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Le belvédère n’est pas l’endroit que Mylah affectionne le plus, pour une raison toute simple : la vue plongeante sur les abysses. Deux mois après, Mylah a bien évidemment mis sa rancœur envers la production de côté et ne se remémore cette semaine que lorsqu’on lui en parle ou lorsqu’elle se rend sur ce perchoir. Durant toute cette semaine survie, elle en a voulu à la production. Elle s’en est sortie, mais elle n’était pas dans son élément, elle fut donc ravie de retrouver un confort qui lui est plus familier. Elle leur en a encore un peu voulu par la suite, mais aujourd’hui c’est de l’histoire ancienne. Ceci dit, si on le lui proposait, elle n’y retournerait pas. Ou alors, juste le temps de deux jours pour faire plaisir à Allen. Mais outre cette exception, il est impensable pour elle de remettre les pieds dans cette fosse. Elle ne garde presque que des mauvais souvenirs et pourtant, elle s’inflige la vue de ce terrain en s’accoudant contre la barrière du belvédère. Il faut croire qu’elle aime se faire du mal, puisque ce n’est pas la première fois qu’elle se rend ici et qu’elle plonge son regard en direction de son ancien lieu d'habitation. Cependant, les abysses n’occupent pas son esprit, la jeune femme ayant d’autres préoccupations. Elle l’est tout particulièrement depuis quelques jours, pour plusieurs raisons. L’acceptation de certains de ses défauts, les changements que cela nécessite et ou nécessitera, son rapport avec ses parents, sa relation avec Allen, l’ombre de Gigi qui plane sur eux. Elle n’est pas sereine – mais elle ne l’est jamais quoi qu’il arrive – alors elle a besoin d’un moment pour elle, au calme, loin de tous les candidats. Elle n’a rien contre la solitude même si elle ne la recherche pas forcément, mais il est vrai que cette notion est quasiment inexistante dans cet hôtel, elle finit toujours, tôt ou tard, par être rejointe par une personne ou une autre. Et aujourd’hui ne fait pas exception à la règle puisque lorsqu’elle se décide à déposer ses prunelles sur autre chose que les abysses, elle découvre la présence d’Imma. Si la jeune femme l’a beaucoup perturbée à cause de sa peau, les premières semaines, les choses se sont quelque peu arrangées du côté de Mylah. Le choc d’avoir une peau bicolore a fait place à l’agréable harmonie des tâches d’Imma. C’est toujours un peu perturbant par moment, mais globalement, elle bloque moins qu’au départ. Le changement, justement. Et plutôt que de laisser le champ libre à Imma pour profiter encore un peu d’une solitude ailleurs, elle accepte sa présence, puisque la jeune femme est interdite de paroles. Elle ne parle déjà pas beaucoup en temps normal, c’est dommage que Rowan ait jugé ce gage utile. Enfin, il est vrai que pour le moment, cela ne dérange pas Mylah. « Tu lui en veux ? » À Rowan, mais elle ne le précise pas, cela lui semble évident. Et si cela ne l’est pas, Imma devra tenter de faire comprendre à Mylah son besoin de précisions. Autant dire qu’un dialogue de sourds s’annonce, puisque la blonde est en mesure de reconnaître des hochements de tête ou des signes lambda comme une main tournant devant un estomac pour justifier la faim, mais rien de plus. « Ce n’est pas trop difficile ? » Termine-t-elle, maintenant lancée sur le sujet. Lorsqu’elle se pose des questions, elle a besoin d’obtenir des réponses, et tant pis pour ses préoccupations qui sont reléguées au placard.

Imma est nostalgique de la période abysses, tout en ne l'étant plus tant que ça. Elle l'est parce que la vie dans la nature, elle aime ça. Même si en Namibie elle vit à la ville, il lui arrive très souvent d'être dans des "pays" plus reculé et de vivre bien plus durement que ce qu'ils avaient vécu durant cette semaine d'intégration. Elle adore ça, dormir dehors et c'est presque prise de passion pour les feux de camps. Mais elle n'est plus tant nostalgique de cette période que ça non plus. Sur le simple principe qu'à ce moment là, elle n'était qu'une petite candidate trop réservée, trop sauvage, trop à l'écart. Vivant l'aventure uniquement par procuration, sans réellement y prendre goût. On ne peut pas dire qu'Imma soit extravertie, mais elle est bien plus ouverte au jour d'aujourd'hui que lors de cette première semaine - et les quelques autres qui ont suivi. Même privée de la parole, elle est bien plu tournée vers les autres. Elle parle plus souvent, ne s'empêche plus de toucher les gens, quand dans son pays, elle a tendance à parler que lorsqu'on elle en a le droit et de toucher que lorsqu'on le lui demande. Ca change beaucoup pour elle. Tiraillée entre ces deux sentiments envers les abysses au loin, elle décide de se rendre au belvédère. La première fois de toute l'aventure. Ne ressentant peut-être pas l'envie d'aller là-bas. Préférant la nature sauvage du jardin exotique à la hauteur de cet espèce de balcon. Sur lequel elle approche à pas léger, ses yeux se portant immédiatement sur la jolie blonde. C'est qu'elle est vraiment belle Mylah, élancée, élégante, quasiment mystique. Si elle a souvent l'impression d'être considérée ainsi, elle ne se sent pas légitime face à une créature comme sa camarade. Imma ne voit pas ses défauts, seules ses qualités importent. Soufflant doucement, Imma s'approcha d'elle, tout en désignant immédiatement sa bouche, pour parler de son gage, pour finalement bouger sa tête de droite à gauche. Non elle n'en veut pas à Rowan pour ça, après tout c'est elle qui n'a pas joué le jeu: si elle avait vraiment réellement répondu à ses questions, elle pourrait à présent parler. Elle n'est pas qu'exclusivement victime de ce gage, elle l'a cherché. Et puis finalement elle ne se sent pas tant persécutée ou privée de quelque chose de très important avec ce gage: elle se sent parfois mieux de ne pas avoir à parler et s'épanouit dans ses mimes. C'est bête, mais parfois elle s'exprime mieux avec ses mains. Elle bouge alors à nouveau sa tête de droite à gauche pour lui signifier que non, ce n'est pas si difficile que ça. Pour cette semaine, parce que deux lui semble très long. Mais aussi lui apparaît comme un défi à sa portée, qu'elle sera ravie de surmonter pendant quinze jours. Ou plutôt huit à présent. De son index blanc, Imma désigne sa camarade, puis ensuite sa bouche. Avant de faire une petite moue. Elle lui demande simplement - et comme elle le pouvait - si elle trouverait ça dur à sa place. En gros, si elle réussirait à tenir deux, voire même une seule semaine sans rien dire.

