Je vagabonde. Je réfléchis. Je fais tout ce que je ne devrais pas faire. Et ça me fait froncer les sourcils. Les rides, vous dites ? C'est le dernier de mes soucis. Je ne suis pas encore vieille, je m'inquiéterais en temps et en heure. Pour l'instant, j'en ai tellement en tête et c'est tellement hors de contrôle que je n'ai guère le temps de me préoccuper de quoi que ce soit. Oppressant. Déconcertant. J'ai besoin de m'occuper. Par chance, je me rends compte que j'arrive près de l'auberge. Disons que c'est toujours mieux que rien. Et qu'à défaut d'avoir envier de faire chier tout le monde comme j'aime tant le faire, je songe à simplement me mettre dans le calme. Oui, ça m'arrive parfois. Étonnant, n'est-ce pas ? Je suis plus imprévisible qu'on pourrait le croire, à vrai dire. Ouais, je sème le doute, j'aime bien. Tout ça pour dire que je vais m'allonger sur le comptoir qui se présente à moi. Comment ça, c'est pas fait pour s'étaler de tout son long ? Ça ne va pas m'empêcher de le faire. Je fais toujours ce que je veux, voyons, faut vous mettre à la page. Je me déconnecte pendant un instant. C'est pas comme s'il suffisait d'appuyer sur un bouton afin que mon esprit s'évade, non, c'est pas comme ça. Ça serait sûrement mieux, d'ailleurs, si je pouvais avoir le moindre contrôle. Peu importe. Ouais, peu importe. Le temps passe. Impossible de dire exactement combien de minutes. Ou heures. Tout ce que je sais, c'est que la porte et le bruit significatif de son utilisation me rappellent à l'ordre. Et tandis que je tourne le minois en direction de l'intrus, j'aperçois Joshua. Honnêtement, je ne sais pas si je dois rire ou me renfrogner. « J'ai comme une impression de déjà-vu. » Non, sans blague ? J'aime pas ces impressions. C'est chiant. Un sourire narquois s'installe sur mes lèvres. « Il faut que je demande la permission à qui pour violer tes lèvres, cette fois ? » Remarquez tout de même que je prends la peine de lui poser la question. Je suis adorable, je sais. Cela dit, je ne ressens pas le besoin de revivre exactement le même moment que la dernière fois. Autant innover, n'est-ce pas ? Je suis sûre qu'on peut trouver des choses sympas à faire, tous les deux.

L'auberge ou ce qui me sert de quartier général depuis mon arrivée dans la maison. C'est dans cette pièce que je passe le plus clair de mon temps. Dans la salle de musique pour être plus précis. Pas tout à fait rétabli, je prends soin de m'habiller le plus chaudement possible avant de quitter mon dortoir. Ce serait bête que je choppe un autre virus par dessus celui que j'ai déjà choppé. Enfin, si tant soit peu que cela soit possible. J'approche de la porte d'entrée de l'auberge devant laquelle je fume ma dernière clope. Parce que oui, j'en ai fumé une autre sur le chemin. Il faut dire que les kilomètres qui séparent ma chambre de cet endroit ne me sont pas d'une grande aide, aussi. Comment voulez-vous que je contrôle mon dosage de nicotine quotidien avec des trajets aussi longs que celui-ci ? J'extirpe le mégot d'entre mes lèvres pour venir le jeter sur le sol. Mon pied écrase ce dernier. Oui, je sais, je ne suis qu'un enfoiré de pollueur de première. Greenpeace aurait toutes les raisons du monde de faire de moi son bouc-émissaire. Même si, personnellement, je n'en demande pas tant. Je vide une dernière fois mes poumons, bien entachés maintenant et fais grincer la porte. Les yeux rivés vers le sol, je relève instinctivement la tête et, ô surprise, retrouve l'une de mes anciennes camarades. Zofia aka l'allumeuse. « J'ai comme une impression de déjà-vu. » Non, sérieux ? Moi aussi ! Quelle drôle de coïncidence. « Le retour de Lara Croft ? », dis-je en prenant un air complètement niais. « Il faut que je demande la permission à qui pour violer tes lèvres, cette fois ? » J'émets un léger rire. Il faut dire que depuis notre première rencontre, les choses ont plus ou moins changé, oui. « Quoi ? Tu comptais demander la permission à quelqu'un, cette fois ? » Je bascule la tête de droit à gauche, affichant une mine triste. « Je suis déçu. » Ironie quand tu nous tiens. Je m'approche d'elle et dépose à mon tour un baiser sur ses lèvres- chaste, bien entendu. Ce n'est qu'un bisou, je ne pense pas que Sïana m'en tiendra réellement rigueur. J'ai déjà embrassé la moitié de mes camarades, ici. Pourquoi pas elle ? Encore une fois. « Merde, ça m'avait tellement manqué. », dis-je en portant la main sur mon cœur, toujours aussi cyniquement.

