Depuis combien de temps suis-je sorti à présent ? Trois semaines ? Je pense que cela fait un mois à un jour ou deux près. Mais qu’est-ce qu’un mois à l’image d’une vie entière ? Pas grand-chose et pourtant je peux vous assurer qu’il s’en est passé des choses en l’espace d’une trentaine de jours. Dois-je mentionner mon fils ? Je me suis rendu à l’adresse donnée par Ana, je l’ai même retrouvée là-bas et nous avons tous les deux longuement discuté avant que je ne prenne mon courage à deux mains pour me rendre devant la porte… J’ai pris peur mais je me suis accroché et j’ai finalement frappé à la porte. C’est une mère de famille moins surprise que moi par cette visite qui m’a ouvert la porte, son mari était au travail mais elle m’a accueilli avec beaucoup de douceur et de tendresse. Nous avons beaucoup discuté tous les deux, j’ai pu rencontrer mon fils et… Et j’ai craqué, je me sens tellement stupide quand j’y repense, j’ai fondu en larmes en découvrant ce morceau de ma vie, la chair de ma chair. Ce fut un moment épuisant aussi bien physiquement que mentalement mais depuis je suis retourné cinq ou six fois le voir, dès que je le peux à vrai dire. Je ne sais pas encore si je dois suivre mon instinct et demander bien plus que cela comme j’avais l’intention de le faire au moment d’entrer dans cette maison… Je doute car je me suis attaché à cette famille et je ne peux pas imaginer les détruire en leur prenant leur fils qui est le mien. Cette femme, Amélia elle s’appelle, est stérile et son rêve de devenir mère est devenu réalité lorsqu’elle est parvenue à adopter mon fils… Difficile de prendre une décision définitive qui ne me fera pas avoir de regrets, vous l’aurez compris. Oh et, pour en rajouter une petite couche, ma grand-mère est la seule personne qui daigne encore m’adresser la parole dans ma famille, ils ont tous très mal pris mon secret, ma bisexualité et globalement ma participation à Fake Lover. Lorsque je suis rentré j’ai retrouvé mes affaires toutes prêtes dans ma caravane, mon père m’a mis un coup de poing quand j’ai tenté de m’expliquer et ma mère m’a demandé de dégager. Au final ma grand-mère a choisi de partir avec moi, une preuve d’amour comme je ne m’attendais plus à en recevoir. Nous n’avons jamais été aussi proches qu’à présent.

L’aventure me parait donc paradoxalement proche et tellement éloignée, c’est un chapitre de ma vie que je pensais avoir définitivement laissé derrière moi. Je pensais avoir tourné la page mais lorsque les producteurs m’ont proposé de revenir le doute s’est immiscé en moi, ma grand-mère a finalement utilisé les bons mots pour me convaincre et j’ai accepté. Voilà pourquoi en ce lundi, fin de journée, je fais mon grand retour dans cette maison que j’ai pris l’habitude de parcourir de haut en bas, du sol en plafond à chaque seconde du jour et de la nuit pendant plus d’un mois d’aventure. C’est dingue les moments que j’ai passé ici, c’est comme s’ils relevaient du fantasme, de l’hallucination alors qu’ils se sont tous produits. Autour de moi rien n’a changé ou presque, c’est dingue non ? Je n’ai pas suivi le prime, si je n’ai pas pu intégrer la maison dimanche c’est justement parce que j’étais sur la route pour acheter un nouveau manège, mon second. J’ai pris un vol immédiatement de la France où j’ai acheté mon manège pour rejoindre l’Australie ensuite. Réflexe ou appétit, je ne sais pas mais toujours est-il que la première pièce que je redécouvre, nostalgique, c’est la cuisine.

