+Alistair

Je remercie vraiment mes parents de m'avoir baigner dans la musique depuis tout petit. La musique adoucit les moeurs, c'est bien connu. Cette expression prend tout son sens lorsque je me plonge dans la mélodie d'un piano bien accordé, je voyage entre chaque note, me perd dans les harmonies. Mes mains se mouvent seuls, sans que mon cerveau soit connecté, ce qui est faux puisque forcément, mes doigts bougent, pianotent sur les touches seulement parce que mon cerveau en donne l'ordre. Mais je suis pas un scientifique moi, je suis un imaginatif, un rêveur, un insouciant. Mes mouvements sont naturels, et empreint d'une certaine mélancolie. J'ai du mal à me remettre de mes émotions, c'est dur de se prendre toutes ses informations en pleine face comme ça mais j'ai plus envie de déprimer, plus envie de regarder derrière moi. Je veux avancer et laisser de côté mes soucis, le temps d'une mélodie, ou peut-être même deux. Je reviens à la réalité en entendant la porte de la salle de musique s'ouvrir. Je m'arrête sans quitter mon poste pour regarder en arrière. Il s'agit de Alistair et je le scrute quelques secondes avant de me retourner pour continuer de jouer. Pas pour l'impressionner non, parce que j'en ai besoin.

Encore une soirée où il ne sait que faire de ses dix doigts. Il aime être ici, il préfère cela à sa vie à l’extérieur, mais il doit reconnaître que l’ennui se fait de plus en plus sentir. Probablement dû au fait que les lieux n’ont plus rien d’inédit pour eux ou que le nid se vide. Quoi qu’il en soit, il écume les couloirs à la recherche d’une activité, jusqu’à ce qu’il foule le rez-de-chaussée et repense à la salle de musique se trouvant à cet étage. Cela fait quelques semaines qu’il n’a pas touché à une guitare, et même s’il doute de perdre ses connaissances en quelques semaines, ça lui manque un peu, il doit bien l’admettre. La guitare, c’est bien l’une des seules choses qu’il maitrise, hm. Dans tous les cas, c’est adjugé vendu, il prend la direction de la salle de musique. Ceci dit, il constate avant même d’entrer dans la pièce – grâce au son qui s’en dégage – qu’il n’est pas le seul à avoir eu envie de toucher à un instrument en cette heure de la soirée bien avancée. Il ouvre tout de même la porte, par pure curiosité, et il interrompt Aaron un court instant. Celui-ci l’observe rapidement avant de se retourner pour continuer à jouer. Bien. Alistair ne sait pas vraiment s’il serait préférable qu’il fasse demi-tour (même si son instinct lui souffle que oui) ou s’il peut disposer des lieux. Finalement, il ne réfléchit pas bien longtemps et préfère s’appuyer contre l’encadrement de la porte pour écouter Aaron terminer son morceau. Alistair n’a jamais joué du piano, mais il apprécie cet instrument, surtout quand il est bien maitrisé. Et cela semble être le cas chez Aaron, à tel point que l’anglais se surprend à écouter cela jusqu’au bout, alors qu’il n’est pas du genre spectateur en temps normal. Quand son colocataire marque une pause, il se permet de prendre la parole. « Tu joues très bien. » Il avoue, se forçant par la même occasion à parler un peu plus fort que la normale, puisqu’il est toujours appuyé à l’encadrement de la porte. Il n’est pas du genre à faire des compliments, Alistair, ou alors ceux-ci sont très maladroits, mais ils ont le mérite d’être sincère. « Je te dérange ? » Il finit par demander, parce qu’Aaron l’a scruté quelques instants avant de se remettre à son occupation, alors peut-être qu’il ne souhaite la présence de personne, c’est une possibilité. « Je peux m’en aller si tu le souhaites, je le prendrais pas mal. » Il termine. Autant préciser qu’il ne le prendra pas mal, afin que le candidat ne se gêne pas pour lui dire qu’il dérange, plutôt qu’il se force à accepter sa présence par pure politesse. Car sa présence, justement, il pourrait comprendre qu’elle soit refusée. D’abord parce qu’Aaron semble avoir besoin d’être seul, ensuite parce qu’ils ne sont pas très proches et qu’Alistair n’est peut-être pas un candidat avec lequel il a envie de discuter. Ce qui serait bien dommage, l’anglais n’étant pas contre l’idée d’en savoir plus sur son camarade, même si cela passe par des questions bateau. Enfin, pour ça, il faudrait déjà savoir s’il a le droit d’entrer dans la pièce ou s’il est préférable qu'il fasse demi-tour.

