ft @lamine

J'avais envie de prendre un peu l'air aujourd'hui. J'avais envie de me promener et de m'éloigner de toute l'agitation qui règne toujours à l'hôtel. C'est obligé qu'il y ai de l'agitation lorsque l'on est autant, j'en ai bien conscience et je ne la critique pas non plus. C'est juste que par moment, comme d'autres, j'ai envie d'être au calme. Et c'est d'ailleurs dans ce but bien précis que je compte me rendre au belvédère durant cette soirée. Sauf que même si je veux être au calme, je n'ai pas envie d'être totalement seule. Il ne faut pas chercher à comprendre, les femmes sont souvent des contradictions sur pattes. Cherchant le compagnon idéal pour passer un moment sympathique, le prénom de l'un de mes camarades arrive rapidement dans mon esprit. Lamine bien évidemment. Sans attendre plus longtemps, je m'étais mise à le chercher pour finalement le retrouver dans le restaurant. Un peu tard pour manger selon moi mais j'avais patiemment attendu qu'il finisse son plat pour lui faire une proposition. Je lui avais sorti mon sourire le plus convaincant et n'avais pas hésité une seule seconde à sortir le regard de la fille qui a besoin d'aide. Bon, je suis mauvaise comédienne alors il y a très peu de chance que ça soit ça qu'il l'est convaincu. «Tu accepterais de venir te balader avec moi ?» comme il ne semblait pas s'y opposer, je l'avais rapidement embarqué avec moi. L'attrapant par le bras, je l'avais guidé jusqu'à l'extérieur du nid pour finalement relâcher l'étreinte que j'exerçais sur ce bras. «Je te remercie d'avoir accepter.» Articulais-je alors que nous étions finalement arrivés au belvédère. Doucement, j'étais venue m'accouder sur la rambarde et fixais du regard les abysses dans lesquels nous avions vécus une semaine. «J'aimerais apprendre des choses sur toi Lamine. Tu m'intrigues.» Et j'en viens à faire cette demande parce que malgré les nombreuses fois où nous avons parlé, il n'a que très rarement évoqué sa propre histoire. Souvent, il m'a questionné et m'a fait part de ses impression sur ma personne mais je ne l'ai jamais entendu évoquer sa famille, ses loisirs ou ses amis. «Parle-moi de ce que tu veux.»

Le projet de ce soir est donc de me balader mais attention, je ne compte pas y aller seule ! J'ai envie de m'isoler un peu de la masse, de l'effet de groupe mais je n'ai pas pour autant envie d'être complètement seule. Je sais, cela peut paraître un peu compliqué n'est-ce pas ? Mais je n'ai jamais dis que j'étais simple à comprendre. Je pense qu'aucun être humain, même le plus simplet du monde, n'est réellement simple à comprendre. Pour parfaire ma balade, je pense donc à un candidat tout particulier, Lamine. Je me sens proche de lui depuis ces dernières semaines, nous nous entendons bien alors évidemment, j'ai envie de passer quelques minutes avec lui. D'autant plus que je me suis rendue compte que je ne connaissais pas grand chose à son sujet et ce, malgré nos diverses discussions. J'ai envie d'en savoir plus, j'ai envie qu'il me parle de sa vie et qu'il me laisse, en quelque sorte, entrer dans son univers. Je suis donc on ne peut plus ravie lorsqu'il accepte de m'accompagner pour ma balade et je suis encore plus contente lorsqu'il accepte de me donner certains détails sur la vie qu'il a en dehors de cette aventure. Il se lance rapidement alors je tends l'oreille à la moindre information qu'il formule. J'enregistre tout dans un coin de ma tête et je ne le coupe pas puisqu'il me semble être bien parti pour me faire un bon gros résumé de sa vie. Appuyée sur la barrière, mon regard se pose sur lui. Je ne le détourne pas une seule fois du candidat, cela lui montre sans doute toute l'attention que je lui porte. Ce qui m'effraie un peu, c'est lorsque je l'entends dire qu'il a l'impression de ne plus avoir