Je pourrais raconter ce que j'étais en train de faire juste avant ou encore décrire mon état d'esprit dans de longues lignes en travers et en large, mais la vérité, c'est que ce n'est pas bien important, même pas du tout. Tout ça n'a aucune importance quand je le vois, comme un fantôme surgissant du passé. Sauf que c'est un bon fantôme, Jaheim et ma réaction est proportionnelle à ce que je ressens en le voyant. Je courre vers lui et saute dans ses bras dans un putain d'impact qui fait autant mal que du bien. Je le serre fort contre moi en embrassant plusieurs fois sa joue, tellement heureux de le revoir. Il m'avait manqué le con ! Je savais qu'il m'avait manqué, mais c'est comme si en le voyant j'avais pris conscience à quel point il me manquait. Son départ avait été rude, sans aucune forme de procès, inattendu. Je n'avais pas eu le temps de vraiment lui dire au revoir, pas eu le temps de l'encourager. J'aurais préféré être dehors avant lui, ou partir en même temps que lui lors d'une nomination parce que je n'ai rien oublié moi. J'ai pas oublié à quel point ça allait être dur pour lui de sortir, d'être confronté à la réalité, aux conséquences de tout ce qu'il a entrepris dans cette émission. Et j'aurais aimé être là, être une épaule pour le soutenir sauf que ça n'a pas été le cas. Il a du affronté tout ça seul et je m'en veux. « Mon Jaheim... » Je souffle en enfouissant mon visage dans sa nuque pour lui faire des bisous dans le cou. Rien de sensuel, juste affectueux. « T'aurais pas du affronter tout ça seul, je suis tellement désolé... » Mais je pouvais pas partir de l'émission à ce moment-là, j'avais des trucs à régler... Bon sang je suis tellement content de le revoir, c'est fou ! Dimanche lors du prime, j'ai tellement été déçu de ne pas le voir, et j'avais la crainte qu'il ne revienne pas, la crainte aussi qu'en sortant, le contact allait être difficile. Mais maintenant qu'il est là, tout devient plus simple. « Co...comment ça c'est passé à l'extérieur ? » Je demande un peu confus, du bout des lèvres. J'ai peur de ce qu'il va m'annoncer en fait.

Si je suis revenu c’est pour m’amuser et conclure cette aventure dignement, tout le contraire de ce que j’ai eu l’occasion de faire lors de mon exclusion. Je suis toujours partagé lorsqu’on me demande si je regrette d’avoir dévoilé une partie de mon secret. Bien-sûr que j’aurais aimé que les choses se passent différemment mais pouvais-je humainement tenir quelques semaines encore sans péter un plomb ? Comment aurait-ce été possible de tenir le coup après avoir appris que votre enfant que vous pensiez mort suite à l’avortement de votre ex petite-amie était en réalité vivant et avait été adopté ? Je n’ai personnellement pas encore trouvé de solution à cette question et non, je ne regrette pas ce qu’il s’est passé ensuite car aujourd’hui j’ai l’honneur de connaitre ce morceau de ma vie qui me rendra à jamais fier. Au-delà du simple fait de terminer mon histoire Fake Lover d’une bien meilleure manière que précédemment je n’ai finalement pas refusé l’offre des producteurs car je tenais à revoir certaines personnes, Aaron et Sacha en tête de liste. Ce sont d’ailleurs les deux personnes sur qui je ne suis pas encore tombé, je sais que Sacha est revenu lui aussi et j’aimerais donc pouvoir parler un petit peu avec lui et Aaron… Mon dieu, je suis aussi heureux à l’idée de le retrouver que stressé. Entre nous ça a toujours été étrange mais de l’eau a coulé sous les ponts depuis, aussi bien de mon côté que du sien et je ne sais donc pas s’il y aura une gêne ou quelque chose du genre lorsque nous nous retrouverons pour la première fois.

