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À la base, quand Mylah passe dans l’un des couloirs de cet hôtel, elle évite soigneusement de porter son regard sur les murs. Car, inévitablement, son esprit ne se focalise plus sur son but premier – qui est de traverser ce couloir pour rejoindre une autre pièce – mais uniquement sur les détails qui l’entourent. Au premier étage, c’est la disposition inégale des signatures sur les murs qui l’obsède toujours autant même dix semaines après son arrivée, quant au second étage, c’est le nombre de poissons contenus dans l’aquarium, ainsi que le mystère de la méduse solitaire. Ce n’est plus un secret pour les personnes la connaissent un minimum, les chiffres peuvent vite perturber Mylah. D’autant plus qu’elle déteste les chiffres impairs, alors forcément, cette méduse n’a rien pour lui plaire. De base, ce n’est déjà pas très esthétique comme bestiole, mais ajouté au fait qu’elle soit seule, c’est d’autant plus perturbant. Mylah a eu le malheur de détourner le regard une fraction de secondes, et celui-ci s’est posé sur cette méduse. Cette foutue méduse. Alors la voilà, plantée devant l’aquarium, oubliant totalement la raison pour laquelle elle traversait ce couloir, se questionnant sur le pourquoi du comment. Pourquoi une seule et unique méduse ? Pourquoi cette espèce ? Pourquoi la mettre en avant comme s’il s’agissait d’une espèce relativement rare alors que ce n’est pas le cas ? Et puis, il n’y a pas que la méduse, il y a aussi les poissons dans l’autre aquarium. Poissons qu’elle n’a encore jamais réussi à compter, pour son plus grand malheur. Exit la méduse, la voilà plantée devant le second aquarium, carnet en main, tentant une nouvelle méthode. Faire un croquis des diverses espèces de poissons et y ajouter le nombre de représentants dans l’aquarium. Par espèces, ce sera sûrement plus faciles. Il reste le fait qu’elle ne sache pas le nom précis desdites espèces, élément perturbant, mais qui lui occupera l’esprit plus tard, elle est trop focalisée sur son compte pour se soucier de cela dans l’immédiat. Et elle compte, elle compte, reprenant ses mauvaises habitudes, elle qui était parvenue à traverser ce couloir sans peine pendant plusieurs semaines. Et finalement, elle est interrompue par une présence loin d’être discrète qui la perturbe suffisamment pour qu’elle se perde en cours de route. « Non, non, non. » Répète-t-elle, agacée tandis qu’elle dépose ses prunelles sur l’intrus qui n’est autre que Léo. Génial, il ne lui en fallait pas plus. Elle se veut muette, les prunelles déposées sur l’aquarium, attendant sagement qu’il passe son chemin, sauf qu’il ne semble pas être décidé. « Tu vas rester là jusqu’à quand ? » Lui demande-t-elle, en l’observant d’un air las. « Cela ne te lasse pas de m’agacer à la moindre occasion ? » Étonnement, sa question se veut surtout sérieuse. Car elle ne comprend pas qu’il s’en soit pas encore lassé, il y a d’autres choses plus importantes dans la vie. Comme Maha. En parlant de celle-ci. « Tu ne dois pas rejoindre Maha quelque part ? » Façon de lui demander de continuer son chemin, car il l’interrompt dans une quête très importante, oui.

J’suis plutôt étonné de constater que Mylah reste dans le jeu alors qu’elle a été éliminée. Elle est pire qu’une moule s’accrochant à son rocher la blonde. Quoi que j’ai constaté que c’était l’amour fou avec Allen, tellement fou qu’elle ravale sa fierté sans doute. D’ailleurs j’ai remarqué qu’il dormait à ma place. Mon ancienne place j’veux dire. J’ai noté ça dans un coin de ma tête pour aller emmerder mon ancienne partenaire avec ça, ce sera pour la prochaine fois que je la croise si je trouve rien d’autre entre temps. D’ailleurs qui voilà, je vous le donne en mille, Mylah. Enfin disons plutôt que c’est moi qui débarque puisque je ne suis que de passage tandis qu’elle admire les poissons un carnet à la main. Mon dieu je me demande quelle étrangeté de psychorigide elle a encore trouvé pour s’occuper. Comme d’habitude elle est ravie de ma présence sauf que cette fois elle innove : elle se plaint avant même que je ne sois arrivé à son niveau. Sans rien dire et d’une expression totalement neutre je me stoppe à côté d’elle, glissant ma tête au niveau de la sienne afin d’avoir la même vision qu’elle sur l’aquarium. Je plisse des yeux comme si ça allait m’aider à mieux y voir et je reste là sans rien dire. A elle l’honneur. « Jusqu’à ce que je tu partes. » Je lui réponds tout naturellement, demeurant dans ma position d’hyper concentration factice. « Non. » J’aime bien emmerder mon monde dès que j’en ai l’occasion sauf qu’avec Mylah j’ai trouvé la personne idéale. Même si au début elle était vraiment trop frigide pour être drôle –elle l’ignore sans doute mais elle a bien failli me décourager à un moment donné- elle s’est considérablement améliorée. « Non plus. » Elle ne se débarrassera pas de moi et je resterais dans cette position agaçante jusqu’à ce qu’elle se lasse. Attendez, j’ai une illumination soudaine. Je quitte mon attitude de rat de bibliothèque pour quelque chose d’un peu plus surpris, yeux ronds à l’appui. « Tu prends des notes sur les poissons ? Tu t’intéresses à la faune marine ?! » Je suis surpris déjà parce que je m’y attendais pas, ensuite parce que je me demande pourquoi et enfin parce que je nous ai enfin trouvé un point commun si c’est le cas.

