L'avantage de la chaleur de Los Angeles était là, un maillot de bain suffisait largement à passer l'après-midi au bord du lac. Les garçons se dénudaient légèrement, exhibant des torses plus ou moins fermes. Les filles toutes mieux gaulées les unes que les autres jouaient les prudes au moment de la douche et pourtant n'hésitaient pas à arborer des maillots affriolants. Toute l'hypocrisie de la société se réunissant alors autour du lac qui leur servait de baignoire. Ranja se demandait à chaque fois qu'elle se savonnait si c'était bon pour la faune et la flore du lac de flirter avec les produits hygiéniques humains. Est-ce qu'ils sont en train de participer à l'assassinat d'un éco-système ? Boarf, après tout elle voyage en jet privé toute l'année pour parcourir le globe à la rencontre de clients, alors son impact écologique n'est plus à ça près, c'est pas la mort de quelques algues et quelques poissons qui vont entacher son karma. Sur la rive, la berge, appelez ça comme vous le sentez, un des gros bras de cette saison se promène. Du moins il erre en solitaire. Ranja se hisse sur ses longues jambes, déterminée à rompre sa solitude, elle enfile son unique tee-shirt, encore humide d'avoir été lavé il y a deux heures et laissé à sécher au soleil tapant de l'après-midi et part à sa rencontre. Clarke n'est pas vraiment son style de mec, elle ne lui nie pas un certain charme, un regard particulièrement électrisant, mais physiquement elle ne le trouve pas plus attirant que ça. Son affaire c'est plus les norvégiens de près de deux mètres, blonds comme les blés, mais ça manque cruellement au casting alors tant pis. « Hé Clarke attend ! » qu'elle crie espérant l'interpeler alors qu'il lui tourne le dos et qu'il est à une cinquantaine de mètres devant elle. Au pas de course elle le rattrape, légèrement essoufflée mais pas hors d'haleine elle continue d'avancer à son rythme histoire de ne pas le ralentir en plus de l'importuner. « J'espère que tu avais pas besoin de solitude, parce que sinon c'est trop tard ! » C'est qu'elle est pragmatique et observatrice la Ranja. Non, mais elle ne veut pas s'imposer, si elle le dérange, elle retournera lézarder sur les abords du lac et ne s'en formalisera pas. Pas trop du moins.

On ne pouvait pas dire qu'il y avait grand chose à faire par ici. Les abysses auraient peut-être du s'appeler "le néant", oui, il me semble que ça aurait été même plus approprié. Heureusement pour moi je n'étais pas non plus du genre à m'ennuyer, non, j'avais même décidé de m'attaquer à la construction d'un tabouret. Loin d'être de grand luxe, je m'étais dit que sa présence ne pourrait que ravir les plus fainéants. Pour être tout à fait honnête, je n'avais pas l'impression d'être encore totalement dans le jeu, comme si cet entre deux me laissait constamment un pied dehors. J'avais pourtant conscience que pour faire ses preuves, il faudrait que je m'impose un petit peu plus au sein du groupe, et pourtant, je savais également que ça n'était pas dans mon caractère. C'était donc seul que j'étais parti à la recherche de bouts de bois pour entamer la construction de ce fameux tabouret. Je me demandais encore comment j'allais m'y prendre, mais étais déjà plus ou moins certain de réussir. Après tout, j'avais pour métier de construire et aménager des cages d'animaux parfois bien plus gros et inventifs que l'être humain, alors je me disais qu'un simple tabouret pourrait largement être à ma portée. Mes pas m'avaient finalement guidé jusqu'au lac. Il devait probablement y avoir quelques bouts de bois égarés dans le coin, et assez épais pour faire la structure même de l'assise. Mes prunelles longeaient ainsi le sol à la recherche de la perle rare, sans franchement trouver de quoi les contenter. Au lieu de ça, j'avais rapidement remarqué la présence d'une jeune femme à mes côtés, que je n'avais pour ainsi dire pas entendu arriver. Un infime sourire étira mes lèvres alors que je prenais la parole. « A vrai dire, je cherchais de quoi construire un tabouret. » Un tabouret, un seul, il ne fallait pas pousser le bouchon non plus. Déposant mon regard dans celui de la blonde, je tentais de me souvenir de comment elle pouvait bien s'appeler, en vain. « Excuse moi, je crois que j'ai oublié ton prénom. » J'avais toujours eu beaucoup de mal à retenir les prénoms des uns et des autres, et cette aventure n'allait clairement pas changer ce détail.

