Le petit-déjeuner c’est le repas le plus important de la journée. Ou peut-être est-ce le déjeuner, je ne sais pas et je m’en fiche puisque c’est le moment où je mange le plus. On ne peut pas en permanence manger des fruits et légumes, personne ne peut survivre en ne consommant que des produits peu caloriques. Pour côtoyer des stars au quotidien dans les clips et les comédies musicales où je suis engagée pour danser je peux vous assurer qu’on ne peut pas sans se créer des carences à compenser en ingérant d’autres produits dangereux pour la santé. Le secret du corps parfait ne se trouve pas là, un tel secret n’existe pas, une légende urbaine utilisée à tort et à travers pour donner aux bonnes femmes envie d’adhérer à n’importe quel régime et à dépenser de l’argent à droite à gauche pour tester telle ou telle méthode révolutionnaire. Pour se maintenir il n’y a pas cinquante mille solutions, un métabolisme généreux, des activités sportives très régulières, une alimentation régulière et maitrisée, des excès de temps à autres… Voilà ma recette, celle qui fait que même avec mes quarante balais dans le nez je reste bien dans ma peau. Le matin j’ai envie de me faire plaisir, de ne pas me prendre la tête et c’est ce que je fais. De la musique par ici, des pancakes en train de cuir par là-bas et un bon café au lait pour terminer, le paradis. Je me retourne et sursaute. « Nom d’une pipe, tu m’as fait peur ! » Que fait-il en caleçon celui-là ? Je ne l’ai jamais vu habillé depuis que nous avons intégré la villa. Attendez, ah mais oui, c’est celui qui n’a pas été chanceux du tout à la loterie. J’ai remporté un dé à coudre, pas de quoi sauter de joie, mais au moins j’ai retrouvé mes fringues, loin de l’orange de la prison des abysses. « On s’habituerait presque à te voir te trimballer à moitié nu ! » Je commente, un sourire mutin aux lèvres. « Je fais des pancakes, ça t’intéresse ? » J’entends d’autres bruits de pas, une jeune fille entre dans la cuisine. « Salut… Euh… Emeline, c’est ça ? Non… Attends… Elvira ? » Retenir les prénoms ce n’est pas mon truc.

Enola fait parti de ces gens avec le sommeil léger, le moindre petit bruit suspect et le moindre contact physique suffit à la réveiller. D'ordinaire, Clotaire fait de son mieux pour rester à distance de la salvadorienne n'aimant pas tous les deux la proximité dans un lit, ils en ont convenu ensemble. Aucun humain ne contrôle ses gestes durant son sommeil et ce fut le cas cette nuit où le pied de Clotaire vînt frôler la cheville d'une Enola qui se réveilla instinctivement aux aguets. Il ne devait pas être trop tard puisque la majorité des résidents de la chambre caramel était encore assoupie. La brune joua la carte de la discrétion se dirigeant à pas de loup vers la sortie , inquiète à l'idée de réveiller ses camarades. Enola se glissa dans la douche étonnamment déserte où elle eût le loisir de profiter d'un jet brûlant contre sa peau dorée plus longtemps qu'à l'accoutumée. En sortant de la douche tous ses sens étaient maintenant en éveil, elle enfila le premier gilet qu'elle trouva dans le dressing hanté pour la couvrir un minimum, elle qui ne portait qu'un short de pyjama et un débardeur lorsqu'elle allait dormir. La jeune femme descend dans une cuisine déserte, se prépare un café avant d'aller se munir d'un roman qu'elle a pioché dans les étagères du bar-bibliothèque et d'un plaid bien chaux pour se rendre dans le patio fleuri, son endroit préféré du nid. Elle ignore combien de temps elle est restée assises emmitouflée dans son plaid à lire un roman où elle ne comprend pas la moitié des mots mais lorsqu'elle revient, elle tombe sur un autre genre de spectacle. Une femme d'un certain âge, sûrement la doyenne du groupe accompagnée d'un Lawrence en caleçon dans la cuisine. Sa camarade la salue, hésitant à de nombreuses reprises sur son prénom sans jamais le deviner. « Désolée mais tu es vraiment loin du compte. Moi c'est Enola » . Elle lance à l'intention de sa camarade puisque le barbu connaissait très bien le prénom de la salvadorienne. C'était Enola et pas Emeline ou Elvira comme elle pouvait bien le penser. « Alors c'est comment cette expérience de semi-naturiste ? » . Elle demande à l'adresse de Lawrence puisque sa camarade est manifestement habillée. Elle se doute que ce ne doit pas être une semaine facile pour le barbu contraint de montrer une bonne partie de son anatomie à tous les téléspectateurs. « Tu prépares quoi de bon ? » . Elle demande à son ancienne chef d'équipe dans les abysses curieuse de découvrir l'étendue de ses talents culinaires.

