C’est avec avidité que j’allumai ce satisfaisant petit bout de tabac. Ma main tremblante avait cherché mon paquet d’allumettes et je fus rapidement soulagé à la première bouffée que mes poumons respiraient. Enfin à l’écart de ce cirque. À l’écart de cette foule d’inconnue qui, pour une raison obscure, m’intimidait royalement. Alors que j’apportai à mes lèvres, humectées par l’alcool, ce délicieux venin, je pris le temps d’observer ce qui allait devenir ma réalité pour cette aventure. Tout me semblait étrangement plastique. J’esquissai un vague sourire à cette pensée, me rappelant bien que tout ce qui m’entourait était le fruit d’une production télévisuelle. Mon sourire s’agrandit alors que l’alcool se frayait un chemin dans mes veines. J’avançai d’un pas incertain, laissant le vent d’Irlande s’imposer sur mes joues rougies. L’espace d’un bref instant, insaisissable, j’oubliai l’absurdité de la situation. La solitude. La noirceur. J’observai rapidement ma montre qui indiquait une heure tardive, ou matinale, selon le point de vue. Je me laissai tomber sur le gazon, ou la tourbe qui semblait se prendre pour tel. Croisant mes jambes, relevant la tête vers le ciel, je tirai une bouffée de ma cigarette alors que je remarquai que je tenais encore une coupe de champagne dans ma main. Elle était presque vide et je m’empressai de boire ce qu’il restait de ce nectar. La fête avait tirée sa révérence, les individus venaient de se séparés et tout le monde explorait leur nouveau monde. Moi, qui espérait la solitude, venait de réaliser que je n’étais plus seul, du moins, plus depuis quelques instants. Assis dans l’herbe, je tournai la tête vers la délicate blonde qui venait de me rejoindre sur le toit. Un sourcil arqué, j’observai l’intrus qui semblait chercher une pointe de solitude, tout comme moi. Mes pupilles bien dilatées par l’alcool retrouvèrent le ciel étoilée, alors que sortirent de ma bouche, ses quelques mots. « J’arrive encore pas à croire que je suis ici… » J’esquissai encore un bref sourire, alors que je pensais à ma partenaire qui avait tant cherché à en décrocher un, elle avait raison. On y était pas encore, mais presque.

La petite fête d’entrée sembla s’étirer en longueur alors que les derniers candidats faisaient leur entrée dans le Nid : deux couples, quatre filles. La moue qui était apparu sur mon visage en avait dit long sur mon avis à ce moment-là. Les filles en majorité, les garçons deviendraient rapidement des denrées rares… surtout si j’avais affaire à des minettes en chaleur et en manque d’affection. Poussant un soupir, je me contentais d’un léger sourire à leur égard avant d’aviser le buffet où je me servis un autre verre avant de prendre la poudre d’escampette et partir explorer mon nouvel environnement. Au bout d’un moment, mes pas finirent par me guider sur le toit, où je m’avançais sans grande conviction : c’est qu’il faisait un froid de canard dans le coin, et j’avais été assez idiote pour ne pas prendre de quoi me tenir chaud… je n’avais pas plus prévue d’aller faire un tour sur le toit d’un immeuble, ceci-dit. Il y avait quelqu’un qui se trouvait là… oui, c’était bien lui. Il s’était tenu à l’écart presque toute la soirée, à l’occasion de quelques rares interactions avec des demoiselles, mais sans plus. Osant les épaules, je ne pris même pas la peine de lui adresser la parole et me dirigeait vers l’une des rambardes du toit, pour jeter un coup d’œil à la ville qui s’entendait tout en bas. Y’avait pas à dire, la vue en valait le détour. Mais c’était un bien maigre consolation pour des semaines d’isolement avec vingt-cinq autres personnes. « J’arrive encore pas à croire que je suis ici… » Faisait volte-face, j’arquais un sourcil en entendant la remarque de l’homme. « Moi aussi, je me demande encore ce que tu fais ici. » rétorqua-t-elle, du tac-au-tac, d'un air neutre. « Tu es loin d’avoir l’air dans ton élément ici, ou je me trompe? » J'avais beau lui avoir adresser la parole, je préférais quand même garder mes distances. Et puis, je préférais ne pas tenter de m'installer à même le sol dans cet tenue... les robes n'étaient pas faite pour s’asseoir en tailleur.