Construire un tabouret ? Ouais c'est une assez bonne idée. Ranja aurait dû y penser, être assise à même le sol ou sur la table quand personne ne l'occupait est devenu une habitude. Son fessier a presque commencé à se faire à l'idée que plus jamais il ne serait niché dans le confort moelleux d'un fauteuil. Le tabouret lui apparaît maintenant comme une brillante invention qu'elle aurait mieux fait de reproduire à son tour. Mais non, trop occupée à faire connaissance avec des candidats potentiels et à ne pas mourir de faim, d'inconfort ou d'impatience, elle n'a tout simplement pas songé à tenter d'améliorer elle-même sa condition. « Un tabouret hein ? Ingénieux. T'aurais peut-être dû avoir l'idée lundi ou mardi, t'auras pas le temps d'en profiter vraiment d'ici dimanche... » remarque-t-elle néanmoins, parce que le pauvre Clarke risque de passer des heures à travailler sur un meuble qu'il n'utilisera qu'assez peu. Après tout, c'est son choix et puis au moins lui aura le temps de se réhabituer à la position assise traditionnelle avant d'entrer dans le nid d'amour de Cupidon. « Y a pas de mal, c'est Ranja. » précise une Ranja pas vexée pour un sou. Ils sont tous dans le même état, elle a retenu son nom parce qu'elle aime ses yeux et que même s'ils n'ont pas eu le temps de parler vraiment, elle l'a remarqué. Elle n'a jamais eu de problèmes avec les prénoms, c'est un avantage considérable dans cette situation mais franchement inutile dans la vie quotidienne. « Tu fais quoi dans la vie ? » Ranja demande ça avec tout le naturel du monde. Il n'y a pas de mal à demander et puis c'est une façon de faire connaissance, de cerner les centres d'intérêts de ses futurs concurrents. Et puis... et puis il n'y avait pas tant de choses à faire que de s'intéresser aux autres pendant cette ultime semaine de casting.

Un tabouret. C'était à peu près la seule chose qui m'avait traversé l'esprit jusqu'ici. J'aurais pu construire un siège ou un banc si j'avais eu un peu plus de temps devant moi, mais bon, j'allais me contenter de cette maigre assise. La jeune femme me faisait cependant remarquer que j'aurais pu y penser avant, insinuant que je n'aurais donc pas le temps d'en profiter et pour le coup elle n'avait pas tout à fait tord. Nous étions déjà vendredi, et la construction de celui ci risquait de me manger une bonne partie de ma soirée, si je n'abandonnais pas la tâche avant de l'avoir finalisé. « Ça n'est pas franchement important. » soulignais-je avec mon calme habituel alors que mes prunelles longeaient le visage de la candidate. « Je ne le fais pas particulièrement pour moi... Et puis ça n'est pas comme si j'avais d'autres choses à faire en ce moment. » Clairement pas même, puisque les abysses ne brillaient pas dans la diversité des décors proposés. Ou peut-être n'avais-je simplement pas assez d'imagination à ce moment précis, ce qui était également probable. La jeune femme s'appelait donc Ranja, et si j'avais déjà pu en déduire qu'elle n'était pas du coin, son nom ne faisait que me le rappeler. Pas le temps de lui demander d'où elle venait cependant, puisqu'elle reprenait déjà la parole, me demandant ce que je pouvais bien faire dans la vie. « Je suis quelqu'un de manuel. » repris-je comme s'il s'agissait d'un métier à part entière. Autant préciser un peu plus mes pensées. « Tu vois les enclos des animaux dans les zoo, les arbres, les maisonnettes, les échelles. C'est mon métier. » Aménager un maximum pour que l'animal se sente à sa place et n'ait pas à se plaindre. « T'as le droit de trouver ça étrange, tu ne serais pas la première. » ajoutais-je en un demi sourire avant de me baisser pour attraper un bout de bois qui me semblait assez costaux. Me relevant, la paume de ma main droite vint à la rencontre de ma nuque tandis que je reprenais la parole. « T'as pas l'air d'être du genre à jouer les aventurières en pleine forêt, tu viens d'où ? » Ça n'était qu'une simple déduction, puisqu'au final, peu d'entre nous l'étaient réellement.

