La journée s'était déroulée comme celle d'avant. Une journée très calme, mais pas si reposante que ça. Surtout après avoir baigné dans l'eau froide du lac et avoir dû aller très loin pour trouver de la nourriture ainsi que de l'eau. Il venait tout juste de revenir de la plaine, là où il avait eu envie de se reposer pendant une petite demie heure. Il tentait de s'occuper comme il pouvait, l'entraide était importante, mais il préférait être seul et quand il en avait envie parler aux autres. Un loup solitaire, qui pouvait s'intégrer et tout à coup disparaître sans laisser de trace. Il était tel un petit serpent, voulant planter ses crocs dans ses pauvres victimes qu'étaient les potentiels candidats. Il allait aller se reposer tranquillement dans sa tête, quand il vit Imma. C'était la femme qu'il avait rencontré lors de la première soirée. Elle l'avait tout de suite intrigué et elle l'intriguait toujours d'ailleurs. Il n'avait pas trop eu l'occasion de lui parler et là elle était seule, près du feu de camp. Addil était obligé d'aller la voir pour lui parler et en savoir plus sur cette jeune femme si mystérieuse. L'aventurier d'une semaine avait envie de percer les quelques mystères qui devaient l'entourer. Il vint s'asseoir juste à côté d'elle toujours avec un léger sourire sur le coin des lèvres. Ce sourire en coin était sûrement la marque de fabrique du jeune homme. « Tu es encore seule. Peut-être que je te dérange ? » demande t-il d'une voix calme. Il savait qu'avec des personnes comme elle il fallait être plus calme. Oui il était peut-être un peu moqueur, il aimait taquiner, d'ailleurs c'est pour cela qu'on l'appréciait.

Devant le feu, Imma grignote un petit bout de pain qu’elle tient fermement entre ses mains. Comme un écureuil venant de retrouver une noisette. Pour seul spectacle le feu devant elle, elle se laisse surprendre à fredonner une espèce de comptine d’enfance, la rapprochant en quelques sortes de sa maman à des millions de kilomètres de là. Celle que se chante pour se rassurer quand elle est seule. Elle est jeune Imma. Elle n’a que dix-neuf ans. Finissant son bout de pain, elle voit arriver vers elle Addil à travers le feu fumant légèrement. Avalant sa salive, elle se redresse légèrement. Et puis elle tourne son visage et suit de son grand regard l’évolution du jeune homme jusqu’à ce qu’il soit à côté d’elle. Elle ne va certainement pas se caché ou disparaître. Imma aime la solitude, mais elle aime aussi les conversations. Même à sens unique. Surtout à sens unique. Elle esquisse un léger sourire amusé, plaçant derrière son oreille une mèche de cheveux. « Oui. J’aime bien ça. » Elle souffle à son attention, sa voix basse pour être certaine qu’il soit le seul à l’entendre. Le seul avec les ingénieurs son. Posant ses mains deux secondes sur ses genoux, elle bouge sa tête de droite à gauche pour lui signifier que non, il ne dérangeait pas. Même pas du tout. Au-delà du fait qu’il soit agréable à regarder, il avait été très gentil le soir du « prime ». Elle lui adresse un nouveau sourire, continuant de le scruter du regard. « Tu peux me parler. » Qu’elle souffle, pas plus comme un ordre que le suppliant. Elle adore écouter les autres parler, d’eux, de tout, de rien. Il fera la conversation pour eux deux et c’est ainsi que ça lui plait.

