+Adnan

Ma peine s'est transformée en haine. Ce prime m'a poussé à bout. Tout ce que je voulais moi, c'était m'abandonne dans mon lit, dormir aussi vite que possible après le prime, mais c'est plus possible, plus après avoir accumulé toute cette rage à l'intérieur de moi. J'ai besoin d'extériorisé tout ce que j'ai sur le coeur et la meilleure façon que je trouve à faire repose sur la force physique. Les coups s'enchainent contre le sac de frappe, la chaine grince sous ses mouvements accompagnant les puissants râles qui s'échappent d'entre mes dents. Je frappe, encore et encore jusqu'à ne plus avoir d'énergie, jusqu'à m'en arracher la peau des articulations, jusqu'à tomber d'épuisement. Je quitte le gymnase lorsque le sang coule, mais je ne suis pas satisfait. Parce que malgré la douleur, je continue de bouillir de l'intérieur, d'avoir l'esprit encore tourmenté par cette journée qui vient de se terminer. Si j'avais pu, j'aurais frappé toute la nuit s'il le faut mais mes membres endoloris n'arriveront pas à suivre le rythme et mourir n'est pas dans mes plans. Alors je vais dans la salle de bain, que je pense inoccupé à cette heure-là et je me calme sous un jet d'eau froide. Je perds la notion du temps et je ne pense plus à rien. Même le contact de l'eau froide sur mes mains meurtris ne me fait rien. Je termine en me séchant, me rhabillant d'un boxer, un short et un tee-shirt et fouille dans les placards pour trouver la trousse de secours, des bandages que je tourne autour de mes phalanges surement fracturés. Je n'ai pas terminé que quelqu'un rentre dans la salle de bain : Adnan. Je le fixe un instant de mes yeux aussi rougis que mes articulations. J'ai beau avoir été plus ou moins déconnecté durant le prime, j'ai tout de même noté plusieurs choses le concernant. Sa réaction aux images diffusées de Jaheim et moi, le fait qu'il ne vienne pas chercher cet award que l'on a gagné ensemble et évidemment le plus important, qu'il soit resté, une nouvelle fois en tête. Je ne sais pas trop ce que ça veut dire le fait qu'il ne veuille pas de cet award, ou plutôt, je le redoute. « J'ai... j'ai besoin de toi. » Je lui demande de rester, alors que ma voix se casse entre deux mots. Non, je le supplie du regard même. J'ai besoin de lui pas seulement pour ces foutus bandages. J'ai besoin de lui tout court, surtout à ce moment-là, ce moment où je redoute de rester seul. Mon esprit a été accaparé par la colère, puis la douleur... et maintenant, je sais que la peine reviendra. « Est-ce que tu peux être gentil avec moi, juste une dernière fois ? » Je demande une nouvelle fois égoïstement. Une dernière fois parce que je ne le mérite pas finalement, que j'ai conscience qu'il doit avoir l'impression que je me suis payé sa tête après les images qu'il a vu. Je me rappelle de ce que je lui ai dis, de chaque mot dans les moindres détails, parce que tout était sincère. Et l'avoir déçu, ça me donne juste envie de me taper la tête contre un mur.