Clarke a l'air d'être un gars assez altruiste, pour qu'il soit prêt à passer sa fin de journée à construire un tabouret dont il ne se servira peut-être pas assez pour rembourser l'investissement de temps mis dans la construction. Mais Ranja n'aime pas tellement que les gens sacrifient leur énergie pour le reste de la communauté qui n'aurait probablement pas levé le petit doigt pour eux. « Te tue pas trop à la tâche, les gens sont ingrats. » lui suggère-t-elle gentiment. Elle ne voit rien de mal dans son geste, elle préfère juste le prévenir, dans son monde les gens attendent toujours quelque chose en retour d'un service et s'il attend quelque chose de la part des autres candidats, il risque d'être déçu. Alors qu'il répond à sa question, elle sourit. « Ça en fait au moins un parmi nous. » plaide-t-elle coupable de ne pas savoir construire autre chose qu'un jeu de construction avec son fils quand il est d'humeur à empiler des briques en bois. Les travaux manuels ne l'ont jamais attirée, peut-être parce qu'elle a été considérée comme trop précieuse pour ça, peut-être tout simplement parce que son cerveau est plus analytique que pratique. Elle l'ignore, le fait est qu'elle serait bien infichue de construire un tabouret si sa vie en dépendait. « Je vois, je suis pas une grande habituée des zoos, mais je vois. » répond Ranja quelque peu impressionnée. Il doit fréquenter des animaux relativement dangereux, ce n'est pas un boulot à mettre entre les mains de n'importe qui. En dehors des chevaux, des chiens et des chats, Ranja ne fréquente que très peu le monde animalier. Plus par peur de l'imprévisibilité des bêtes que par manque d'intérêt, elle n'aime juste pas être surprise.« Étrange ? Pourquoi ? Ça n'a rien de plus étrange que lorsque je m'occupe des comptes d'une entreprise. » s'étonne-t-elle, presque choquée par l'idée que quelqu'un puisse trouver étrange que ce soit le métier d'un garçon comme Clarke. Il faut bien que quelqu'un s'occupe de ce genre de choses et ça a probablement un lien avec un amour des bêtes profond. Non, vraiment, il n'y a rien de drôle dans cette révélation. Pour ce qui est des talents d'aventurière de Ranja... Il a vu juste, mais elle ne l'avouera pas, préférant en rire. « Je suis une aventurière à ma manière figures-toi ! Il m'arrive même de faire les soldes et ça c'est la jungle urbaine ! Non, non je plaisante. Je suis une vraie new-yorkaise, d'origine danoise, mais je passe le plus clair de mon temps à l'étranger. Et toi tu t'occupes de quel zoo ?  » s'enquit-elle vraiment intéressée par ce qu'il fait. Elle aimerait avoir le cran de fréquenter un tigre, un lion ou même un animal plus inoffensif. Mais c'est le genre de chose qu'elle voit plus souvent à la télé qu'en réalité. La dernière fois qu'elle a vu des animaux en captivité c'était pour les deux ans de Lauridtz au Central Park Zoo. Penser à son môme lui pique la gorge et brûle les yeux, d'un sourire elle préfère enterrer cette pensée avant qu'elle ne lui arrache une larme.

