Amery & Danaé
#1

J’ai besoin de m’échapper. J’ai besoin de m’évader. Je ne supporte pas tant que ça les conversations de groupe. Surtout le soir. J’aime le calme. J’aime ma solitude. Je préfère largement entendre les pleurs de mon petit bout que les pleurs incessants d’une bande gamins qui ne pensent qu’à se plaindre. Je n’ai pas forcément le droit de m’exposer au froid, mais tant pis. J’ai envie de m’éloigner de mes nouveaux petits camarades pour une fois. Il n’y a pas beaucoup de lumière à l’extérieur et c’est compliqué de se repérer dans le noir. Je crois bien que je suis tout proche des fontaines. J’entends de l’eau. C’est peut-être le lac. Mes yeux ont bien du mal à s’habituer à la pénombre. J’avance tout doucement. Je me cogne à des feuillages par moment. Une branche me griffe le bras droit. Ca me picote un petit peu, mais rien de bien grave. J’en suis certaine. Ma balade nocturne dure comme cela encore une bonne vingtaine de minute. Ce sont mes mains, qui se trouvent devant moi, qui me guident. Ça ne marche pas trop mal pour le moment. Ça m’amuse presque. Je suis en train de sourire comme une idiote. J’ai l’impression de retourner en enfance. Enfin, lorsque j’avais le droit de m’amuser sans que cela ne soit mauvais pour mon petit cœur bien évidemment. J’ai toujours eu des parents stricts. Moi j’suis un petit peu plus cool avec Erick. Je suis perdue dans mes pensées et en plus je n’y vois pas grand-chose. C’est pour ça que je me prends les pieds sur une racine apparente et que je me rétame de tout mon long sur la pelouse. « Merde. » Ma cheville me fait atrocement mal et je crois bien que je me suis fait quelques égratignures en tombant. Je tente de me relever, mais c’est presque mission impossible. Ma cheville me fait un mal de chien. Je viens l’attraper avec mes mains pour essayer de la masser un petit peu. Je grimace. Je ne sais vraiment pas comment je vais faire pour regagner le château. Je vais peut-être ramper. Des bruits de pas se font entendre. Je ne bouge pas. Les bruits de pas s’intensifient. « Y’a quelqu’un ? » Faut bien que je me renseigne tout de même.

Mais pourquoi ce genre de chose a le don de toujours m’arriver à moi ? Je suis certaine qu’il doit y avoir un bon dieu quelque part qui m’en veux affreusement. Je ne suis pas spécialement plus maladroite que n’importe quelle nana, mais j’ai le don pour me faire mal en permanence. J’ai toujours un ou deux bleus sur mon corps. J’ai toujours des égratignures sur les bras, sur les cuisses et je suis certaine que ce n’est pas maintenant que j’ai un enfant que cela va s’arranger. J’imagine déjà lorsqu’il ara envoyé le ballon dans les ronces au parc et qu’il faudra aller le chercher ou n’importe quel truc dans ce genre. En fait je suis destinée à me faire des petits bobos tout le temps. Quoi que là je m’en serais bien passé quand même. Je viens de me ramasser devant tout un tas de personnes qui sont en train de suivre l’émission sur le câble ou encore sur internet. J’imagine qu’ils sont tous en train de se foutre de ma gueule. J’ai honte. Mes mains me font un petit mal, mais rien de terrible non plus. Le pire c’est ma cheville. J’essaye de me lever, mais cette dernière me fait un mal de chien et je crois bien qu’il m’est impossible de la poser sur le sol. Si personne ne répond à mon appel, je vais devoir ramper comme une mendiante jusqu’au château. Tant pis. Il y a du bruit. Je demande s’il y a quelqu’un, mais personne ne me réponds. Je commence à me faire à l’idée sur je vais devoir me débrouiller pour rentrer quand … « Oui je suis ... par là. » Une voix masculine me répond. Je tourne la tête dans tous les sens dans l’espoir d’apercevoir une silhouette, mais rien. « Où ça ? » Je viens tout juste de finir ma phrase qu’une ombre se dessine à quelques mètres à peine de moi. « Ça va ? J'ai entendu un bruit, tu ne t'es pas fait mal ? » Instinctivement je viens poser ma main sur la cheville qui me fait un mal de chien. J’appuie brièvement dessus et j’tire une grimace parce que ça fait tout de même super mal. « Ma cheville me fait un petit peu mal. » que je dis sans vouloir dire qu’elle me fait atrocement mal pour ne pas me faire plaindre. « Tu … Ça te dérange de venir m’aider juste à me relever ? » Je lui en demande peut-être un petit peu beaucoup là, mais je n’ai pas trop le choix si je veux retourner au château pour la nuit.

