+@Clarke
Le bar est devenu l’un de ses refuges lorsque le sommeil n’arrive pas à l’emporter et qu’elle ne souhaite absolument pas réveiller Addil. Parfois elle aime bien bouger un peu plus fort pour le réveiller, pour le sentir en éveil tout proche d’elle. Pas forcément pour parler, mais pour savoir qu’elle n’est pas la seule réveillée. Une espèce d’égoïsme naissant en elle, qu’elle n’arrive pas vraiment à assumer, se sentant coupable d’agir ainsi. Ce n’est pas très gentil, c’est pour ça que la plupart du temps elle s’exile. Au bar, dans la salle zen, dans la salle de bal, sans compter le cinéma pour essayer de se fatiguer les yeux plus que pour regarder un film. Quatre lieux plutôt cosy, où se coucher et rêver les yeux ouverts sont permis et souvent sans être vraiment dérangé. Pourtant, c’est la deuxième fois qu’elle se fait en quelques sortes subtiliser son lieu de méditation nocturne. La première fois par Allen, arrivant après qu’elle ne se soit installée dans l’un des canapés en compagnie de son ourson. Cette nuit par Clarke, déjà présent dans la pièce lorsqu’elle arrive. Il est installé sur l’un des fauteuils, dos à l’unique porte d’accès au lieu et ne semble pas l’avoir entendu arriver. C’est pour ça que, l’espace de quelques instants, elle hésita. Entre rester ou s’en aller. Peut-être même l’interpeler à haute voix. Entre s’approcher et s’asseoir près de lui ou dans le fauteuil d’en face. Ou bien même déposer ses mains qu’elle déteste sur ses yeux pour lui faire la surprise de son arrivée. Elle ne sait que faire. La seule chose dont elle avait décidé, s’est de s’approcher de lui, de ne pas fuir. Imma aime bien Clarke. Ca lui fait même parfois quelque chose lorsqu’il lui parle, lorsqu’il la regarde. Comme sa gorge qui se noue plus fortement que d’habitude. Des espèces de picotements dans ses bras de se sentir se figer parfois à côté de lui. Comme une envie de pleurer quasiment permanente sans même savoir pourquoi. Et alors que ses pensées flânent dans son esprit sans réel intérêt, elle se retrouvait déjà à aligner les pas maladroitement et du bout de ses pieds jusqu’à lui. Elle n’a pas de chaussure à ses pieds, meurt de froid le sentant partir de ses orteils en contact avec le sol, jusqu’à son ventre. Elle reste devant lui l’espace de quelques instants, les mains devant son corps, comme une enfant. Avant de fondre sur le canapé à côté de lui, posant sa tête sur son épaule. Ses deux mains viennent se saisir de son bras qu’elle entoure. C’est comme des pics dans son ventre et un frissonnement de toucher quelqu’un, aussi fort. Elle en a besoin, elle croit.

Je n'étais pas un grand dormeur, non, et je crois que depuis le temps, tout le monde avait pu le constater dans le nid. Même Adélie trouvait cela étrange qu'elle ne me voit jamais à ses côtés. Pourtant j'étais toujours là, lorsqu'elle fermait les yeux, je veillais quelques heures sur elle avant de m'envoler de nouveau. Je n'aimais pas rester trop longtemps allonger. En même temps, dormir me semblait être une perte de temps. Parfois il m'arrivait d'avoir des vertiges lorsque je manquais un peu trop de sommeil, comme la semaine dernière en compagnie de Sayid. Ça n'était pas grand chose. Ajouté à cela le fait que je restais un garçon plutôt sportif, qui avait tous les jours besoin de se dépenser, et vous obteniez un équilibre sur le fil plutôt hasardeux. Ce soir là ne faisait pas exception puisque j'avais choisi de quitter le lit vêtu simplement d'un débardeur blanc et d'un jean sombre, abandonnant ma partenaire aux bras de Morphée pour longer les murs du nid tel une âme en peine. Oh, ça ne me dérageait pas d'être le seul debout à une heure pareille, à vrai dire, je trouvais même le nid plus agréable. J'avais toujours aimé la nuit, elle me paraissait apaisante, douce. Je n'avais jamais été un de ces gamins qui avait peur d'éteindre la lumière, non, il m'arrivait même de jouer essentiellement dans le noir, ou à faible intensité. Mes pas m'avaient ainsi guidé jusqu'au bar lounge, où je m'étais servi un whisky avant de me laisser tomber sur l'un des canapés, le regard dans le vide, mes lèvres trempant dans le liquide que je n'appréciais pourtant pas des masses. C'est ce moment là que choisit Imma pour arriver, se plaçant devant moi un court instant alors que mes prunelles longeaient son corps pour remonter jusqu'à ses yeux. Je restais silencieux, même lorsqu'elle enroulait ses mains autour de mon bras dénudé, nos peaux se frôlant avec douceur alors qu'un long frisson parcourait mon épine dorsale. « Qu'est ce que tu fais encore debout ? » lui demandais-je, de ma voix grave, doux comme une plume.