Si je me désintéresse de lui, c'est simplement pour continuer mon morceau. Ce n'est en aucun cas une invitation à partir. Je termine le morceau sans savoir si Alistair est toujours présent ou s'il a fuit en me voyant.  « Tu joues très bien. » Oh, il est toujours là donc. Je me tourne, juste assez pour le voir et lui sourire, un faible sourire mais un sourire tout de même, un sourire que l'on fait lorsqu'on reçoit un compliment, un sourire de remerciement en somme. « Je te dérange ? » J'y réfléchis sérieusement, à sa question. Ce soir, je ne suis pas au top de ma forme, je vais pas être la meilleure compagnie qu'il puisse trouver mais est-ce que j'ai envie de rester seul ? Hm, je suis hésitant. Et comme un rappel à cette question, il enchérit.  « Je peux m’en aller si tu le souhaites, je le prendrais pas mal. » Oh, si vraiment il dérangeait, je pense que je ne me serais pas gêné pour le lui faire savoir, sans être irrespectueux évidemment.   « Je suis pas au mieux de ma forme, mais tu peux rester... » Je reprends en soupirant. Non clairement, je respire pas la joie de vivre, mais ça passera.  « T'aurais pas une cigarette ou un truc à boire par hasard ? » Ça m'aiderait clairement. Enfin, la dernière fois que j'ai bu, c'était une erreur. J'en ai fais une grosse en couchant avec Sacha alors peut-être que je devrais pas boire de nouveau, je sais pas. Pour la cigarette, je ne suis même pas sur d'être autorisé à fumer ici, mais je suppose qu'une seule exceptionnellement, ça ne fera de mal à personne hein.

Il se surprend à écouter son colocataire jouer du piano. Il ne s’intéresse pas vraiment aux belles choses, à l’art sous toutes ses formes, Alistair, mais il sait reconnaître quand quelqu’un a du talent. Et en l’occurrence, Aaron en a. C’est une bonne surprise. Il ne peut pas nier que jusqu’ici, son camarade existait à ses yeux à travers ses aventures amoureuses, et maintenant il sera désormais le pianiste de talent. C’est tout de même un cran supérieur. D’ailleurs, Alistair qui est souvent avare en compliments, n’hésite pas à lui en faire un. Par la suite, il lui demande s’il ne le dérange pas, car sans connaître par cœur Aaron, ce dernier n’a pas l’air au top de sa forme. Et il n’a pas besoin d’attendre une réponse pour être convaincu, vu le temps que met Aaron à répondre à sa question, avant de finalement avouer qu’il n’est pas au mieux de sa forme. Mais qu’il peut rester, bien qu’il semble peu convaincu. « On sera deux, ainsi. » Ce n’est pas parce qu’il fait la conversation qu’il est de bonne humeur pour autant, la perte de sa cagnotte l’a achevé pour les semaines qu’il (lui) reste. Impossible de passer à côté du soupir peu discret d’Aaron, Alistair n’a pas du tout l’impression d’être de trop. Mais ce genre de comportement qui le motive encore plus à s’incruster. « Je me ferais discret. » Il précise toutefois, face à l’air peu convaincu d’Aaron. Il faut qu’on lui dise les choses explicitement, sinon il ne se gêne pas. Et puis, jusqu’à preuve du contraire, cette salle de musique est à tout le monde. Il ne compte pas s’éterniser de toute façon, mais il compte tout de même faire ce pour quoi il est venu, d’autant plus maintenant qu’il a quitté l’encadrement de la porte pour s’avancer dans la pièce. Il fronce les sourcils à la question d’Aaron. Ça se verrait s’il avait une bouteille dans la main, non ? Pour la cigarette, par contre, il peut faire quelque chose. « Tiens. » Il dit, s’approchant un peu d’Aaron avant de lui lancer son paquet. Il doit rester deux ou trois cigarettes ainsi que son briquet, il peut bien faire un don (et pourtant Dieu sait combien ses cigarettes sont précieuses à ses yeux). « Par contre, je suis pas sûr que Cupidon accepte que tu l’allumes ici. » Parce que ça semble être son intention, non ? Et autant dire que ce n’est pas l’idée du siècle, loin de là. « Enfin, t’es assez grand pour faire ce que tu veux, mais tu ne pourras pas dire que je t’ai pas prévenu. » Il ajoute, haussant vaguement les épaules tandis qu’il observe un court instant le candidat pour savoir ce qu’il compte faire. S’il se fait remettre à l’ordre par Cupidon, il ne pourra s’en prendre qu’à lui-même. « Ça fait longtemps que tu en joues ? » Il demande, tandis qu’il passe à côté du piano. Il ne s’arrête pas pour autant près de celui-ci, préférant se diriger vers les guitares qu’il s’abstient de toucher avant d’avoir obtenu une réponse de la part d’Aaron.