Il ne s'agissait même pas de faire plaisir à qui que ce soit en réalité, seulement de tuer le temps jusqu'à Dimanche. Qu'on se le dise, je trouvais plus ou moins toujours de quoi me tenir occupé et que l'activité soit intéressante ou non, j'étais un perfectionniste aimant finaliser le moindre projet que j'entreprenais. Ranja me signifiait de ne pas trop me tuer à la tâche, et un sourire venait étirer mes lèvres. C'était probablement la première qui s'inquiétait de mon sort depuis le début du jeu, bien que je me doutais que ça n'en était pas vraiment le cas. Il était de toute façon encore trop tôt pour s'attacher à qui que ce soit, du moins c'était ce que je m'étais répété tout au long de cette semaine. Il m'en fallait bien plus. « Je te rassure, ça n'est pas pour eux en particulier, non plus. » m'amusais-je accompagné de mon calme naturel. Elle souhaitait donc savoir ce que je faisais dans la vie, et à vrai dire, la première chose que j'avais trouvé à lui répondre était le fait d'être quelqu'un de manuel. Si certains préféraient attendre que d'autres s'attellent aux sales tâches, je n'avais jamais trop de mal à m'exécuter, du moins tant que cela touchait au domaine du créatif. Je n'étais clairement pas un esclave non plus, n'exagérons rien. « Tu n'as jamais rien construit de concret, de matériel ? » m'étonnais-je en arquant un sourcil alors que mes yeux continuaient de dévisager la jeune femme, bien malgré moi. C'était plus fort que moi, lorsque je parlais à quelqu'un, il fallait obligatoirement que je pose mes yeux dessus, une forme de respect je suppose. Certains me disaient que ça les mettaient mal à l'aise, mais à mes yeux, c'était tout simplement normal. « Tu fréquentes quels endroits, en règles générales ? » repris-je une fois qu'elle précisait qu'elle ne fréquentait que peu, voire pas les zoos. Il faut dire que c'était un endroit plus ou moins privilégié par les familles, et la jeune femme me paraissait encore bien jeune pour avoir des enfants -enfin, tout était possible, je ne la connaissais pas après tout. Je ne pouvais cependant m'empêcher de préciser que mon métier était étrange, probablement pour prendre les devants sur ce qu'elle pourrait ajouter par la suite. Sauf qu'à ma grande surprise, ça n'était pas ainsi qu'elle le définissait. « Les gens ont souvent tendance à dire que c'est un métier qui ne nécessite pas grandes capacités. » et c'était faux, simplement ça n'était pas ce que l'on considérait "haut placé" dans notre société. Mon père n'appréciait d'ailleurs pas que j'ai choisi ce destin là, lui qui imaginait évidemment le mieux pour son fils. J'étais pourtant loin d'être mal loti. Un rire finit par s'échapper de mes lèvres lorsqu'elle précisa qu'elle était une aventurière, du moins à sa manière. « Je dois t'avouer avoir horreur des centre-villes. Tu ne trouves pas ça trop oppressant parfois ? » D'autant plus si elle voyageait beaucoup. « San Francisco, mais j'habite légèrement à l'extérieur de la ville. » Ça me permettait ainsi de respirer, même si la circulation était plus ou moins toujours un enfer. Je savais que si je prenais un logement sur place, j'aurais beaucoup de mal à le vivre. Déposant les premiers morceaux de bois que j'avais trouvé dans un coin, je me murmurais plus à moi-même qu'autre chose « Ça devrait le faire... » Après tout, ça ne demandait pas tant de bois que ça au final, un tabouret. Un seul. Une idée d'ailleurs plutôt stupide lorsque l'on y repensait après coup.