Addil trouvait que la jeune femme avait une meilleure mine. Lors du prime il avait pu la voir au bord de l'évanouissement. D'ailleurs il s'en était même amusé, en la taquinant un petit peu et il avait remarqué que la femme au prénom d'Imma ne l'avait pas mal pris. De plus il voyait bien que sa présence n'était pas dérangeate et de toute façon, même si elle n'aurait pas voulu de lui, il serait tout de même resté. Cette question était inutile, juste une histoire de banalité. Il s'assoit juste à côté d'elle toujours avec son éternel sourire sur le coin du visage. « Tu es si discrète. J'ai l'impression que tu aimes rester effacée. Les filles comme toi m'ont toujours intrigué. » dit-il en plongeant son regard dans le sien. Histoire de tenter de la déstabiliser un petit peu ? pour qu'elle réponde peut-être à ses quelques questions qu'il avait en tête. En vérité ce jeu de regard pouvait ne pas fonctionner du tout. « J'ai l'autorisation d'en savoir plus sur toi ? » demande t-il en laissant échapper un léger soupir. Elle était si calme, elle était tel un animal de la savane. Elle se cachait, mais à tout moment elle pouvait surgir pour attaquer. Pour lui elle était un prédateur et il était vraiment intrigué. Depuis le départ il avait dit qu'elle était une candidate intéressante, à la fois discrète et mystérieuse, sa chevelure qui ressemblait à la crinière d'un zebre l'avait tout de suite interpellé.

Imma a rapidement compris que dans ce jeu – même si pas encore réellement commencé – sa discrétion serait un défaut. Elle n’aime pas parler et a du mal à aller vers les autres. Pourtant, elle n’est pas une mordue de solitude, pas tout le temps en tout cas. De temps en temps elle aime être seule, mais lorsque le jeune homme vient s’asseoir à ses côté, elle n’hésite pas à l’accueillir. Il ne la dérange pas du tout. Il peut rester auprès d’elle autant de temps qu’il le souhaite même. Elle n’irait pas le chasser. Et même si elle n’aime pas être le centre de la conversation, elle ne peut l’envoyer paître sans réponse. « Je ne m’impose pas. » Elle ne force pas son caractère. Elle ne cherche pas à attirer les regards et les caméras sur elle. Elle reste égale à elle-même, avec ses quelques qualités et tous ses défauts. Dont celui de ne parler qu’à peine, efficacement. Pas besoin de faire de longues phrases pour ne rien dire - elle déteste ça d’ailleurs – elle va à l’essentiel. Si on lui demande son prénom, elle donne son prénom point. Elle n’extrapolera pas sur la possible signification de son prénom, sa place dans la culture de son pays, si c’est un prénom répandu ou non. Imma, point. Elle baisse instinctivement ses yeux lors ceux-ci se perdirent trop dans ceux d’Addil. C’est pourtant ce qu’elle aime, les jeux de regards qui en disent plus long que de vulgaires paroles. Pour autant, la regarder trop dans les yeux la déstabilise. Si c’est son but en le faisant et en lui demandant d’en savoir plus sur elle, c’est réussi. Elle fronce doucement ses sourcils, grimaçant légèrement. Elle n’a pas envie de parler, c’est lui qui doit le faire. Elle le lui a en quelque sorte demandée comme un service, essayant d’imposer ce dont elle a envie. Ce n’est pas pour parler d’elle. « Je… Non, toi. Parle s’il te plait. » Qu’elle retente, toujours aussi doucement et poliment. Elle veut écouter quelqu’un lui parler, même de la pluit et du beau temps. Elle est toute disposée à l’écouter.

Addil ne lui ressemble pas, il est le contraire d'elle.Il aime prendre la parole, il écoute beaucoup, oui son métier c'est d'être à l'écoute, mais il adore parler. Parfois parler pour ne rien dire, mais les silences il en avait peur. Il se revoyait durant son enfance, seul dans sa chambre à jouer de longues heures et écouter le son de sa propre voix. Cette seule voix qui comblait le silence pour qu'il se sente un peu moins seul. Ce souvenir hantait sa mémoire et jamais il ne pourrait le défaire de celle-ci. Sa voix est calme et douce, il penche doucement son oreille pour tenter de l'entendre. En baissant le regard il a su qu'il l'avait déstabilisé et étrangement il n'était pas content de l'avoir fait. Cette fille est discrète, mais elle dégage une sorte d'aura, de charisme qui attirait tout de suite l'attention sur elle. Elle ne voulait pas parler. Est-ce que Addil devait la laisser gagner ? Mais il ne voulait pas non plus la brusquer. Et puis après tout elle n'était qu'une étrangère alors pourquoi se soucier de tout cela ? « Bon d'accord je veux bien faire un effort. Je suis Addil et j'ai un âge qui tourne autour de vingt cinq ans. A toi de devenir quel âge je peux avoir. Je suis psychologue passionné par son métier et en même temps blasé par lui. Je vis seul dans une petite ville d'Angleterre qui s'appelle Nottingham. Tu vois une vie simple et basique comme beaucoup de personne. » dit-il d'une voix calme et douce. Il parlait un peu plus bas, car il avait l'impression que la conversation qu'il tenait avec elle devait rester discrète. Alors que pas du tout.  « A toi. Je suis sûr que derrière cette discrétion il y a de nombreux mystères.  J'ai fais un petit effort. Après si tu n'as vraiment pas envie de parler je peux comprendre. »  dit-il en affichant un large sourire. un sourire franc et sympathique qui pour une fois n'était pas fabriqué. Il essayait de la mettre en confiance, lui montrer qu'il n'était pas méchant.