« Moi aussi, je me demande encore ce que tu fais ici. » D’instinct, j’haussai un sourcil étonné à la réplique de la demoiselle. Bien qu’elle avait raison, j’avais pourtant cru faire une impression neutre à la soirée, j’avais eu l’espoir d’avoir passé sous le radar. « Tu es loin d’avoir l’air dans ton élément ici, ou je me trompe? » Je n’étais pas d’un naturel sympathique, ni même très sociable, mais les nombreux verres que j’avais ingurgité durant la soirée avait eu l’effet positif de me faire sortir de mon mutisme complet. Je reposai mon regard sur la demoiselle vêtue de sa robe de soirée. « Est-ce que quelqu’un est vraiment dans son élément, ici ? » Dis-je alors, fixant le faux gazon sur lequel j’étais assis, ignorant le froid qui perforait les fibres de mon veston pour s’attaquer à mon épiderme. Je tirai sur ma cigarette, nonchalamment, pour finalement reporter mon attention sur la blonde. Laissant un silence planer sur notre nouvel univers, j’arrachais machinalement le gazon. « Mais tu as bien raison, je crois que je suis le mouton noir du groupe… Celui qui ne sait pas trop pourquoi il est là… » À l’instant de mes congénères, je n’étais pas là pour gagner de l’argent ou promouvoir mon visage à la télévision. J’étais là, parce que la production m’avait promis des réponses à des questionnements. Des réponses à ma noirceur. J’observais toujours la demoiselle, je n’avais pas pris la peine de retenir chaque nom, mais j’avais machinalement retenu chaque visage. Ils étaient gravés dans ma mémoire. Alors que j’apportai ma cigarette à mes lèvres, dans un mouvement naturel, je fis l’effort de sortir de ma coquille, pour finalement demander : « Toi, pourquoi tu es là ? Qu’est-ce qui t’attire dans ce petit jeu tordu ? » Maigre contribution à la discussion, si discussion il y avait vraiment.

« Est-ce que quelqu’un est vraiment dans son élément, ici? » Vrai, il avait tout vrai dans sa réflexion, quoiqu’en comparaison avec lui, je semblais néanmoins beaucoup plus à l’aise, et plus à même de m’intégrer en bon et due forme dans l’engrenage du jeu. Lui ne semblait le faire que parce qu’il avait ingurgité plus d’un verre d’alcool. Si c’était sa façon à lui d’être plus à l’aise dans un groupe, tant mieux, mais si ça devenait une habitude, ça risquait de poser problème à la longue. « Mais tu as bien raison, je crois que je suis le mouton noir du groupe… Celui qui ne sait pas trop pourquoi il est là… » M’éloignant de la rambarde, j’osais une approche vers ce dernier, préférant toutefois rester debout à quelques mètres derrière lui. Du moins, jusqu’à ce que mes talons m’oblige à rendre grâce. « On a tous une raison d’être venu, elle est seulement plus ou moins clair pour certain. Et à moins d’avoir été contraint de le faire, il me semble que nous avons tous été volontaire. Tu trouveras surement ta réponse en court de route… »

Le ciel, ce soir, était plutôt clair – la présence de la lune en étant la seule coupable. En dehors de leur voix, la place était plutôt silencieuse, si ce n’était de quelques coups de klaxon et sirènes qu’on entendant en contre bas. La ville ne dormait jamais, même à deux heures du matin. « Toi, pourquoi tu es là? Qu’est-ce qui t’attire dans ce petit jeu tordu? » « Le défi. » Ce n’était pas vraiment la réponse que j’avais servit à la production, mais j’avais eu le temps de réfléchir d’avantage à la question, une fois qu’on m’eut annoncé que j’entrerais dans le Nid, quelques jours auparavant. « J’aime à me dépasser, à me surpasser je dirai même. J’aime atteindre mes limites et les franchir, peu importe l’effort que ça me coûte. Je veux me tester, savoir jusqu’où je suis capable d’aller… » De préférence, jusqu’au bout. J’étais déterminée, il n’y avait pas à redire, mais Dieu seul savait ce que l’aventure me réservait.