de vie, je grimace légèrement mais ne le coupe pas pour autant. Je le laisse poursuivre jusqu'à ce qu'il me dise qu'il formule le fait que ça n'était probablement pas de ça que je voulais entendre parler. «Si, cela me convient très bien ! Au moins, je sais désormais imaginer quel est ton cadre de vie. » Que je lui réponds rapidement. «Quand tu me dis que tu as l'impression de ne plus avoir de vie... Est-ce que ça ne te dérange pas ? Tu n'as pas l'impression de passer à côté de quelque chose ? » Le sujet m'intéresse parce que je ne connais pas du tout ce genre de situation, je n'ai jamais été confronté à cela. Internet, les jeux vidéos n'ont jamais réellement fait parti de mon quotidien alors je ne sais pas vraiment ce que cela fait de se couper du monde pour une vie plus virtuelle. Je peux cependant comprendre aisément le choix du jeune homme concernant le fait de vivre de sa passion puisqu'il s'agit également d'un choix que j'avais fait. «T'as pas peur de te retrouver tout seul au final ? » Parce qu'il y a d'autres choses que j'ignore, je ne sais pas si l'on peut compter sur des amis d'internet autant que sur des véritables amis. Je ne sais pas si la confiance est la même et je crains, qu'à force de délaisser le monde réel, Lamine se retrouve tout seul. A sa place, cette situation m'effraierait sans doute plus que tout mais je ne suis pas là pour le juger, je veux simplement comprendre tout ce qu'il me dit. Je veux comprendre l'être humain qu'il est. «Parce qu'il y a une chose que je constate, c'est que ça n'est pas parce que tu es privé de tes jeux vidéos que tu me parais malheureux. Dans le fond, je suis même pas certaine qu'ils te manquent énormément depuis que tu es ici. Puis tu me parais pas non plus être un handicapé des relations. Mais bon, je comprends tout à fait si tu n'as pas envie de changer de vie, je me dis juste que tu n'as pas l'air de te plaindre de ta vie ici. »Oh la la, j'ai l'impression que mes paroles ne veulent pas dire grand chose dans le fond. Hum, c'est le moment où je suis censée me taire non ? «Enfin, je sais pas hein. Tu es encore jeune de toute façon.» Ca aussi, c'est un détail que j'ai tendance à oublier. Il est jeune. Bien plus que moi alors forcément, il n'a pas envie de se poser tout de suite et de mener une vie pépère. Il n'a que vingt-quatre ans, je suppose qu'il n'est pas le seul de son âge à mener cette vie-là.

La passion de Lamine ne m'est pas familière du tout, il rirait certainement si il me voyait tenir une manette de console. J'ai essayé une fois, pour faire plaisir à Jack mais je dois avoir un problème de synchronisation dans les doigts parce que je ne parviens jamais à être efficace. Plutôt que de réfléchir, j'appuie sur tous les boutons en espérant que ça fonctionne et malheureusement, le résultat n'est jamais bon. J'ai vite renoncé. De toute façon, ce n'est pas réellement quelque chose qui me plait et il me serait impossible de rester des heures devant la console de jeux sans bouger. Oh non ! Je suis quelqu'un de calme mais j'ai besoin de ma dose de mouvements hebdomadaires. Comme je n'y connais rien, je suis étonnée de voir qu'une passion pour un jeu peut aller aussi loin. Bon, j'avais entendu dire que c'était assez addictif pour les enfants mais je ne pensais pas une seule seconde qu'un jeune homme de vingt-quatre ans comme Lamine pourrait en être arriver au point de laisser tomber ses connaissances du monde réel pour ses jeux. J'en suis tellement étonné qu'il me faut un moment pour émettre mon avis sur le sujet. Mon avis qui se trouve plutôt être une question, ne regrette-il pas ? Il ne met pas trop de temps à me répondre, il ne semble même pas réfléchir à la réponse qu'il formule. Celle-ci sonne comme une réponse spontanée et comme tout ce qu'il a pu me dire jusque là, je l'écoute attentivement.  