+ SACHA

Aussitôt qu'elle avait quitté le plateau, j'étais parti en furie, ne me laissant même pas le temps de féliciter Sacha ou Gaëtane, non, j'étais bien trop triste. Triste et en colère. Je savais que je n'avais pas le droit de l'être que personne n'y pouvait rien si ma partenaire était partie, mais au fond, je crois que j'étais simplement perdu. Alors, je préférais encore être seul, oui, me morfondre comme le gosse que j'étais sans penser à rien d'autres qu'aux moments que l'on aurait pu avoir. Moi aussi j'aurais voulu garder ma partenaire toujours plus longtemps. Moi aussi j'aurais aimé la voir sourire, l'entendre rire ou raconter sa vie et ce comme personne. Mais je n'aurais pas cette chance. Elle était partie. Et ces quatre murs qui m'enveloppaient maintenant me donnaient l'impression d'être prisonnier dans un jeu où je ne trouvais plus ma place. Ironie du sort, en partant, elle m'avait pourtant immunisé. J'étais anxieux. Anxieux quant à la suite. Qu'est ce que j'allais devenir ? Comment allais-je m'en sortir ? Qui pourrait m'aider à être qui j'étais sans me poser la moindre question. Je me sentais mal, affreusement mal. Je n'arrivais plus à situer ce qui était autour de moi, ni même qui j'étais, ce que j'étais, ce que je voulais, ce que j'attendais de ce jeu. Tout était devenu flou, balayé par un flot de larmes qui ne semblait pas vouloir s'arrêter. Je leur en voulais. A tous. Tous autant qu'ils étaient. C'était de leur faute si elle était sortie. Je n'arrivais même plus à trouver les mots. Je voulais crier. Excès de rage rapidement balayé par une éternelle tristesse. Jamais je n'avais été comme ça, ou pas depuis longtemps. J'avais la nette impression de l'avoir perdu pour toujours. Ça n'était pas le cas, non, mais je n'en avais pas conscience. Aussi après avoir grimpé les escaliers à toute vitesse et poussé la trappe du grenier, j'avais tiré sur mon col pour retirer mon haut. Je me sentais étouffer, probablement parce que les larmes m'empêchaient de respirer correctement. M'asseyant par terre, adosse au mur, je replié mes jambes sur mon torse, enroulant mes bras autour de celles ci. Ça n'allait pas mieux. Ça n'allait pas aller mieux. Je n'avais simplement plus aucune idée de qui j'étais. La trappe se poussa, et je ne pris même pas le temps de regarder de qui il s'agissait que je me levais déjà pour le pousser et taper son torse. Pas longtemps, une, deux secondes, juste le temps de me calmer. Et puis finalement, je me logeais dans ses bras, tremblant de toutes parts, réalisant qu'il s'agissait simplement de Sacha qui venait probablement prendre de mes nouvelles. « J-Je suis perdu. » finis-je par miauler, totalement sans défense, mes pensées n'étant plus qu'un gros noeud sur le point d'imploser.

Le sort de Percy dont j’ai été responsable ne me préoccupe pas. Non. En revanche, le moral d’Adnan avec qui j’ai passé la soirée me tient plus à cœur. Sa partenaire Mckayla a été éliminée. Pour le coup, je me sens soulagé de ne pas être responsable de ça. Adnan m’en aurait terriblement voulu. Il ne m’aurait même d’ailleurs plus jamais parlé. Mais ce n’est pas de ma faute. Elle n’a pas été assez sollicitée par les téléspectateurs. En tous les cas, ça ne change rien pour Adnan. Son pilier de l’aventure est parti. Et j’ai envie d’être là pour le soutenir dans ces instants difficiles. C’est pourquoi, je me permets de le pister et de le suivre jusqu’au grenier. A peine entré dans la salle, voilà qu’il se lève et vient me violenter. J’en suis surpris mais pas pour autant perturbé. Je reste calme et imposant. « Adnan arrêtes ! » Je suis assez ferme et tranchant, presque comme il l’a été avec moi il y a une semaine. J’imagine que c’est la solution la plus radicale pour se faire entendre. D’ailleurs, ça semble marcher puisqu’il se jette ensuite dans mes bras. Je préfère ça. Du coup, je le sers fort contre moi. C’est ce dont il a besoin, je pense. Il a perdu son repère alors il faut que quelqu’un soit là pour lui et pour éviter qu’il se sente trop déboussoler. Certes, je ne pourrai pas prendre la place qu’avait Mckayla dans son cœur, mais je vais essayer d’être plus présent pour lui au quotidien. « Ne sois pas déboussolé. Tu es toujours le même et tu continueras d’être le même. Mckayla te soutiendra de là où elle est et tu la reverras. J’en suis sûr. » Je ne suis pas forcément super bon pour le réconforter. Je dois être sans doute maladroit et utiliser des mots un peu durs pour lui. Je ne sais pas. Je ne m’en rends pas trop compte. « Je serai là. Ce soir. Je reste avec toi. Ne t’inquiète pas. » Il peut se lâcher comme je l’ai fait il y a plusieurs jours et pleurer sur mon épaule. Ça lui fera sans doute du bien. Il a probablement besoin de ça. Craquer une fois de temps en temps c’est normal. « Viens. » Je desserre mes bras et part m’installer sur le lit. Je l’attends, assis contre le mur, les jambes déjà recouverts par la couverture. J’estime qu’il a besoin d’une présence. Peu importe le sexe ou l’identité de la personne. Je ne veux pas le laisser seul ce soir.