Lui aussi il n'est pas au mieux de sa forme et je dois avouer que je n'aurais pas pu le deviner puisque je ne le connais pas tant que ça moi Alistair et de ce que j'ai vu, il n'est pas quelqu'un de très bavard ou démonstratif alors forcément, s'il est comme ça, je ne me pose pas la question. « Pourquoi ? » Je demande aussitôt, sincèrement intéressé. Oui, on ne se connait pas et alors ? Y a pas besoin d'être complice avec quelqu'un pour comprendre sa peine, ce serait bien triste sinon. Je lui laisse le choix de me rembarrer ou pas, mais moi je sais que s'il me demandait pourquoi je suis pas bien, je lui répondrais. Après faut voir s'il s'y intéresse ou pas. « Je me ferais discret. » Je le crois sur parole, à dix semaines, je sais depuis le temps que ce qualificatif lui va plutôt bien, sans que ce soit péjoratif. « Oh, ça me dérangerait pas si tu gueulais tu sais. » Je dis avec une esquisse de sourire. Je dis ça, mais je sais pertinemment que ce n'est pas son genre, de gueuler. Après s'il rentrait dans mon jeu pour me clouer le bec, j'admets que j'en serais vraiment étonné. Ce serait un spectacle inédit à voir, c'est sur. Je lui demande ensuite une clope ou à boire, bien sur c'est la cigarette qu'il me passe. « Par contre, je suis pas sûr que Cupidon accepte que tu l’allumes ici. » Je me contente de hausser les épaules. C'est plus de la flemmardise que de la provocation. « Il n'y a aucune règle contre ça il me semble. » Donc tans pis, je l'allume voilà. Hop une petite inspiration et expiration, c'est fait : j'ai fumé dans la salle de musique et on verra bien si Cupidon intervient mais pour si peu tout de même... « Ça fait longtemps que tu en joues ? » On y échappe pas à cette question lorsqu'on joue d'un instrument, mais c'est normal. « J'ai commencé à dix ans grâce à mes parents, bien qu'en commençant, c'était davantage à cause d'eux... » C'était une vraie punition ses leçons de piano au début, je boudais, un vrai sale gosse. Puis j'ai commencé à apprécier et maintenant je les remercie. « J'ai arrêté quelques années plus tard puis j'ai repris il y a quelques mois, quand mon père est mort. » Ces derniers mots m'échappent, et je ne sais mais alors absolument pas pourquoi j'ai sorti ça. J'essaie d'en parler le moins possible, parce que c'est quelque chose de récent qui me fait mal. Faut croire que ses deux mois à Fake Lover, ça m'a donné le recul nécessaire et m'a aidé à accepter sa mort. Oui, je crois être prêt pour en reparler de nouveau. « Tu joues d'un instrument toi ? »