Sa réponse me parait être objective, il pèse le pour et le contre. Au moins, il n'a pas la bêtise d'essayer de me dire que tout est bien dans les jeux vidéos. Son avis est nuancé et cela me montre l'intelligence du français. « Tu devrais peut-être essayer de faire la part des choses. Te fixer un nombre d'heures à ne pas dépasser. » C'est en le disant que je me rends compte que mon conseil est un peu bête. Pour Lamine, se défaire des jeux vidéos, ça doit certainement être plus difficile que de se fixer une limite de temps non ? « Comment est-ce que tu en es arrivé à un tel extrême ?» articulais-je en espérant que cette question et que le terme "extrême" ne le vexerait pas mais pour moi, il est vraiment à un extrême. Il est dans un système de surconsommation des jeux vidéos et même si je n'ai pas réellement lu d'études à ce sujet, je pense pouvoir dire qu'il faudrait qu'il essaie d'en sortir un peu. A l'entendre parler, on le sent dépendant de tout cela, puis il reconnait lui même que ça ne lui apporte pas que des bonnes choses alors je pense que cela devrait l'encourager à faire bouger les choses. Encore une fois, je ne suis pas là pour juger et je ne sais pas trop quoi lui dire, je me sens soudainement maladroite. Il ajoute cependant qu'il le vit bien. D'accord, alors je vais m'abstenir de dire certaines choses. Si il le vit bien, je n'ai pas à l'encourager à changer de mode de vie, je crois. Et puis de toute façon, qui je suis pour vouloir l'encourager à faire de telles choses ? Personne. Bah non ma petite Mack, tu n'es personne et tu n'es pas en mesure de faire de la vie des autres quelque chose de "mieux" selon tes propres critères. Je me résonne toute seule, oui. Un fin sourire pincé, je continue de l'écouter. « Nous ne nous parlions pas beaucoup lors de la première semaine, alors je ne me rappelle pas trop ton état d'esprit à ce moment-là.» Il est vrai que nous avions commencé à réellement conversé lors de la seconde semaine. Une conversation qui était sans doute due à l'affreuse combinaisons que je me baladais ce jour-là. Une combinaison que personne n'oubliera, je sais.   « Mais je confirme, je ne te trouve pas plus maladroit qu'un autre par rapport à la vie en communauté.  » Ce qui signifie qu'il est capable comme tout le monde d'entretenir des discussion, d'aller vers les gens. Et soudainement, sans que je ne m'y attende, il me pose une nouvelle question. Surprenante la question. Cependant, je n'ai aucun mal à lui répondre directement.   «Bien que je ne possède pas vraiment la fibre maternelle. Après tout, je n'ai pas d'enfant alors je ne sais pas comment j'agirais le jour où j'en aurais. J'ai déjà remarqué que souvent, les femmes se fixe un idéal. Elles regardent les autres et disent, "hors de question que les miens soient comme-ci ou comme ça" et puis, l'enfant arrive et toutes leurs belles théories sont bouleversées. On ne fait pas tout ce que l'on veut d'un enfant parce qu'il s'agit d'un être doté d'un cerveau et d'envies. D'envies qui diffèrent probablement de ce que ses parents pouvaient attendre de lui.   «Je suppose que oui. Je pense que je serais inquiète et triste si cela devait arriver à mon fils. Parce que je ne pense pas que ça soit ce qu'il y a de plus épanouissant. Alors oui, tu t'épanouis tout un temps mais est-ce que tu vois faire la même chose dans dix ans ? » Encore une fois, je ne critique pas, je ne fais que donner mon avis d'une voix douce et posée.   «Et toi, tu serais inquiet de voir ton enfant se comporter comme tu le fais ? Tu n'essaierais pas de l'amener vers une autre façon de vivre ?» Ces questions étaient principalement faites pour l'aider à se remettre lui-même en question mais ça, il le comprendra très bien tout seul parce qu'il est malin.