La question fatidique, est-ce qu'elle a déjà construit quelque chose. Aider des gens à bâtir un empire financier ça compte ? se demande Ranja une moue indécise sur le visage. Après une courte réflexion elle doit bien avouer qu'en dehors d'un ou deux projets artistiques pendant qu'elle était élève ou un porte stylo en classe de travaux pratiques, elle est un peu short en terme de construction. « Si tu considères les travaux manuels qu'on fait pendant sa scolarité, oui. Sinon... non. » Il y a bien les jouets de son fils qu'elle a monté, et une fois une table en kit avec une copine de lycée, mais ça ne compte pas, surtout quand c'est l'aide de maison qui a fini par se coller à la tâche. Clarke n'est pas à court de questions problématiques. Ranja a essayé de ne pas se faire juger sur sa richesse, sur son style de vie, parce qu'elle ne veut pas qu'on la voit comme le stéréotype de la fille mondaine, pédante et prétentieuse et imbue d'elle-même classique. Mais elle tient à être honnête avec Clarke, il lui a avoué son métier même si certaines personnes ont l'air de l'avoir pensé légèrement débilitant, elle ne voit pas de raison de mentir. Après tout, s'il la juge ce n'est pas la fin du monde. « Ça dépend pour quoi, si c'est pour moi et mes amis, ou mes clients, c'est généralement des magasins, des restaurants, des musées. Si c'est avec mon fils, c'est plus des parcs, des bibliothèques, des zones de divertissement pour enfant en bas-âge. Mais si je suis seule je préfère les endroits calmes. » Son appartement en plein Manhattan, les chambres d'hôtel, les salons privés dans les magasins de luxe. Pas qu'elle ne veuille pas se mélanger au peuple, au contraire, elle aime juste profiter des privilèges que lui offre l'argent qu'elle dépense. Mais son endroit préféré, celui qu'elle chérit par dessus tout, c'est auprès de son fils. Ça elle ne le dira pas, parce qu'elle ne veut pas que les gens s'apitoient sur la mère éloignée de son bébé, parce qu'elle ne veut pas qu'on lui pose trop de questions au risque de devenir sentimentale. « Je suppose que c'est pas le métier qui en jette le plus sur papier, mais ça veut pas dire qu'il ne faut pas des compétences bien spécifiques. Enfin j'en sais rien, je ne suis pas une experte en la matière... » répond-elle en se demandant si les gens étaient vraiment à ce point méprisants. Est-ce qu'aux yeux du monde seuls les métiers clinquants avaient une valeur ? Probablement dans son monde à elle. Mais elle a toujours considéré plus difficile le travail de ses employés que le sien. Vivre pour servir quelqu'un, ou pour servir les animaux dans le cas de Clarke, c'est aussi, sinon plus, noble que le métier d'avocat ou de chirurgien. Concernant les centre-villes elle ne sait pas trop quoi dire... Elle réfléchit pendant qu'elle foule le sol d'un pas lent et léger. « Hum... parfois peut-être. En général j'y vis une espèce de catharsis où la foule me fait oublier mes petits soucis du quotidien. Je suis une vraie citadine. » confesse-t-elle presque désolée de devoir contredire son interlocuteur. Elle ne veut pas se sentir trop différente de lui, parce qu'au début d'une relation -parce qu'ils sont tous en train de créer des relations aussi éphémères soient-elles- c'est sur les points communs qu'on s'accroche le plus.« Je n'y suis jamais allée. Bon en même temps les chances que j'ai fréquenté le seul zoo sur Terre où tu travailles étaient plutôt minces, mais ça aurait été une heureuse coïncidence ! » sourit-elle. On dit souvent que le monde est petit, pour le parcourir en permanence, Ranja ne saurait être plus d'accord, mais de là à ce qu'elle ait côtoyé le zoo dont Clarke est employé, fallait pas pousser. Lorsqu'il estime avoir ramassé assez de bois, elle le croit, c'est pas comme si elle allait le contredire de toute façon. « C'est toi l'expert, je ne suis que spectatrice. » déclare une Ranja enjouée, en lui prenant des mains deux bûches qui semblent solides mais qui sont les plus légères.« T'emballes pas, c'est là toute l'aide que je peux t'apporter ! » explique-t-elle en riant de son rire cristallin. Ouais, Ranja est pleine de bonne volonté quand elle veut.