Ce prime avait été une vraie souffrance pour moi, principalement parce que je ne m'attendais pas à voir les images que j'avais pu voir suite à la rubrique d'Akela. C'était vraiment douloureux, et toutes les paroles que l'on avait bien pu me dire m'étaient revenues en pleine tête. Chaque mensonge. Oh j'avais l'habitude depuis le temps oui, que l'on me prenne pour la dernière des quiches, mais ça n'était pas pour autant la sensation la plus agréable au monde, qu'on se le dise. Sur le coup, je m'étais légèrement emporté, évidemment, n'hésitant pas à faire une remarque que je regrettais maintenant sur Jaheim. Mais j'en avais le droit après tout non ? Puisqu'au final, ça n'était pas vraiment contre le blond que j'étais en colère, mais bel et bien contre Aaron que je comptais maintenant éviter comme la peste. J'appréciais le jeune homme, oui, peut-être un peu trop, mais cette fois ci, c'était assurément la goutte d'eau qui avait fait déborder le vase. McKayla m'avait pourtant mis en garde, elle me l'avait dit qu'il était du genre à jouer sur plusieurs tableaux et que ça n'était pas quelqu'un en qui on pouvait avoir confiance sur ce genre de choses. J'aurais du l'écouter. Mais naïvement, j'avais préféré croire l'inverse et voilà que tout me retombait peu à peu dessus. Cet award, je n'en voulais pas. Premièrement parce que rien ne s'était passé entre nous, et deuxièmement parce qu'après ce soir, rien ne pourrait jamais se passer. J'avais une vision précise de la personne idéale pour moi, des qualités nécessaires qu'elle aurait, et ça n'était pas Aaron. Non, plus après ce soir. Je sais que c'était peut-être quelque peu étrange de s'imaginer une telle chose qui n'était au final pas réelle, et de justement délaisser ce qui l'était, mais je n'y pouvais rien, j'étais déçu. Incroyablement déçu. Et pas seulement pour moi, non, pour lui également. Je ne comprenais plus où il voulait en venir. Si il disait vouloir être avec quelqu'un et changer de discours du tout au tout auprès d'une autre personne, c'est que lui même devait être sacrément perdu. Devais-je lui en vouloir alors ? Oui. Il n'y avait pas d'autre moyen pour qu'il comprenne, du moins c'est ce que je m'étais dit. Quittant le plateau après mon sauvetage -qui pour le coup, eut un goût plutôt amer- je m'étais dirigé dans ma chambre pour me débarrasser de ma tenue, retirant couche après couche chaque vêtement de mon corps pour ne garder qu'un boxer, que je recouvrais rapidement de mon pantalon de nuit. Il ne me manquait plus qu'une bonne douche, et je pourrais oublier dans les bras de Morphée, probablement le seul amant qui ne m'avait jamais fait souffrir, quoique. Poussant la porte, je ne m'attendais cependant pas à tomber sur le jeune homme, qui était de toute évidence entrain de se bander les mains. Lorsque son regard croisa le mien, il me dit qu'il avait besoin de moi. Pourtant je restais de marbre. « C'est trop facile Aaron. » Il ne pouvait simplement pas faire souffrir quelqu'un, et puis lui redire l'inverse comme si rien du reste n'était arrivé. Je ne tomberais pas dans le panneau cette fois, et il devait très certainement s'en douter. Il me demanda si je pouvais être gentil avec lui une dernière fois, et mes sourcils se froncèrent quelque peu. J'étais encore moi, c'était simplement une facette de ma personnalité que personne n'avait encore déclenché ici. Je suppose qu'il fallait une première à tout. « C'est toi qui te fait souffrir tout seul, moi je ne peux pas t'aider. » Non, pas tant qu'il aura fait du tris dans sa tête. Pas tant qu'il ne se sera pas calmer. « Ce que tu vis là, ton attitude, ça ne peut pas marcher dans le monde réel. » finis-je par dire d'un volume légèrement plus bas. Il ne pouvait pas jouer avec tout le monde et espérait avoir le beurre et l'argent du beurre. A un moment, il finirait simplement par repartir bredouille.

« C'est trop facile Aaron. » Bien sur que c'était trop facile... J'ai tenté ma chance, j'ai lancé une bouteille à la mer sans grande conviction, en espérant que Adnan la récupère, une chance parmi mille, si ce n'est plus encore. La vérité, c'est que je suis vide, complètement vide. Mon regard est vide, ma tête est vide, mon coeur également. J'ai subi toute une pression, une multitude de sentiments si forts en si peu de temps que j'ai plus du tout d'énergie alors que je voudrais lui crier, lui montrer que j'ai besoin de lui... A la place, je reste comme une loque, comme une épave bonne pour la casse à regarder le sol. « C'est toi qui te fait souffrir tout seul, moi je ne peux pas t'aider. » Une petite étincelle nait dans mes yeux, une étincelle de vie, mais pas pour les bonnes raisons. J'esquisse un sourire triste, loin de la signification d'un sourire ordinaire. Je me fais souffrir seul hein ? « Tu peux... m'écouter ? » Parce que ça, ça m'aiderait. Je veux pas le convaincre de mon innocence parce que clairement je ne le suis pas. Je veux juste me confier, comme j'ai déjà pu le faire avec lui. Est-ce que qu'il peut faire ça pour moi ? « Ce que tu vis là, ton attitude, ça ne peut pas marcher dans le monde réel. » J'ai l'impression qu'on parle de quelqu'un d'autre. Je me reconnais pas, ni dans ses mots, ni dans son regard...  « Je ne suis pas comme ça. » Je souffle doucement, un peu perdu. Cette attitude dont il parle, ce n'est pas moi. Dans le monde réel, je suis quelqu'un de bien et je pensais l'être encore ici, jusqu'à ce soir, jusqu'à que je vois Adnan souffrir par ma faute. Je suis sur que je corresponds, à cette personne que le brun recherche et je ne comprends pas pourquoi elle a du mal à s'exprimer ici. « Tu vois, c'est moi qui suit pas assez bien pour quelqu'un au final. » Je tente de plaisanter à moitié, un rire s'échappe sans qu'il soit sincère, sans qu'il soit joyeux. Je le savais depuis le début moi, que de nous deux, c'est Adnan qui y perdait au change. Si seulement... il s'était passé une semaine en plus. J'aurais pu lui prouver que je ne suis pas comme ça, que je ne suis pas un coureur de jupon. J'avais discuté avec Paloma, une discussion qui m'avait clairement remis en question et j'allais me détacher de tout le monde, pouvoir réfléchir et voir ce que ça donnerait sérieusement avec une personne. Mais à quoi ça sert que je lui dise ? Je passerais pour quoi ? Le mec qui veut se racheter, celui qui réagit à cause des conséquences. Ça sert plus à rien. « J'ai toujours été sincère avec toi, t'en doutes vraiment ? » J'ai peur de sa réponse, j'ai peur de le perdre.