Elle n’est pas mécontente que ce soit Imma qui la sorte de ses pensées, puisque celle-ci est incapable de parler durant cette semaine et peut-être la suivante. Alors, forcément, cela l’arrange que ce soit elle qui la surprenne quand elle semble avoir l’esprit ailleurs, car si Imma vient à le remarquer, elle ne pourra pas poser la moindre question. Enfin, elle peut toujours tenter à travers des gestes, mais il est fort probable que Mylah ne se montre pas réceptive. De toute façon, la blonde compte bien entamer la conversation la première, maintenant qu’elle a sa camarade sous les yeux, elle ne peut s’empêcher de repenser au gage dont elle a écopé. Est-ce qu’elle en veut à l’animatrice ? Cela ne semble pas être le cas. Elle lui en aurait voulu, elle, à sa place. Déjà que sans même utiliser le moindre joker, l’animatrice n’est pas entrée dans ses bonnes grâces, si en plus elle lui avait lancé un défi ridicule, il n’aurait pas été question de simple animosité, mais de véritable haine. Et, est-ce difficile ? Non plus. Mylah fronce légèrement les sourcils. Vraiment ? Elle, elle n’aurait pas tenu. Pas parce qu’elle est extrêmement bavarde, mais parce qu’elle n’aurait jamais eu la patience de tenter de se faire comprendre par les autres à travers des gestes. En parlant de geste, voilà qu’Imma semble s’adresser à elle. Mylah l’observe la désigner avant de reporter son index en direction de sa bouche et d’esquisser une petite moue. La blonde fronce les sourcils, plisse les yeux, comme si elle tentait de lire en Imma, mais c’est peine perdue, elle ne voit pas où elle veut en venir. Un dialogue de sourds, c’était prévisible. C’est difficile pour Mylah de comprendre Imma à travers ses gestes, elle qui n’en exerce peu lorsqu’il est question de s’exprimer, tout passe à travers ses paroles. « Tu veux que je me taise ? » Demande-t-elle, écarquillant les yeux. Ce n’est pas à elle de se taire, au cas où la candidate l’aurait oublié. Mylah n’est engagée à rien, elle peut parler si elle le souhaite. Et puis, elle comprend vite son erreur. On parle d’Imma, quand même. Alias l’une des personnes la moins apte à lui demander de se taire, il y a méprise sur ses gestes, assurément. « Toi, moi, lèvres… » Elle murmure pour elle-même tentant de comprendre les propos de la brune. Elle, Imma, ses lèvres, cela fait sûrement référence au gage, au gage qui est de ne pas parler, elle a esquissé une moue, cela se rapporte à quelque chose de désagréable. Elle a désigné la blonde avant elle, avant de porter son index à ses lèvres. Au bout de quelques instants, l’esprit de la blonde s’éclaire. « Oh, est-ce que j’aurais supporté un tel gage ? » Elle demande dans un premier temps. C’est sûrement une question dans le genre même si sa formulation n’est pas forcément celle qu’Imma avait en tête. « Je ne suis pas portée sur la gestuelle et j’aime me faire comprendre du premier coup, alors je suis plutôt satisfaite de ne pas avoir hérité d’un gage de la sorte. » Ou tout autre gage qui aurait pu la mettre dans une situation embarrassante. C’est bien pour cela qu’elle s’est montrée parfaitement honnête en n’utilisant aucun joker. Parce qu’elle ne voulait pas être handicapée comme l’est Imma ou tant d’autres avant elle, et puis aussi parce qu’elle n’est pas du genre à garder sa langue dans sa poche. « J’ai un carnet et un stylo, si tu veux. » Elle finit par dire, tandis qu’elle sort celui de sa poche. Son inséparable carnet qui ne la quitte jamais, toujours fidèle au poste quand elle doit faire des listes – ce qui arrive à peu près dix fois par jour – elle peut bien le prêter à Imma pour faciliter leur conversation. Claudia s’est également retrouvée interdire de paroles (bien que ce fut en compagnie des garçons, dans son cas), elle a pourtant réussi à communiquer grâce à cette astuce. Elle peut donc se permettre de la proposer à Imma, cela doit entrer dans les règles décidées par Rowan, sans qu’Imma ne risque d’être réprimandée. Et peut-être que c’est aussi plus agréable pour la jeune femme d’écrire plutôt que de gesticuler.