Je ne savais pas si je serais capable de me remettre du départ de McKayla. Elle était mon seul réel repère ici, et ce depuis le début du jeu. Evidemment il y en avait d'autres, comme Sacha ici présent, mais elle, c'était la seule personne qui avait été du début jusqu'à la fin à mes côtés. Une fin qui n'en était pas vraiment une puisqu'elle était partie sans moi. Elle m'avait laissé. Ça n'était pas sa faute, j'en avais conscience, mais je ne pouvais m'empêcher de penser qu'il y avait eu un problème. Comment pouvait-on regretter quelqu'un comme Percy et pas quelqu'un comme McKayla ? Son départ avait eu l'air d'en indifférer plus d'un alors qu'elle était probablement l'un des seuls rayon de soleil du jeu, c'était n'importe quoi. Je me sentais tellement mal, oui, partagé entre l'envie de rester seul et celle de me blottir dans les bras de Sacha. Chose que je ne tardais d'ailleurs pas à faire lorsqu'il m'ordonna de m'arrêter. J'étais désolé, et il le savait, mais aucune excuse n'arrivait pourtant à sortir de mes lèvres. C'était trop douloureux, et celles ci tremblaient bien trop pour que j'arrive à prononcer le moindre mot correctement. Si bien que je bégayais quelques paroles à son encontre, pas certain qu'elles lui soient réellement destiné cela dit. J'étais perdu, c'était plus une constatation qu'une affirmation, oui et il devait très certainement en avoir conscience. Il me disait que j'étais le même, que je n'avais pas changé, mais il avait tord. Je n'étais plus le même. J'aurais même pu lui prouver si j'avais réellement voulu. Mais il ne me l'aurait probablement pas pardonné, et je m'en serais encore plus voulu. Oui, j'aurais pu me laisser aller, juste pour qu'il comprenne. Pas tout, mais juste assez. Je me raccrochais à lui lorsqu'il me disait qu'il était là, ne tardant évidemment pas à le suivre lorsqu'il se dirigea vers le lit. Je ne savais pas quoi dire. Je ne savais même pas si je devais dire quelque chose. « J'aimerais tellement qu'ils me comprennent, comme elle m'a compris... » finis-je par miauler alors que mes prunelles noisettes croisaient celles du brun. Je savais que ça n'était pas possible. Mais je crois que plus le jeu avançait, et plus j'avais du mal à m'assumer, moi qui pouvait pourtant paraitre si bien dans ma peau, réellement adapté à la vie en communauté. Ça n'était qu'une façade, et moi même je n'en avais pas eu conscience avant ce soir. « J'aimerais tellement que tu comprennes... » ma poing se refermait sur le haut du jeune homme, près de son ventre, tandis que ma tête se logeait sur son épaule. « McKayla, c'est la seule. Je... La seule dont je suis certain qu'elle ne me rejettera pas. » Il devait se douter d'où je voulais en venir, bien que je ne pouvais en dire plus à ce sujet. « Je n'ai même plus l'impression d'être réellement là... » Et ce depuis un moment déjà. Il ne devait très certainement rien comprendre de ce que je racontais. « J'aimerais tellement te montrer. » Mais c'était risqué. Je remontais d'ailleurs la couverture sur ma peau dénudée, le chauffage n'étant pas si fort que ça par ici.

L’état d’Adnan me préoccupe. Il ne va vraiment pas bien et je m’inquiète pour lui. J’ai compris que Mckayla comptait énormément pour lui et encore plus ce soir lors du prime. Leurs adieux étaient déchirants. La blonde va assurément manquer au brun. Ça ne fait pas l’ombre d’un doute. Elle était son pilier, sa confidente et vraisemblablement la personne qui le comprenait le plus. Peut-être par rapport à son secret dont elle avait connaissance. Je ne sais pas trop. Les propos d'Adnan me perturbent. Je ne sais pas comment les interpréter. Il parle de rejet et sous-entends de mauvaise chose à son sujet. J’essaye de ne pas montrer du haut du lit où je me trouve que ça me glace un peu. J’ai peur de ce que je pourrai apprendre. Je l’estime beaucoup et il est vrai que si j’apprenais quelque chose de très négatif à son sujet, ça pourrait affecter la vision que j’ai de lui. « Pourquoi on te rejetterait ? » Ma voix se veut douce et rassurante. Je me dis que si ça se trouve, il ne s’agit pas là de son secret. Je ne sais pas trop mais je ne vais pas en tirer de conclusion hâtive. Du moins, pas avant que le candidat m’éclaire à ce sujet. Car il me doit des explications. Il en a trop dit. D'ailleurs, quelques secondes après, il me confie ne plus se sentir présent. Il veut me montrer. Mais quoi ? Je crois que le suspens atteint son paroxysme. J’essaye de le rassurer en le serrant contre moi et en laissant ma main lui caresser l’épaule mais son attitude est assez déconcertante. « Me montrer quoi ? » Mes prunelles se plongent dans les siennes pour la première fois depuis que j’ai pénétré le grenier. Je veux qu’il soit sincère et qu’il me dise ce qui le tourmente. Il peut même me le chuchoter s’il le veut.