On ne pouvait pas dire que j'avais eu de la chance lors de la tombola puisque Sayid m'avait tiré à peu près la seule chose sur laquelle je ne voulais pas tomber. De ce fait, je devais passer le restant de ma semaine torse nu, autant vous dire que j'avais manqué d'attraper froid la nuit dernière, heureusement que le brun m'avait cédé le sac de couchage. Je n'étais pourtant pas de ceux qui attrapaient mal facilement, mais pour le coup, autant il pouvait faire particulièrement chaud en journée, autant les abysses n'étaient pas réputées pour être chaleureuses lorsque la nuit tombait. Heureusement pour moi, personne ne semblait se plaindre de ma situation... Enfin, pour le coup c'était plutôt moi qui devait me plaindre. Je me demandais tout de même ce qu'il se serait passé si ma poisse actuelle s'était reportée sur une femme, parce que bon, ils n'allaient pas demander à une femme de rester en, hm... exposition (?), tout une semaine, ça serait cruel. bref, toujours est-il que Ranja avait eu de la chance, bien qu'elle avait tout de même décidé de tout enlever de son propre chef. J'aurais bien vu ça comme un acte de compassion, si ça ne lui avait pas été imposé. Ça en disait cependant long sur son aisance, puisque je n'aurais probablement jamais osé le faire de moi-même. « Alors on va dire que non. » m'amusais-je en imaginant ce que l'on faisait encore en école primaire, autant vous dire que ça n'était pas la joie. Non, moi je parlais de réelle choses... même un meuble Ikéa pouvait faire l'affaire. Pardon, pas de marque. « Tu as un enfant ? » rebondis-je en l'écoutant, quelque peu bêtement d'ailleurs puisqu'elle venait plus ou moins de le dire. Mais ça m'étonnait, elle avait l'air d'avoir à peu près le même âge que moi, comme quoi certains étaient plus en avance que d'autres, hm. Cela dit, il ne me tardait pas non plus d'en avoir. Je n'étais même pas certain d'en vouloir. « Non, tu as raison. » Il fallait en effet être plutôt flexible dans mon métier, et surtout, ne pas être maladroit. Ça m'arrivait évidemment de l'être, comme tout le monde, mais j'arrivais plus ou moins à me maitriser. Elle rajoutait que la foule avait tendance à lui faire oublier ses soucis quotidiens. J'avais beau tenté de m'imaginer à sa place, ça n'était pas franchement la même impression que je ressentais. « Pour moi, ça en deviendrait un, de problème quotidien. » haussant les épaules, je déposais donc les morceaux de bois alors qu'elle reprenait la parole, me disant qu'elle n'était jamais allée au zoo où je travaillais, ce qui me fit rire. « Dans tous les cas, tu m'aurais probablement oublié aussi vite, alors ça ne change pas grand chose. » Parce que je ne marquais pas souvent les esprits, il fallait bien se l'avouer, moi qui restais souvent en retrait, qui ne cherchait pas franchement à attirer les projecteurs. Là dessus, elle attrapa les morceaux de bois en me signalant que c'était là toute l'aide qu'elle pouvait me fournir. « Sans me vanter, je pense pouvoir dire que je n'en ai pas besoin de plus. » lui dis-je en un léger sourire tout indiquant un coin d'herbe non loin. « Ça devrait être plus agréable à monter vers là bas. » Histoire de ne pas s'asseoir à même la terre.

