Imma ne sait pas toujours bien dormir. Elle n’avait pas su bien le faire dans les tentes en forêt, ce n’est pas mieux Ici. Deuxième nuit et elle n’arrive toujours pas à fermer un œil. Elle avait hésité avant de venir jusqu’au bar. Elle avait hésité à se lever tout court, tiraillée entre l’envie de ne pas embêter Addil qui était en train de dormir comme un bébé et l’envie de ne pas réveiller tout le monde à cause des dalles au sol s’allumant à chacun de leur pas. Dalle en référence au roi de la pop, égérie de sa chambre. Ironie ou pure coïncidence, M. Jackson qui aurait été atteint de la même « maladie » qu’Imma. Au final, elle avait tout de même traversé la chambre rapidement, pour rejoindre par défaut le bar. Elle ne boit pas vraiment, cela ne l’empêcher pas d’aimer l’ambiance feutré du lieu, la douceur de la moquette sous ses pieds qu’elle a laissés nus. Un ours en peluche entre ses mains. L’un des fauteuils a alors accueilli sa carcasse et c’est les yeux rivés sur le plafond, en appui sur ses coudes, qu’elle était resté un moment. D’ailleurs, c’est au moment où elle s’y attend le moins, une voix vient la rechercher au plus profond de ses pensées pour la faire revenir à la surface. Elle tourne doucement son visage dans la direction de la voix, posant son menton blanc contre le canapé. Elle baisse légèrement les yeux, se mordillant la lèvre inférieure. « J’arrive pas à dormir » Doucement elle cache la petite peluche qu’elle serrait jusque-là entre ses bras sous des coussins. Elle n’a que dix-neuf ans, Imma. On dit parfois qu’elle fait plus, mais elle n’est encore qu’une enfant au final. Cette peluche, placebo de ses parents, la regardant très certainement à la télé tout en désapprouvant cette initiative. Ils n’étaient pas d’accord. L’Africaine ne veut pas montrer à l’homme qui venait d’entrer cette peluche, qu’il ne se moque pas d’elle. Elle partait bien évidemment du principe que c’était ridicule. Alors elle préfère se concentrer plus sur lui. L’idée de lui demander ce qu’il venait faire lui traversa l’esprit, mais elle n’est pas assez courageuse pour le lui demander. Et puis il est plus vif d’esprit qu’elle. Il lui parle du micro. Instinctivement, elle tourne la tête vers celui-ci, avant de se rendre ce que cela voulait dire. Alors elle secoue doucement sa tête de droit à gauche, légèrement « paniquée ». « Oh » Qu’elle lâche dans un premier temps, couchant maintenant sa joue contre le moelleux du dossier. « Non. Non merci. » Qu’elle souffle entre ses lèvres légèrement entrouverte. Elle ne doute pas de la véracité de ses dires, pour autant elle ne fera rien au micro. Pas parler, encore moins chanter. L’espace d’un instant elle ne pense plus à l’homme présent et se permet un peu dans ses pensées. Elle se voyait chanteuse, empoignant le pied du micro d’une main, le micro de l’autre, se lançant dans une chanson endiablée d’une voix qu’elle n’a pas. Utopique. Alors elle se raccroche au réel, au présent. Elle pose son regard du brun. « Toi tu veux l’essayer… » Souffe-t-elle alors du bout des lèvres, lançant cette idée au hasard. Elle n'est pas très loquace sinon.