Il me reste clairement beaucoup de travail à effectuer pour espérer retenir le prénom de chacun de mes compagnons d’infortune. Je n’ai jamais été particulièrement douée pour retenir des informations importantes sur d’autres personnes, je galère déjà à retenir les miennes alors bon… Toujours est-il que je me lance, incertaine, et trébuche. Enola, je n’étais pas trop loin avec Elvira, ça se ressemble non ? Elle ne prend pas mal le fait que je me sois attelée à massacrer son prénom sans le faire exprès, de quoi me rassurer et me permettre de retrouver la sérénité de ce début de journée. « Enchantée Enola, et toutes mes excuses pour le massacre, j’ai quelques difficultés à retenir les prénoms de tout le monde. » Elle en a la preuve. Revenons-en à Lawrence qui se trouve dans une situation assez gênante cette semaine. Pas pour nos yeux, parce qu’il n’y a clairement rien dont il puisse avoir honte avec un tel corps, mais surement pour lui, d’autant plus s’il est pudique. Je ne le connais pas, aucune idée de ce que cela lui fait de se retrouver dans une telle position, il doit faire avec de toute manière alors j’espère pour lui que ça ne l’emmerde pas trop. « La combinaison orange ? Sérieusement ? » Je le questionne, d’humeur à charrier un petit peu. « Je préfère largement te voir ainsi que dans un orange dégueulasse. » Et si je me concentrais sur mes pancakes ? Je propose naturellement à mes deux camarades de les nourrir, parce qu’ils ne vont tout de même pas être là, à me regarder manger mes pancakes alors qu’ils ont le ventre aussi vide que moi. Non… Et puis je suis habituée à être aux petits soins avec tout le monde, sauf lorsqu’on me fait concurrence dans mon domaine de prédilection, la danse, mais je suppose que c’est ainsi pour tout le monde au boulot non ? Lawrence se présente à son tour, nous en avons donc terminé avec cette première partie très importante pour lancer la conversation, une bonne chose de faite. Je retourne un pancake dans ma casserole et le fait glisser sur une assiette qui contient déjà cinq ou six pancakes que je viens déposer sur la table. « Bon appétit, vous voulez du jus d’orange avec ? » Je marque une pause, retourne à la cuisson de mes pancakes un instant. « Parlez-moi un petit peu de vous, vous venez d’où ? » Tentative désespérée de combler le blanc qui semblait sur le point de s’installer.

La jeune femme a eu du flair, elle a le chic pour arriver dans la cuisine au moment où ses camarades décident de préparer de bon petit plat. Une douce odeur s'échappait des fourneaux alors que son ventre commençait tout juste à crier famine, l'occasion était parfaite pour se faire servir le petit déjeuner par une bonne âme. Elle a le loisir de constater qu'elle n'est pas seule lorsqu'elle entre dans la cuisine américaine, elle est très vite accueillie par la cuisinière en chef qui fait un effort surhumain pour deviner son prénom. Emeline, Elvira tout y passe et, dans son extrême bonté, elle décide de rectifier le tir en la corrigeant. « Je ne vais pas te jeter la pierre pour si peu, je suis à peu près aussi nulle que toi pour retenir les prénoms des autres » . Elle avoue histoire de déculpabiliser Greta qui a fait du mieux qu'elle pouvait. Évidemment elle a remarqué Lawrence vêtu simplement d'un boxer, une situation qu'elle imagine très gênante pour le barbu. Elle lui lance un sourire compatissant, essayant de plaisanter sur le sujet avec lui mais elle voit bien que cette semaine il n'en a pas envie. Il esquive sa question, secouant la tête en prenant la direction de la table pour mieux se cacher. « Ne fais pas cette tête, tu vas me briser le coeur. Promis j'en parlerai plus » . Elle ajoute faisant la moue. Il ajoute qu'il regrette déjà sa combinaison orange chose qu'elle peut totalement comprendre et ce même si elle n'a aucune pudeur. Elle a ses limites et passer une semaine en sous-vêtements devant de parfaits inconnus c'était beaucoup trop pour elle. Mais Greta n'a pas l'air d'accord avec lui, elle préfère largement le voir dans cette tenue juste pour le plaisir des yeux. La jeune femme manque d'exploser de rire, bon très bien si elle commence à faire du rentre-dedans au barbu elle n'a plus qu'à tenir la chandelle. « Moi je te préfère en costume le dimanche soir » . Et c'était sûrement elle qui avait le plus raison entre les trois. Alors qu'elle demande à Greta ce qu'elle leur a préparé de bon, c'est l'homme de l'assemblée qui lui répond lui annonçant que des pancakes étaient au menu. « Génial, je meurs de faim » . Elle annonce enjouée alors qu'elle rejoint Lawrence qui l'invite à se joindre à lui. Pendant que Greta s'occupe des fourneaux, elle en profite pour reporter son attention sur son voisin avec qui elle a discuté la semaine passée. « Alors ça se passe bien avec ta partenaire ? » qu'elle lui glisse comme ça l'air de rien alors qu'elle est en fait très curieuse de connaître son avis sur la petite Zélie qu'elle a trouvé vraiment très bizarre et décomplexée lors de leur première rencontre. Greta revient enfin avec une assiette de pancakes proposant à ses hôtes du jus d'orange. Qu'est-ce qu'elle est serviable l'ancienne cheftaine de la team Sega. « Je veux bien merci, mais viens t'asseoir avec nous » . Elle l'enjoint, pas question qu'elle ne mange pas une seule bouchée de son plat. Elle retourne à la cuisson de ses pancakes tout en leur demandant d'où les deux jeunes gens venaient. « Je viens de Vegas » . Elle répond spontanément ne s'étendant pas trop sur le sujet pour laisser à chacun son temps de parole.