Elle ne préfère pas être vue en général, lorsqu’elle ne sait pas dormir. Pas par honte, mais ça arrive tant qu’elle aime rester seule pour méditer, ce genre de chose-là. Et paradoxalement à ça, elle est toujours dans les premiers levés. Elle aimerait dormir plus qu’elle ne le fait, mais elle n’y arrive pas. Alors elle se contente de flâner ici et là jusqu’à ce que les sommeils ne l’emporte. Parfois elle a le temps de se lever et de se coucher pour s’endormir tranquillement dans un lit. Parfois elle n’a pas le temps de bouger et s’endort sur place. Ca lui est arrivé une ou deux fois de s’endormir dans le bar. Cette fois-ci, ce ne sera pas possible. Clarke est déjà là. Hésitant un instant sur le coup, elle n’hésita pas à instaurer se rapprochement deux secondes plus tard. Jamais elle n’aurait pensé faire ça ailleurs. Elle n’a jamais touché un homme aussi longtemps et aussi fort, parce qu’elle s’installe sur son épaule et se serre toujours un peu plus à son bras, comme à un doudou. Elle sourit à peine. Son cœur bat la chamade, sortirait presque de sa poitrine. Si elle fait ça, c’est qu’elle sait qu’il ne la repoussera pas. Il n’est pas ce genre qui la repousserait parce qu’elle n’est pas considérée comme constituée normalement. Parce que jamais aucun garçon à Windhoek n’a voulu d’elle, pour sortir, rien même que pour boire un verre et discuter. Ca n’engage à rien et pourtant… Alors elle avait pris l’habitude de ne plus jamais sortir, préférant regarder la télé avec ses parents que de s’amuser comme les filles de son âge. Ca ne lui est pas permis à elle. Et pourtant elle a tant rêvé que Desmond la prenne dans ses bras. En vain. Il lui demande ce qu’elle fait encore debout. Sans jamais le regarder vraiment, elle souffle doucement. « Je sais pas » Elle ne sait jamais vraiment mettre de mots sur ce qui l’empêche de dormir au moins deux nuits sur une semaine. Instaurant un silence pour réfléchir, elle finit par ajouter : « J’ai des trucs en tête qui m’empêche de dormir… » Oui, comme des images qui la hante parfois, comme des visages et des flashs. Doucement elle fait jouer son index sur la peau de Clarke, sentant son cœur se resserrer à parler temps. Elle n’a pas non plus envie de partir, elle croit que c’est ça aussi qui la tient éveillé. Mais elle n’en dit rien. « Toi aussi tu dors pas… » Qu’elle souffle, avalant sa salive, parce qu’elle ose tourner son visage pour le regarder. Si proche. Trop qu’elle s’en éloigne instinctivement : elle enlève son visage de son épaule, ses mains de son bras, trop pudique.