Comment ce moment pourrait ne pas faire écho à celui qui s'est déroulé quelques semaines plus tôt ? Les circonstances se ressemblent tellement. C'est terriblement perturbant. Je n'ai qu'un seul objectif dans l'immédiat et c'est de rester concentrée. Les paroles de Joshua aident, en quelque sorte. Sans doute grâce à son ironie qui me maintient là. Oui, ça m'amuse. Tellement que j'en souris quand il avoue être déçu. C'est lui qui m'a dit de demander la permission si l'idée me reprenait. Je suis suffisamment sage pour lui demander et il est déçu. Ah, décidément. Pas d’inquiétudes, je ne vais pas continuer à être sage bien longtemps. Vous avez déjà remarqué à quel point on se fait chier quand on respecte les règles ? C'est sans doute pour ça que j'aime être plus sauvage. Je ne supporte pas les ordres et je ressens constamment le besoin de contourner les règles, alors, forcément, je vois difficilement comment je pourrais être docile. Soit. La prochaine fois, je ne demanderais pas quoi que ce soit, je me jetterais directement sur lui. Bonne idée, vous ne trouvez pas ? Quoi qu'il en soit, permission ou pas, ça ne l'empêche pas de déposer un baiser sur mes lèvres. Un tout petit et minuscule baiser, en fait. C'était mieux la première fois. Mon sourire s'étire à sa nouvelle réplique, cela dit, je ne réplique rien, je préfère me relever doucement afin de m'installer en tailleur, affichant un air déçu totalement feint. « C'est à mon tour d'être déçue. » que je lui sors donc, presque désabusée. « Pour nos retrouvailles, je pensais que tu allais me sortir le grand jeu. » Et je n'ai le droit qu'à un ridicule baiser chaste. Quelle tristesse. Moi, être en pleine provocation ? Mais jamais, voyons, jamais ! Non, vraiment, vous vous trompez sur la personne, je ne provoque jamais les gens, je suis trop adorable et innocente pour ça. Après, c'est à lui de voir s'il ressent le besoin de me prouver qu'il peut embrasser mieux que ça. Bah quoi ? J'en profite, c'est pas tous les jours qu'on m'embrasse de son plein gré.

Madame ne semble pas ravie. « C'est à mon tour d'être déçue. » Quoi ? Je prends le risque de me choper un herpès en m'aventurant vers ses lèvres et c'est comme ça qu'elle me remercie ? Rabat-joie. « Pour nos retrouvailles, je pensais que tu allais me sortir le grand jeu. » Ah oui, tout de suite plus compréhensible. Maintenant qu'elle s'est redressée, je prends place près d'elle sur le comptoir et joue le pauvre homme peiné. Il faut dire que ce qui lui arrive là est tellement affligeant. Comme lors de notre première rencontre, j'attrape sa pommette comme on l'aurait fait à un petit enfant et tente de paraître le plus compatissant possible. « Mais, chérie, je ne voulais pas te filer ma gastro, tu comprends ? » Parce que oui, j'ai la gastro. Ou la grippe. Et je l'ai embrassée, oui. Roh, c'est bon. Sïana m'a galoché alors que j'étais encore souffrant, elle ne s'en porte pas mal pour autant. On ne va pas chipoter pour si peu quand même, non ? Je lâche violemment sa joue et reprend mon sérieux. « Tu es revenue pour qui, Angie ? » Lara Croft, Angelina Jolie. La prochaine fois, ce sera Paris Hilton, promis. Enfin, soit. Je suppose qu'elle n'a pas fait tout ce chemin pour revisiter les lieux, si ? Il y a forcément quelqu'un qui se cache derrière tous ces kilomètres parcourus. « Tu sais, c'est étrange.. mais j'étais frustré de te voir partir. » Et pour une fois, je suis totalement honnête avec elle. Il faut dire qu'elle m'avait intriguée lors de notre première rencontre et que de la voir s'en aller ainsi m'avait laissé sur ma faim.