« Tu trouveras surement ta réponse en court de route… » Elle n’avait pas tout à fait tord, mais est-ce que je voulais vraiment trouver réponse à mes questionnements ? Est-ce que je voulais vraiment faire face à cette destructrice réalité ? Après tout, j’étais ici pour obtenir ses réponses, pour pouvoir vivre une fois que le chaos dans mon âme se serait apaisé. Depuis que j’avais mis les pieds dans cet hôtel quelques heures plus tôt, je doutais de l’utilité de cette action. « J’imagine… » J’avais rapidement jugé chaque individu lors de la soirée, n’ayant pas vraiment pris la peine de chercher plus loin. Parce que j’avais l’impression que tout le monde portait un masque. Un masque pour se prouver qu’on n’était pas sadique à étaler nos tripes sur la télévision nationale. « Le défi. » Je fus soudainement intéressé. Alors que la blonde répondit à ma question. « J’aime à me dépasser, à me surpasser je dirai même. J’aime atteindre mes limites et les franchir, peu importe l’effort que ça me coûte. Je veux me tester, savoir jusqu’où je suis capable d’aller… » Nous étions tous conscients du risque que nous courions en acceptant de jouer à ce jeu, l’idée d’un secret dévoilé, l’idée d’être complètement détruit par ceux des autres. Voilà ce qui rendait la personne en face de moi d’autant plus intéressante. « Pourquoi Fake Lover ? Je veux dire, il y a bien des façons de se dépasser dans la vie… Pourquoi mettre en jeu une partie de toi, un secret bien enfoui, pourquoi plongé aussi loin ? » La réponse se trouvant bien sûr dans la question, parce qu’on a tous besoin de plonger dans nos plus sombres secrets, cette aventure serait une salvation pour les êtres tordus que nous étions. Cupidon était un fin psychologue.

Il semblait plus ou moins certains de ce que j’avançais sur le fait que chacun d’entre nous trouverais bien ce petit quelque chose que nous étions tous venu chercher en cours de route. Il était vrai que dit comme ça, ça semblait être une réponse toute faite, mais les anciens n’avaient-ils pas tous dit, ou presque, qu’on sortait d’une aventure du genre grandit? Changé? Il ne laissa entendre qu’un maigre « J’imagine. » en guise de réponse et je ne cherchais pas à en savoir d’avantage, puisque me questionna. Interrogation auquel je répondis sans problème. Je pensais la question tourné et retourné dans tous les sens lorsqu’il continua sur sa lancée, poussant ma réflexion ailleurs. « Pourquoi Fake Lover? Je veux dire, il y a bien des façons de se dépasser dans la vie… Pourquoi mettre en jeu une partie de toi, un secret bien enfoui, pourquoi plongé aussi loin? » C’était effectivement une bonne question, digne des membres de la production, c’était pour dire. Assez pour que je prenne un certain temps avant d’y répondre. « Un brin de masochiste, un brin de folie et une légère onze d’espoir. » fut ma seule réponse. J’aurais bien entendu pu le laisser avec cette seule énigme à décortiqué, mais je n’étais pas aussi méchante. « Le masochiste, c’est pour me mettre à l’épreuve, dans une position d’inconfort : vivre avec je-ne-sais combien de caméras qui capte tous mes faits et gestes, en compagnie d’une vingtaine de personnes bel et bien différentes de ma personne. La folie, c’est surtout parce que je suis bel et bien venu avec la ferme intention de profiter pleinement de ce qu’on m’offre, de jouer le jeu jusqu’au bout. Et bon, faut être un peu timbré pour mettre à prix quelque chose d’aussi important qu’un secret. » Le dernier point, je passais outre volontairement. Qu’il l’interprète à son bon plaisir.