Je n'étais pas quelqu'un de particulièrement tactile, d'autant lorsque je ne connaissais pas bien les personnes. Pourtant, ici, tout était différent. J'avais l'impression de devoir veiller sur ma partenaire jour après jour, ne voulant jamais la quitter les yeux de peur qu'elle s'envole. Elle était la première à qui j'avais parlé ici, alors forcément, j'en avais rapidement fait un repère, probablement le plus important à mes yeux. Et si je prenais soin d'elle, elle n'était pourtant étrangement pas la seule personne que je souhaitais protéger, non. Imma en faisait également partie. Sans trop pouvoir vous dire comment ni pourquoi, l'échange était simplement plus simple avec la brune qu'avec une bonne partie des autres habitants. Nous nous étions tout de suite compris. Notre première rencontre m'avait d'ailleurs particulièrement marqué, et certains auraient tout d'abord été marqués par les tâches ornant sa peau, c'était avant tout sa douceur, sa pudeur qui m'avait sauté aux yeux. Aussi, j'avais presque immédiatement senti le besoin d'être là pour elle. Parce que dans nos différences, nous nous ressemblions. Gamin, on ne pouvait pas dire que j'étais particulièrement populaire. Trop étrange, trop enrobé, trop discret, j'avais facilement été sujet à moquerie, jusqu'à ce que je décide une fois mes études terminées de me reprendre en main. Je m'étais mis au sport avec une détermination presque étonnante pour quelqu'un comme moi, et m'étais découvert une nouvelle passion, la course. J'adorais courir, sentir le vent sur ma peau. La vitesse me donnait l'impression de voler, bien plus que lorsque je me retrouvais en haut d'un bâtiment. Pourtant j'étais du genre à avoir le vertige, mais là, rien. Et si je n'avais même après ça pas été de ces hommes que l'on remarquait dans la rue, on peut dire que je m'étais peu à peu senti mieux dans ma peau, et c'était bien tout ce qui comptait au final. Imma ne dormait donc pas ce soir là, et avait choisi de me rejoindre sans trop savoir m'en expliquer la raison. Je n'allais pas insister, préférant lui laisser le temps de me répondre ou non, selon ses envies. Je n'étais pas quelqu'un de particulièrement curieux, et savais lorsqu'il fallait ou non demander des détails. Mes prunelles observaient son visage alors qu'elle tournant celui ci dans ma direction, son souffle se dispersant sur mes lèvres alors qu'elle se reculait instantanément. Je tentais tant bien que mal de cacher ma surprise. « Non, je ne dors jamais beaucoup. » C'était simplement comme ça, j'avais arrêté de me demander pourquoi depuis un petit moment déjà. Passant une main sur ma nuque, je me mordais un court instant la lèvre inférieure avant de reprendre la parole. « Pourquoi tu t'es reculée ? » J'avais finalement posé la question qui me trottait aux bouts des lèvres. « Je te mets mal à l'aise ? » Loin de moi l'idée de vouloir lui laisser cette impression... mais c'était peut-être mieux si pour le coup, j'étais au courant.

Imma ne saurait expliquer avec des mots ce que ça fait lorsqu'elle n'arrive pas à dormir. C'est plutôt personnel et interne. Lui non plus ne dort par de toute manière et semble bien éveillé. Il ne dort jamais beaucoup: comme lui, elle ne demande rien d'autre. Ce n'est pas bien compliqué à comprendre finalement. Mais Imma a ce mouvement de recul avec un peu de retard. C'est certainement en voyant son visage si proche du sien, qu'elle remarqua leur distance beaucoup trop à proximité. Qu'elle se permettait de le toucher, quelque chose qu'elle n'a jamais fait, même pas spontanément. Spontanément, elle cache plutôt ses mains, sa peau, baisse ses yeux et reste à distance. Alors elle se fait toute petite. Mais il lui demande pourquoi elle s'est reculée. Elle ne s'attendait pas à ce qu'il le lui demande. Elle pensait encore moins qu'il le lui demanderait aussi frontalement. C'est que dans sa tête tout est devenu confus: parce qu'elle se dit que c'était tout autant malpoli de ce coller à lui comme elle l'avait fait, autant que se décoller brutalement comme elle l'avait fait. Alors elle détourne son regard, avalant difficilement sa salive. Elle est affreusement gênée, embarrassée. Pour le coup oui, il la mettait mal à l'aise... Mais elle n'en dira rien. Au contraire. Alors elle bouge très lentement sa tête de droite à gauche. "Non..." Qu'elle souffle, plus à elle qu'à lui. "Non... Je..." Elle fronce ses sourcils, en posant ses yeux sur Clarke. Il est inutile de dire qu'elle a affreusement envie de fondre en larmes. "C'est moi..." Qu'elle avoue, c'est elle le problème bien évidemment. Elle sent son coeur se resserrer et battre bien trop vite, alors qu'elle soutient toujours les yeux du jeune homme. "Je ne touche jamais... Jamais quelqu'un comme..." Elle finit pas sa phrase. Elle ne touche jamais personne de cette manière et surtout pas les hommes. Surtout pas peau contre peau. Parce qu'elle a déjà serré contre elle Lamine, mais séparé par des couches de tissus. Jamais peau contre peau, jamais peau malade sur peau saine. Elle baisse les yeux, à nouveau en soufflant. Elle n'arrive pas à assumer ce dont elle a envie; elle se fait violence pour le dire, du bout du bout de ses lèvres, dans un chuchotement quasi-inaudible. "Mais j'ai envie que... que tu me prennes dans tes bras..." Elle se referme presque sur elle-même en le disant, se sentant comme partie en arrière alors que non, elle reste stable à sa place. Elle a envie de le toucher, de le sentir et de se sentir comme protéger. Parce que c'est ce dont elle a envie ce soir, d'être protégée. "Et que tu parles de toi..." Parce qu'elle veut mieux le connaître.