w/@simone
S’il y a bien un couloir où elle passe la majeure partie de son temps, c’est celui du premier étage, à savoir le couloir dédicacé. Enfin, elle ne s’y arrête pas vraiment pour observer les signatures qui ornent les murs, elle l’a fait en début d’aventure et cela lui a suffi, maintenant qu’elle sait très exactement où chaque signature se trouve. Elle ne s’y arrête que quand quelqu’un déjà présent s’adresse à elle, sans quoi elle passe sa route. Elle préfère ne pas prêter attention à ce couloir, car même si elle a pris soin de répertorier chaque signature, le mur ne représente rien d’harmonieux, simplement des dédicaces balancées ici et là sans réel ordre, et c’est bien déplaisant aux yeux de Mylah. Alors quand elle passe elle fixe un point face à elle, ou ses pieds – ce qui fait qu’elle finit tôt ou tard par compter ses pas et s’arrêter net au milieu de ce couloir avant d’être autorisée à reprendre son chemin – plutôt que de se laisser perturber par la mauvaise configuration des signatures. Mais il n’est pas question du couloir dédicacé aujourd’hui, puisqu’elle est obnubilée par le couloir aquarium. Jusqu’ici, elle n’y a jamais vraiment prêté attention, parce qu’elle vient rarement au second étage. Tout ce dont elle a besoin, chambre, salle de bain, dressing, se trouve au premier étage, raison pour laquelle elle côtoie plus souvent les dédicaces que les poissons. Mais aujourd’hui, elle a fait l’erreur de relever le nez pour faire attention à ce qu’il se passe d’elle. Un acte commun, en somme, qui n’aurait pas dû l’empêcher de se rendre à sa destination initiale, qui était la salle de contrôle. Sauf que Mylah a croisé un poisson. Puis deux. Puis trois, puis une dizaine. Et elle n’avait jamais prêté attention à ces poissons jusqu’ici, sachant que ce serait le début de la fin si elle le faisait. Et c’est le cas. Car plantée face à une des vitres de l’aquarium, ses pupilles vadrouillent d’une bête à l’autre et elle constate bien vite que cet endroit n’a rien pour lui plaire. Déjà, parce qu’elle n’arrive pas à compter le nombre de poissons qui défilent devant ses yeux. Et Mylah aime la précision, elle a besoin de savoir combien de bestioles nagent dans cet aquarium. Elle n’en dormira pas tant qu’elle n’aura pas le bon compte. Or, même si elle parvient – par miracle – à compter chaque poisson, il lui faudra compter encore et toujours pour arriver à chaque fois au même chiffre, mais il y a peu de chance qu’elle y arrive à chaque fois. Il y a aussi le fait qu’il y ait de nombreuses espèces différentes, un tas de variations de couleurs, de formes, de grandeurs. Cela pourrait aller s’il y avait le même nombre de poissons de chaque espèce. Mais ce n’est pas le cas. Elle tente de compter, et finalement, son regard s’arrête sur une méduse. Une méduse. Une seule méduse. Pas deux, une. Un chiffre impair. Horreur. Elle reste focalisée sur la bête, même lorsqu’une silhouette entre dans son champ de vision. « J’envisage sérieusement de demander à Cupidon de rajouter une méduse. » Elle déclare, sans pour autant détourner le regard de cet aquarium. Elle est happée par celui-ci et elle n’arrivera sûrement pas à s’en défaire, même après que Simone se décide de passer son chemin. Elle envisage sérieusement, oui, c’est comme si l’idée était implantée dans son esprit depuis des semaines. « Tu n’es pas d’accord ? » Elle questionne Simone, sans savoir si elle attend réellement une réponse. Elle suppose que personne ne partage son avis, c’est quelque chose qu’elle a remarqué depuis qu’elle est ici, ils ont tendance à ne pas voir les problèmes là où elle les voit.

Une méduse. Pourquoi ? C’est la question qui occupe l’esprit de Mylah. Une préoccupation qui peut sembler bien futile d’un point de vue extérieur, mais qui a un réel impact pour Mylah. Elle n’arrive pas à détacher ses yeux de cette bestiole, tant qu’elle n’aura pas obtenu une réponse. Or, il est peu probable que la production se décide à lui en donner une, puisqu’ils ont très probablement déjà oublié qu’ils ont installé des poissons dans ce couloir, ils sont sûrement plus occupés à arranger les montages de l’émission comme cela les arrange. Et elle a beau chercher du regard un panneau indicatif qui pourrait l’aider, ainsi que lui donner le nombre exact de poissons se trouvant ici, elle ne trouve rien. Comme s’ils n’avaient pas le droit à ce genre d’informations. Pourtant, lorsqu’on se rend dans un aquarium, il y a toujours des informations inscrites sur le côté. Pourquoi pas ici ? Elle est obligée de poser sa question sur l’unique méduse quand elle distingue une silhouette dans son champ de vision, peu importe quelle est l’identité du candidat qui vient de la rejoindre. Elle reconnait cependant Simone au son de sa voix. Malheureusement, celle-ci ne sait pas. Elle ne sait pas, c’est une réponse inacceptable. Elle n’aime pas qu’on lui donne une telle réponse, bien même si elle en fait usage de temps à autre. Ce qui la pousse à vouloir faire une telle requête ? Ce n’est pas évident ? « Tu ne trouves pas cela dérangeant qu’il y ait qu’une méduse ? C’est comme s’il n’y avait qu’une seule table au restaurant, un seul siège dans la salle zen ou un seul canapé sur le plateau, ce n’est pas possible. » Sa voix s’élève sous l’incompréhension. Une seule méduse. C’est vraiment dérangeant. Il y a quelques domaines où le chiffre un est nécessaire, comme dans les relations amoureuses, mais sinon, elle ne comprend pas l’intérêt de se contenter d’un seul objet, d’un seul animal ou d’une seule décoration. Cela doit forcément aller de pair. « Et il n’y a pas de loi qui exigent de posséder deux animaux minimum suivant les espèces ? » C’est le cas pour les lapins, il lui semble, alors pourquoi pas pour les poissons ? Si la production s’était faite tapée sur les doigts sur le fait de ne posséder qu’une seule méduse et d’être ainsi obligé d’en acquérir une seconde, cela aurait fortement arrangé Mylah. « Mais elle mérite un peu de compagnie, oui, aussi. » Conclut-elle. Oui, pourquoi pas, bien que le bien-être de la méduse ne soit pas son problème principal dans l’immédiat. « Mais la méduse n’est pas le seul problème, on ne sait pas combien de poissons contient cet aquarium. Ce n’est inscrit nulle part. » Dit-elle tandis qu’elle s’éloigne de la méduse solitaire pour se planter devant celui où nagent des dizaines de poissons. « Tu le sais, toi ? » Qui sait, peut-être que Simone possède cette information qu’elle n’a pas. Inutile de dire que ça l’arrangerait fortement si sa camarade pouvait lui dire avec exactitude le nombre de poissons que contient cet endroit.