Je n’aurais finalement pas le temps de m’inquiéter pour cela puisque quelqu’un me saute dans les bras. Un claquement peu douloureux me pousse à reculer d’un ou deux pas pour prendre appui d’un bras sur la table qui se trouve derrière moi afin de ne pas tomber. Je reconnaitrais son parfum parmi des milliers et milliers d’autres, il est là, heureux de me voir, content de me retrouver. Aaron, et mon cœur se met immédiatement à battre la chamade. C’est son petit effet, d’aussi loin que je puisse me souvenir il a toujours eu cet effet sur moi, même lorsqu’il n’était pas question d’ambiguïté. Il est juste... Spécial ! Mes mains se resserrent le long de son dos et je le serre fort, un long sourire se dessine très naturellement sur mes lèvres. Là, voilà comment me faire ressentir le bonheur le plus pur au monde. Il suffit d’une personne dont l’absence vous a réellement impacter jusqu’à maintenant et tout semble aller à nouveau bien. Ce n’est pas le cas bien entendu, mes soucis m’attendent toujours mais cette illusion est plaisante, agréable. « Mon Jaheim... » Ses douces lippes recouvrent ma nuque de baisers qui me rappellent pourquoi en premier lieu j’ai été soumis à d’aussi fortes tentations, j’aurais eu tendance à oublier ce qui m’a poussé à me mettre dans une situation délicate vis-à-vis de ma sexualité et du regard des autres mais à présent je m’en souviens. « Tu viens de décrocher l’award du meilleur accueil au monde, on recommence ? » Que je ne peux m’empêcher de lui demander de mon petit air mutin très naturel. « T'aurais pas du affronter tout ça seul, je suis tellement désolé... » Mes doigts débutent une descente très platonique le long du visage d’Aaron et s’arrêtent au niveau de ses pecs sur lesquels j’exerce une tendre pression pour le faire reculer et pouvoir le regarder, interrogateur. « Co...comment ça c'est passé à l'extérieur ? » Un sourire gêné étire mes lèvres car je sais qu’il va se sentir coupable alors que ce n’est pas entièrement de sa faute, nous étions deux lorsque j’ai commencé à me sentir attiré par lui… Enfin, je pourrais même dire que j’étais seul dans tout cela puisqu’il n’était pas vraiment intéressé au final. Il n’a donc rien à se reprocher. « Ce fut long, intense, compliqué et bordélique… Pour résumer… Je voyage à présent seul avec ma grand-mère, j’ai été en quelque sorte renié par le restant de ma famille… Je suis parti en France me trouver un deuxième manège pour augmenter mes revenus et me remettre aux études pour changer de vie et… J’ai rencontré mon fils ! »

Peut-être que j'aurais du garder une certaine distance vis à vis de son attirance pour moi, mais sur le moment je ne m'en suis pas préoccupé. Tout ce que j'ai vu, c'est quelqu'un dont la présence m'a manqué et forcément je l'ai pris dans mes bras. « Tu viens de décrocher l’award du meilleur accueil au monde, on recommence ? » Il m'arrache un léger rire alors que je le resserre plus fort, comme si je vérifiais qu'il est bien réel. L'excitation redescendu, j'en redeviens vite coupable. Je culpabilise pour pas mal de choses, y a des choses que j'aurais surement pas du faire avec Jaheim c'est évident. Ça du être dur pour lui, la sortie et j'espère sincèrement qu'il va bien. Il a l'air en tout cas, face à moi désormais. Il me raconte tout ce qui s'est passé dans sa vie depuis sa sortie et bon sang qu'il s'en est passé des choses ! Je ne sais pas si je dois le questionner sur sa nouvelle sexualité, son rapport avec sa famille, son nouveau train de vie ou encore la rencontre avec son fils. On avait appris le secret de Jaheim lors de son éviction, alors forcément j'ai pas pu encore en parler avec lui. « Viens, assis-toi ! » Je dis avec un léger sourire en lui offrant une place sur une chaise alors que je m'installe sur celle à côté ensuite. « Ton fils... Il s'appelle comment ? Il a quel âge ? Il possède tes cheveux dorés ? D'après ce petit sourire, ça c'est bien passé... » Oui, malgré tout les problèmes qu'il a évoqué, il a suffit qu'il parle de son fils pour retrouver son sourire. J'ai envie de parler du positif et éviter les choses qui fâchent pour le moment, parce que Jaheim a l'air d'être serein désormais et ça fait du bien à sentir.