Imma préfère écouter. Elle a l’habitude d’écouter, elle est très douée pour ça. Ecouter, ce n’est pas juste se taire et bouger la tête de haut en bas pour faire semblant d’être intéressée. C’est savoir s’effacer, devenir presque transparente pour laisser celui qui parle devenir la personne la plus importante du monde. C’est pour ça qu’elle préfère l’entendre parler. Elle préfère que ce soit lui qui parle de sa vie, lui qui se lâche sur ce qui fait qu’il est lui, le faire pour eux deux. Imma n’a pas grand-chose à dire et puis elle est jeune. Elle n’a pas une vie trépignante. Alors Addil parle de lui. Les choses basiques, malheureusement. Elle aurait aimé voyager, l’entendre faire de grandes phrases sur par exemple la psychologie. Ou sur l’Angleterre. Sur ce genre de choses qu’elle ne maîtrise pas, dont elle ne comprendra rien, mais qui lui fera plaisir. Elle ne s’arrête pas sur son âge qu’il veut qu’elle devine. Elle est trop obnubilée par l’idée de faire comme lui. De devoir parler d’elle, mais il a effectivement fait un effort. Elle ne peut pas en faire de même. Elle pince alors ses lèvres, la tête légèrement baissée. Elle souffle. « J’ai une vie simple et basique. » Il semblerait que ce soit le modèle de vie du plus grand nombre, on peut dire qu’elle a une vie simple et basique. Des moqueries en plus, mais beaucoup de monde sont sujets à des moqueries - elle n’est pas la seule - comme des violences dites ordinaires. Elle ne peut le laisser sur ça. Alors elle ajoute : « En Namibie. Et j’ai dix-neuf ans. » Ne pouvant dire plus. C’est l’essentiel de sa vie. Elle pourrait ajouter qu’elle fait la plonge comme métier, mais ce n’est pas réellement un métier.

Une vie simple et basique. Addil ne le croit pas vraiment, cette fille est trops différente pour avoir une simple vie. Elle a l'air si énigmatique, encore plus que ne l'est Addil qui tente d'être souvent très mystérieux. Et cela il l'avait travaillé, du moins les épreuves l'avaient forgé comme il l'était maintenant. En plus elle vivait en Namibie, un pays que le jeune homme ne connaissait pas du tout, mais qu'il avait soudain envie de connaître. Elle n'avait que dix neuf ans et pourtant Addil lui en aurait donné plus. Pourquoi est-ce qu'il s'intéressait à elle ? Elle était particulière comme beaucoup d'autres ? Mais pourquoi elle ? Elle ne parlait pas beaucoup, elle était fort discrète. Il ne comprenait pas lui-même. « Une fille comme toi est loin d'être basique et ordinaire. Crois-moi sinon je pense que jamais je n'aurai essayé de t'adresser la parole si tu étais ordinaire. » dit-il avec un léger sourire. A moins que le fait qu'elle soit si ordinaire la détache des autres, à force de vouloir être différent les personnes qui sont ordinaires doivent être plus intéressantes que ceux qui sont désormais différentes. « Est-ce que j'aurai le droit d'en savoir plus sur ton pays. J'ai toujours voulu voyager dans des pays différents et je n'en ai jamais eu l'occasion. » dit-il en affichant un léger sourire sur son visage. Pas un sourire en coin comme il le faisait d'habitude, mais un véritable petit sourire qui s'étirait de toute la largueur de ses lèvres.