionnel avec son poids, et avec tout le reste. Mais ça ce n'est peut-être pas la peine de le préciser. Baltimore, le nom lui est familier bien entendu, mais en dehors de quelques anecdotes sur la ville, il n'en connaît rien. Peut-être y a-t-il fait étape pendant un road trip entre la Louisiane et New York, mais il est certain de n'y avoir jamais séjourné. « Je crois y être passé, mais sans m'arrêter. En fait j'ai assez peu visité les USA, une fois le lycée finit à Bâton-Rouge, j'ai passé deux ans à Princeton et puis j'suis parti à Oxford, sur le vieux continent. J'ai plus mis les pieds au pays depuis... quatre ans je crois. » explique-t-il presque peiné par ce constat. Sa vie aux Etats-Unis est bien loin derrière lui. Tout comme « sa famille », enfin sa « mère » pour être plus exact. Il ne l'a pas vue depuis près de deux ans, bien sûr elle l'appelle une fois tous les trois jours, parce qu'elle court après le temps pour rattraper les années qu'elle a passé à courir après le succès, les hommes, à courir le plus loin possible de ses responsabilités de mère. « J'avoue que ça a du bon d'être ici, même si parfois j'ai l'impression d'étouffer. » répond-il à la première question de McKayla avant de sourire en prévoyant la réponse à la seconde. Il ne peut décemment pas se griller aussi connement. « Petite curieuse, je peux pas te répondre sincèrement, ça serait te donner des indices sur mon secret, et si tu en veux, faut enchérir ! » rigole-t-il en faisant références aux deux indices qui sont mis à prix sur son secret en ce moment même. Mais elle aussi est en danger et il compte bien faucher ses indices.