Ce qu’il s’est passé dans Fake Lover est quasiment entièrement resté dans l’émission. Ce n’est qu’une fois à l’extérieur que je me suis rendu compte de certaines choses, d’ô combien les sentiments, le besoin d’attention et de tendresse sont accentués. Aaron m’a fait vibrer, il le fait toujours mais de manière nettement plus inférieure. Avec le mois que j’ai passé je n’ai pas vraiment eu le temps de flirter et tout ça mais j’ai néanmoins eu suffisamment de temps pour réfléchir à tout ce qu’il s’est passé, et tout ce qui n’est pas arrivé d’ailleurs. Au final je me suis rendu compte que j’étais devenu mon pire cauchemar en matière de séduction, il me plait et je pense qu’il ne m’en faudrait pas beaucoup de sa part pour retomber dans ses filets mais à présent j’ai tourné la page. Il m’a cruellement manqué mais pas de cette manière, à vrai dire je pense qu’une relation très spéciale est en train de prendre place, elle se construit petit à petit et la fin de cette aventure ne sonnera pas la fin de notre amitié. Oh que non, à moins qu’il ne le demande bien entendu mais j’en doute à le voir me sauter dans les bras de la sorte. Il s’est surement passé plus de trucs pour moi ces dernières semaines que pour lui et c’est pour cela que j’en profite pour lui raconter très rapidement ce qui a rythmé mon quotidien depuis mon élimination. « Viens, assis-toi ! » J’abandonne le plaisant contact de sa peau pour pouvoir trouver une chaise sur laquelle m’asseoir pendant qu’il attrape une chaise qu’il rapproche de moi. « Ton fils... Il s'appelle comment ? Il a quel âge ? Il possède tes cheveux dorés ? D'après ce petit sourire, ça c'est bien passé... » J’esquisse un sourire et je crois même que mes yeux se mettent à pétiller, mon fils est en passe de devenir ma plus grande fierté, je ne le connais pas encore énormément mais à chaque fois que je le vois je relativise et je me rends compte ô combien le fait d’être père me comble de bonheur. « Il s’appelle Caleb, il a eu quatre ans début novembre et il a exactement les mêmes cheveux que moi… Et les mêmes yeux d’après ses parents adoptifs ! Ce fut un moment très riche en émotions mais ça m’a permis de trouver de nouveaux objectifs pour le futur. » Ma vie ne sera plus jamais la même, j’en ai conscience à présent et j’ai décidé de changer pas mal de choses d’ailleurs. « Et toi alors ? J’ai raté quoi depuis mon élimination ? Tu en es où ? »

Je le regarde me parler de son fils avec un sourire attendri, parce que son bonheur est communicatif. Il s'appelle Caleb, quatre ans et serait son portrait caché. Je suis vraiment content pour lui, qu'au moins ça se soit bien passé pour lui. J'imagine pas ce qu'il a pu vivre de l'autre côté de sa famille mais il a l'air de s'en être relevé, et c'est bien le principal.  « Alors t'es heureux, dans cette nouvelle vie ? » Je demande parce que je peux pas m'empêcher de vouloir m'en assurer, en pensant qu'il n'y a aucun tabou entre nous, qu'il peut tout me dire librement. Je fais référence un peu à tout en fait, à sa nouvelle notoriété, à son nouveau rôle de papa bien que pour ça, j'ai la réponse, à cette vie sans sa famille bien que j'espère qu'avec le temps, ils l'accepteront tel qu'il est... à sa nouvelle sexualité également. Je me demande en fait si c'est passager, si ça ne tient qu'à moi ou si en dehors, il a bien été attiré par d'autres hommes... Je suis certain que beaucoup d'hommes en voyant l'émission ont voulu lui faire découvrir les plaisirs masculins hm. « Et toi alors ? J’ai raté quoi depuis mon élimination ? Tu en es où ? » J'esquisse un sourire, dans le genre bien sarcastique. Où j'en suis hein... C'est une bonne question. « Je crois que ça va mieux maintenant... Je me sens mieux, j'ai accepté certaines choses, tenté de faire la paix... Cette aventure va bientôt se terminer, mais ce sera sur une note positive... Je l'espère. » Disons que je suis pas à l'abri, il reste encore deux semaines puisque pour moi, l'aventure se termina officiellement lorsque je partirais d'ici et pas lorsque je serais officiellement éliminé.