Même si Mylah n’a jamais cessé de compter tout ce qui est susceptible de l’être, elle a été plus discrète ces dernières semaines, ne sortant son carnet que lorsqu’elle était certaine d’être seule. Et c’est bien pour cette raison qu’elle se permet de le faire dans ce couloir, puisqu’il est désert. Dans l’idéal, elle l’aurait traversé sans faire attention aux aquariums, mais elle n’y est pas parvenue. Outre le nombre de poissons, il y a un autre facteur qu’elle n’a jamais réussi à déterminer au fil des semaines : le nom de chaque individu. Alors certes, il y a des poissons rouges ou des chirurgiens bleus tout à fait quelconques, mais le reste lui est considérablement inconnu et elle n’aime pas cela. Elle n’est pas en mesure de les classer par famille et c’est suffisamment perturbant à ses yeux. Mylah est finalement déconcentrée par une présence dans le couloir, ce qui suffit à lui faire perdre son compte. Et lorsqu’elle constate que ce fameux intrus n’est autre que Léo, sa mine perturbée fait place à l’agacement, car elle sait pertinemment comment son ancien partenaire va se comporter. On pourrait croire qu’avec la fin du jeu, le fait qu’ils soient tous deux éliminés et qu’ils ne se soient pas côtoyés pendant plus d’une semaine, ils auraient pu repartir sur des bases plus saines. Or, rien n’y fait, Léo l’insupporte par sa seule présence. Elle compte l’ignorer jusqu’à ce qu’il se décide à passer son chemin, mais cela ne semble pas être sa priorité. Ainsi, elle anticipe et lui demande jusqu’à quand il compte rester là, car elle n’attend qu’une chose : qu’il continue son chemin et que leurs chemins ne se recroisent plus jusqu’au prime de dimanche où il est probable que tous deux fassent acte de présence. Et sa réponse lui provoque un léger soupir ; il est toujours le même. « Je ne vais donc pas m’éterniser. » Râle-t-elle tandis qu’elle continue à porter son attention sur l’aquarium plutôt que sur le jeune homme. Elle ne l’espère pas assez agaçant pour décider de la suivre si elle décide de quitter les lieux, et de toute façon, elle ne voit pas l’intérêt qu’il aurait à agir de la sorte. Elle l’interroge afin de savoir si cela ne le lasse pas de constamment l’agacer, mais la réponse est non – elle l’a connu d’ailleurs plus loquace. Quant à savoir si Maha ne l’attend pas quelque part, tentative pour elle de se débarrasser de lui, la réponse est également négative, ce qui lui provoque un léger soupir. Et puis, finalement, son expression change et il lui pose une question qui s’avère sérieuse et intéressée, pour une fois. « Ne me fais pas croire que tu t’intéresses à ce que je fais. » Elle répond dans un premier temps, un peu sceptique, car elle peine à imaginer qu’il puisse être autre chose qu’agaçant. « Un peu, oui. J’aimerais découvrir à quelles familles ils appartiennent. » Elle préfère parler des familles des poissons plutôt que de son obsession à vouloir savoir leur nombre. Mais pourquoi elle répond à sa question alors qu’il va certainement y aller de son petit commentaire désagréable ? C’est la grande question. Se maudissant elle-même d’avoir parlé de sa préoccupation, elle se concentre une nouvelle fois sur l’aquarium et ignore royalement Léo. Elle ne pourra pas l’empêcher d’émettre le moindre commentaire, mais elle pourra toujours prétendre ne pas l’avoir entendu.