Elle espérait pouvoir être seule. Ce n’est pas pour autant qu’elle se braque et adopte une attitude hostile à sa présence. De toute manière, elle ne serait pas capable d’une telle attitude. Ne fait pas aux autres ce que tu n’aimerais pas que l’on te fasse. Elle dissipe alors rapidement les malentendus, timidement. Elle ne veut pas chanter, elle n’oserait pas chanter, elle ne sait pas chanter. Et l’on ne pourrait faire plus sûre qu’elle. « Non » En fait si, sa présence la gêne un peu, mais pas pour cette raison. Pas pour lui. N’importe qui aurait été à sa place que c’était pareil. Alors elle imagine qu’il puisse vouloir chanter. Non, apparemment non. Elle hausse les épaules. Elle ne pense rien mériter, cela ne l’aurait pas dérangé de le voir s’essayé à la chanson. Elle aurait au moins appris une chose sur lui, même juste sa voix trop tremblante pour être juste. Parce qu’il s’approche et s’assoit tout comme elle, elle le suit en tournant son corps, ramenant ses pieds blancs sous elle. Elle baisse la tête, légèrement honteuse après sa question. Elle pensait être discrète, raté. Elle pince alors ses lèvres, signe d’hésitation, d’embarras. Elle n’esquisse qu’un léger sourire, rapidement remplacé par un souffle contrit, mais discret : « Te moques pas » Elle implore, sourcils froncés. Elle ne cherche pas à le cacher : si elle ne le montre pas, peut-être ira-t-il le chercher lui-même. Elle préfère s’en charger. Doucement, elle extirpe du coussin ce petit ours brun. Il est un peu vieux, un peu moche, avec quelques touffes de peluche manquant à certains endroits. Elle serre ses mains, puis ses bras autour, posé alors sur ses genoux. Il lui apporte alors le réconfort que personne ici ne peut lui offrir. Pas de la bonne manière en tout cas. Relevant ses yeux sur l’homme bien plus âgé qu’elle, elle hésite. Son cœur se serrant un peu, c’est ridicule comme son corps lutte contre ses prises de paroles trop audacieuses. Pourtant elle lâche tout de même : « Mais je ne sais pas si c’est légal de l’avoir avec moi » Rebondissant sur ce qu’il lui avait dit, elle tente d’être amusante. Avec plus ou moins de succès, pas très aidé par sa manière de parler, légèrement difficile. Son anglais n’est pas parfais. Elle fait ça aussi, très certainement, pour détourner son attention de la peluche. Elle sourit, baissant à nouveau sa tête sur cette même peluche. « Tu dis rien ? » Un secret.

Elle ne veut pas qu’il se moque. Il lui assure que non alors elle a tendance à le croire sur parole. Il pourrait très bien dire ça dans un premier temps et puis le faire quand même derrière dans un deuxième temps. Elle s’en moque. Elle préfère toujours croire ce qu’on lui dit, essayant de ne pas se méfier. L’homme a d’ailleurs l’air si gentil, qu’elle sort finalement de sa cachette cet ourson, de la même couleur que sa peau à elle. Celle pigmentée. Un petit ourson qui ne paie pas de mine au premier abord ; le genre abandonné par les occidentaux pour les envoyer aux malheureux petits africains du tiers monde. C’est peut-être le cas finalement lorsque l’on y pense. Elle n’en sait rien pour tout dire, ce dont elle se souvient surtout, c’est cette impression de l’avoir toujours eu avec elle. Ses yeux posés sur l’homme et la peluche posée sur ses genoux, elle s’attend tout de même à un rire. Rien qu’un seul : celui de voir une jeune femme de son âge avec une espèce de doudou. Qu’elle ait apporté une peluche d’accord, mais pas qu’elle ait envie de la serrer tout le temps contre elle au moment de dormir. Elle ne le fait pas, pas dans le même lit qu’Addil, mais elle en aurait tellement envie. Mais non, aucune moquerie. L’homme est vraiment très gentil. D’ailleurs il rebondit sur ce qu’elle dit, sur sa légalité, son doute. Imma ne peut s’empêcher de baisser sa tête, pour cacher le sourire naissant sur le bout de ses lèvres. « C’était pour rire » Qu’elle lâche  tout doucement, gardant sa tête baissée. C’est assez drôle d’ailleurs, qu’il n’ait pas compris le sens de sa phrase. Par contre il a très bien compris le sens de ses quelques mots : il ne doit rien dire, à personne. Il le lui promet – il promet beaucoup, ce n’est pas forcément bon signe – après avoir lâché une phrase assez gênante « Oh » qu’elle s’exclame légèrement. C’est qu’elle n’avait jamais remarqué le fait qu’ils puissent être mignons à deux. S’il le dit. « Merci » Qu’elle souffle pour ça, pour ses promesses. Et puis elle finit par remontrer ses prunelles sur lui. Elle bouge sa tête de haut en bas à l’affirmative pour répondre à sa question : oui il a au moins un prénom. Elle ne se demande même pas si ça l’intéresse vraiment. Il avait vraiment l’air intéressé par la question. Elle baisse ses yeux, soufflant. « Je te dis et après tu parles. » Sous-entendu de lui, qu’il parle de lui, qui il est, pourquoi il est là, quel temps il fait en général chez lui, sa couleur de tee-shirt préféré. Est-ce qu’il porte des t-shirts ? Imma adore écouté, plus que parler. « Geseënde, c’est son prénom. Ca veut dire Joyeux » Un silence. « Parce qu’il sourit tout le temps » Un deuxième silence. De son index, elle pointe l’espèce de sourire que semble former un fil cousu. « Je crois que mes parents l’on acheté pour que je sois pas seule » Elle l’a été durant l’enfance. Moins maintenant, elle a des amis. À l’époque, il lui avait été dur d’avoir des copains et des copines. Voilà tout.