Il tranche en sa défaveur. Voilà, elle n'a jamais construit quoique ce soit de ses propres mains. Elle est reléguée au rang d'incapable et d'empotée. Dommage. C'est vraiment trop bête il a tué dans l'oeuf tous ses espoirs de devenir un jour une parfaite femme des bois. « Damn ! J'ai vraiment cru que j'avais une chance d'être la version féminine de Robinson Crusoé. Tu m'as ôté tout espoir. » rigole-t-elle en adoptant une posture typique des représentations de tragédies grecques. Elle se moque d'elle-même, des clichés qu'on lui colle. Oui elle va souvent au théâtre, à l'opéra. Elle en a développé un sens de la copie qu'elle utilise avec parcimonie, pour rire. Et Ranja trouve qu'aujourd'hui est une bonne occasion de jouer les femmes harcelée par un destin funeste. Quand il relève son statut de mère elle ne peut s'empêcher de sourire en voyant l'image de son fils s'imposer à son esprit. « Oui, un garçon, le seul que j'aurais jamais, je refuse de repasser par l'accouchement. Et je te conseille de ne jamais accompagner une femme pendant cette épreuve. Il y a des choses que tu ne veux pas voir, fais moi confiance. » Ranja ne plaisante qu'à moitié. Elle n'a jamais voulu qu'un enfant de toute façon, mais les huit heures en salle d'accouchement ont été parmi les plus désagréables de sa vie, et c'était pas uniquement parce qu'elle souffrait, mais aussi parce que contrairement à une majorité de femme elle avait plus l'impression d'être assise sur un caisson de dynamite qu'autre chose. Et même la joie après la naissance de Lauridtz n'a pas suffi à effacer de sa mémoire les heures de torture. « Dans ce cas c'est une bonne chose que tu aies fait un choix de vie qui s'accorde avec tes goûts. Il n'y a rien de plus triste que de ne pas pouvoir vivre dans un environnement qui nous convient je trouve. » répond-elle quand Clarke admet que pour lui fréquenter le centre-ville serait un mal quotidien. Ranja n'est pas engagée politiquement, elle n'a aucunement envie de se dire libérale ou démocrate, de droite ou de gauche. Elle aimerait seulement que les gens puissent vivre dans le milieu qu'ils souhaitent, que s'ils ont envie de vivre à la ville le prix des loyers ne soit pas un obstacle. Mais ses convictions sont comme toujours très personnelles et ont des limites, probablement un peu hypocrites. Elle ne veut pas en effet que n'importe qui puisse vivre dans ses cercles de connaissances, elle estime qu'elle a travaillé -malgré sa naissance avantageuse- pour mériter le droit d'évoluer dans les hautes sphères. Revenant au sujet du zoo, Ranja sourit. « Peut-être, peut-être pas. » mutine-t-elle, assez sûre qu'elle n'aurait pas oublié ses yeux sans pour autant en être absolument certaine qu'elle aurait su les replacer dans le contexte. Ils continuent de marcher et quand Clarke lui dit qu'ils vont s'installer plus loin, Ranja ne ronchonne pas, malgré le poids des morceaux de bois.« Je ne serai impressionnée qu'une fois que tu auras réussi à transformer ces morceaux de bois en une structure solide. Alors sors la baguette magique et épate moi ! » dit une Ranja enjouée en se laissant tomber au sol après avoir déposé les tronçons à côté de ceux de Clarke. Assise à un mètre ou deux de lui, elle le laisse faire, elle ne va pas intervenir elle ne ferait que le retarder et lui compliquer la tâche. Mais elle peut le distraire pendant son labeur volontaire. « Torse nu, des bouts de bois à la main. Tu veux jouer le rôle du bûcheron dans un film c'est ça avoue ! » plaisante-t-elle, quoiqu'étant assez sérieuse. Il a un corps plutôt agréable, un joli visage, des yeux remarquables. S'il sait jouer et qu'il se lasse de son job au zoo il pourrait toujours tenter une reconversion dans le cinéma.