J'avais du mal à le regarder dans les yeux, comme si c'était bel et bien moi qui avait fait une erreur. Sauf que ça ne l'était pas, non, pour une fois je n'avais cassé aucun vase, je n'avais bousculé personne par mégarde. Cette fois ci, c'était bel et bien lui qui était en tord. C'était bel et bien lui qui ne savait plus ce qu'il voulait, où il en était. Et moi, je ne pouvais simplement plus l'aider, je le savais, je n'en avais pas la force. Pourtant vous me connaissiez vous, depuis le temps, vous saviez que j'étais du genre à tendre la main au premier venu. En avais-je encore envie ? Je n'en étais plus sûr. J'étais simplement déçu. Ça ne changeait pas grand chose à ce que je pensais d'Aaron, mais ça devait probablement tout changer à ses yeux. Je ne voulais pas qu'il soit cet homme qui est jugé pour ce qu'il laisse paraitre, et non pas pour ce qu'il est réellement. J'hochais vaguement la tête lorsqu'il me demandait si je pouvais l'écouter. Je savais que je ne serai pas convaincu, quoi qu'il dise. Parce qu'il ne pouvait pas et être cet homme là, et être celui des vidéos en si peu de temps, ça n'était pas possible, pas pour moi. « Je t'écoute. » mon ton ne se voulait même plus tranchant, comme si je n'avais même plus la force de me battre. Passé quatre heures, il faut dire que je restais tout de même sacrément fatigué, et que mon lit l'attendait plus que moi. Aaron me disait qu'il n'était pas comme ça et je ne comprenais pas où il voulait en venir. « Pourtant, t'en as pas l'air convaincu. » ajoutais-je en référence à ce que j'avais pu voir sur le prime, à toutes ces images qui m'avaient fait douter toujours un peu plus. « Et ce n'est pas ce que tu as prouvé aux autres. » Aux autres candidats, ou même aux téléspectateurs. Moi je savais. Mais je ne pouvais pas être le seul à savoir. J'étais fatigué de tout ça. Il me disait qu'il n'était finalement pas assez bien pour moi et je soupirais quelque peu, agacé. « Ne joue pas à ça Aaron. » Non, clairement, ça n'était pas en disant des choses comme ça qu'il allait pouvoir changer, que j'allais pouvoir oublier, qu'il allait pouvoir avancer. Il me demandait si j'avais un jour douté de sa sincérité, et je lui répondais un simple « Non. » vague, avant de finalement reprendre d'une voix douce « C'est envers toi-même que tu n'es pas sincère. Et tant que ça ne changera pas, je ne pourrai rien pour toi. Personne ne pourra rien pour toi, et tu le sais... » Ça me faisait mal de lui dire tout ça, car je ne m'étais jamais imaginé dans ce rôle là. « Réfléchis-y, s'il te plait. » j'étais encore à moitié nu, mais ne me voyais plus vraiment prendre une douche après cette conversation. Je crois que j'avais simplement besoin de dormir, même si je savais déjà que ça allait être compliqué. « Bonne nuit Aaron. » lâchais-je finalement en un doux sourire, pas trop appuyé, avant de faire demi tour et de quitter la pièce.