Je me sens toute bête de m’être retrouvé les quatre fers en l’air devant les caméras. Je sais que je ne suis pas la première et que je ne serais très certainement pas la dernière, mais c’est tout de même assez honteux. Je ne sais pas vraiment ce que les gens doivent penser de cette gamelle mémorable que je viens de me prendre. En tout cas je crois bien que je ne me suis pas raté parce que ma cheville me fait un mal de chien. Mes mains ce sont que quelques égratignures certainement. Rien de bien méchant. J’entends des bruits tout près de moi alors j’en profite pour appeler au secours d’une façon plus ou moins explicite. Je n’ai vraiment envie de dire clairement que j’ai besoin d’aide. Pourtant je dois le faire lorsque le jeune homme qui se trouve tout proche de moi me demande si je me suis blessé dans ma chute. Je ne peux pas nier le fait que ma cheville me fait mal et que j’aurais peut-être besoin d’aide pour me remettre sur pied. Je le sens qui s’approche de moi. « D'accord, je vais t'aider. Tu penses pouvoir marcher ou tu veux que je te porte jusqu'au château ? » Je remue la tête de gauche à droite, mais je ne suis pas certaine qu’il puisse voir quoi que ce soit en fait. « Hors de question que j’abuse de ta gentillesse. Je pense pouvoir me débrouiller et marcher jusqu’au château. » Je ne suis pas très sûre de ce que je suis en train de lui avancer, mais je ne veux pas passer pour une nana profiteuse alors je préfère prétendre que je suis capable de marcher. Avant que je n’aie le temps de dire quoi que ce soit, de demander quoi que ce soit, mon sauveteur vient me poser une question. « Tu t'appelles comment ? » Quelle idiote. J’ai complètement oublié de lui donner mon prénom. J’en suis honteuse et je sais que je deviens écarlate car mes joues se mettent à me brûler. « Danaé. » Je marque une courte pause avant de reprendre : « Et toi ? » Beh oui après tout moi non plus je ne connais pas son prénom.

J’ai bien de la chance que quelqu’un soit en train de se promener à une heure aussi avancé de la nuit parce que sinon j’aurais dû me traîner jusqu’au château avec ma cheville me faisant mal et toutes mes égratignures sur les bras et les mains. Il s’agit d’un jeune homme. Un jeune homme extrêmement serviable qui vient presque immédiatement à mon secours. Il me demande si je peux marcher ou bien s’il doit me porter. Je ne suis pas très sûre de ma réponse, mais je ne veux pas le déranger plus alors je lui demander seulement de m’aider à me relever. Je vais me débrouiller pour la suite. Je ne veux pas passer pour une profiteuse ou un truc dans l’genre. « Ça ne me dérange pas. » Oui, mais même. Hors de question que je compte sur l’assistance d’une tierce personne. Je ne veux pas passer pour l’assistée de service, bien que je lui demande de me porter secours afin que je puisse me retrouver sur mes pieds. Logique. « Non, mais … je suis trop lourde pour que tu me portes jusqu’au château. » C’est une excuse minable, mais une excuse quand même. Je ne suis pas très lourde, mais tout de même jusqu’à l’entrée de la résidence ça fait une bonne petite trotte. Notre discussion passe par une présentation brève. « Moi c'est Amery. » C’est la première fois que j’entends ce prénom. J’aime bien. Ça change des prénoms trop banals. Encore une fois je me mets à sourire, mais je capte trop tard qu’il ne doit pas me voir. Je sens qu’il se baisse à côté de moi. Il passe un bras autour de mes épaules. « T'es prête ? » J’hoche la tête tout en prenant la parole : « Oui. » Je viens plier mes jambes afin de pouvoir pousser dessus et instinctivement mon bas passe autour de son cou pour prendre appuie contre lui. « A trois ? » Un décompte c’est bien pour savoir quand chacun doit faire son petit effort. « Un. »

Je n’ai pas vraiment envie d’enquiquiner encore un petit peu plus le jeune homme qui est venu à mon secours alors je lui dis que non je n’ai pas besoin qu’il me porte et que je peux, je l’espère, me débrouiller de marcher jusqu’au château sans que l’on me porte. Peut-être juste que je vais avoir besoin d’un soutien, mais rien de plus. Encore une fois je l’espère. Il se baisse pour passer un bras autour de mes épaules alors que je passe un bras autour de sa nuque pour prendre appuie. Je commence un petit décompte. Il le continu. « Deux. » J’appréhende un petit peu le dernier numéro. Surtout qu’il commence déjà à se lever. « Et trois. » Mes doigts viennent agripper le col de son haut alors qu’une petite grimace vient se dessiner sur mes lèvres. « Ça va ? Tu veux essayer de marcher pour voir ? J'espère que ce n'est pas trop grave. » Je fais un hochement de la tête pour montrer que je veux bien essayer. J’enlève mon bras de son cou pour faire deux petits pas en avant. J’ai quand même vraiment très mal et les nombreuses mimiques que je fais sont là pour le montrer. Je m’arrête pour me tourner très légèrement vers lui. « Ta proposition de tout à l’heure marche toujours ? » que je demande d’une petite voix timide. Finalement je pense que ça va être assez compliqué de faire le chemin toute seule. « Ou, au moins, m’accompagner jusqu’au château ? » On ne sait jamais ce qu’il peut m’arriver sur le chemin du retour finalement. Je sais je suis en train d’abuser de sa gentillesse, mais je ne me vois pas faire autrement pour le moment.