Elyan

Si durant la semaine précédente les habitants du nid d'amour s'étaient tenu à la règle de vie en collectivité la plus stupide du monde -toujours manger tous ensemble, malgré qu'ils étaient beaucoup plus nombreux qu'un groupe de scouts en camp de vacances- pour la deuxième semaine, les candidats avaient semblé enfin comprendre qu'attendre pendants des dizaines de minutes les retardataires et s'échiner à servir tous les plats en même temps étaient des efforts vains. Ainsi, je rentrai dans la cuisine avec comme but de me préparer à manger et, Dieu merci, pour moi seul et non pour une vingtaine d'ingrats difficiles et aux allergies diverses. Attrapant, sans la moindre gêne, un plat préparé la veille par un total inconnu, je pivotai pour allumer le four, en tenant celui-ci sur l'avant-bras comme le meilleur des serveurs. Soudainement, sans crier garde, l'appareil se mit à émettre des -BIP- successifs et chroniques, si bien que je restai pendant quelques secondes planté bêtement droit comme un "I", abasourdis. Des bruits de pas me firent sortir de ma léthargie et, mains tenues devant moi en signe d'innocence, je me retournai. « J'ai peur de ne pas faire très original, mais je n'ai pas la moindre idée de comment ce truc peut fonctionner ... » annonçai-je. Le four très "haute technologie" possédait une multitude de boutons de couleurs et tailles différentes et j'étais sûr de pouvoir m'avancer sur le fait qu'à moins de venir d'une galaxie sur-développée, au grand jamais quelqu'un pourrait réussir à ce servir de cette machine.

J'avais la dalle. Cette semaine s'en était fini de manger dans les plats des autres ou de profiter de l'intérêt de certaines personnes pour la cuisine, je devais me débrouiller. J'avais reculé ce moment le plus longtemps possible, midi puis une heure et deux heures mais deux heures trente passées, mon estomac criait famine et je devais me résoudre à ne plus manger des chips pour le repas, je soupirais, j'allais bien trouver un sandwich à me faire, quelque chose qui ne me ferait pas prendre quelconque casseroles. Lorsque je franchis le seuil de la cuisine, un bruit épouvantable en sortait, des bips sonores que je ne connaissais pas, je fronçais les sourcils alors qu'Oskar se tournait vers moi pour m'indiquer « J'ai peur de ne pas faire très original, mais je n'ai pas la moindre idée de comment ce truc peut fonctionner ... » Je fis une nouvelle grimace et m'approchais de lui, appuyant sur un bouton du four qui ne fit pas taire le bruit. « Je crois que je ne suis pas plus doué que toi » Je regardais, déconfite, le matériel de cuisine qui n'étais pas mon dada, je vivais seul chez moi, je cuisinais donc un peu, souvent des boites, surtout des trucs rapides mais jamais je n'avais un four aussi perfectionné.

Une légère moue déçue se dessina sur mes lèvres dès la seconde qui suivit la grimace se formant sur le visage du grand blond. Le destin ne m'avait apparemment pas envoyé une aide divine en faisant entrer dans le petit coin cuisine du nid d'amour un expert en nouvelles technologies ou en four. « Je crois que je ne suis pas plus doué que toi » vins confirmer mon hypothèse le jeune homme. Il se risqua tout de même à tenter d'appuyer sur l'un des nombreux boutons tactiles, ce qui n'eut, comme par hasard, aucun résultat particulier étant donné que le bruit strident et désagréable continuait à persister. A moins que mes conduits auditifs ne soit totalement dérèglés suite aux incessants -bip-... Un coup d'oeil vers le candidat suffit pour me confirmer que je ne devenais pas barjo et qu'il était clair, vu sa mine perplexe, que mon cerveau n'était pas prêt à connaître un instant de répis. « Quand tu te dis que certaines personnes dans le monde mange en luttant pour allumer un feu afin de faire cuire leur nourriture, cette chose en est presque indécente ... » constatai-je à haute voix, plus pour moi que pour entamer la conversation. Lançant un petit coup d'oeil à l'habitant, juste avant de reprendre, tout en m'essayant à appuyer sur de nouveaux boutons sans obtenir succès: « Tu es Elyan, n'est-ce pas ? Remarque, je sais même pas pourquoi je te le demande, ça serait effrayant si après plus d'une dizaine de jours en colocation, je ne me rappelais pas ton nom... » Je le scannai d'un air inquisiteur, me demandant si lui se rappelait de mon prénom.

Je ne relevais pas la constatation de Oskar, me contentant de hocher la tête tout en fixant le four qui bippait inlassablement, me donnant mal à la tête, je regrettais déjà d'y avoir poser un doigt pour foutre le bordel. « Tu es Elyan, n'est-ce pas ? Remarque, je sais même pas pourquoi je te le demande, ça serait effrayant si après plus d'une dizaine de jours en colocation, je ne me rappelais pas ton nom... » Je fixais toujours le fou, la technologie, très peu pour moi, je soupirais tout en levant mon visage vers le jeune homme pour lui répondre « Oui ... Tout d'un coup j'ai honte .... Arthur? Hortense? Austin? » Je fis une moue désolée tout en réfléchissant encore « Tu es pas Nathan, il te manque la choucroute, ni même Erin puisque je crois bien que c'est une fille ... Hum ? ... Oskar, y'a un Oskar ici non? ça doit être toi ! » Fier de ma découverte, j'espérais ne pas m'être trompé à son sujet, honteux de ne pas retenir les prénoms après près de deux semaines dans la maison. Je tournais une nouvelle fois la tête vers le four qui bippait encore « Et comment on le fait taire lui? y'a pas genre un bouton on/off, des fois il y a un bouton du genre sur les appareils, peut être que sur celui là aussi, laisses moi voir » Je m'agenouillais en face du four afin de l'examiner avec une peine infinie.

Léger sourire au bord des lèvres, je fixai Elyan d'un air sarcastique, ayant anticipé la réponse du jeune homme dès lors qu'un bref malaise d'une demi-seconde eut empli la pièce. « Oui ... Tout d'un coup j'ai honte .... Arthur? Hortense? Austin? ». Je ris doucement en entendant les divers noms proposés. J'avais franchement une tête à m'appeler Hortense ? pensai-je, presque apeuré. C'était un nom qu'on attribuait à plusieurs fleurs et sincèrement, ça m'aurait foutu mal de me nommer comme une plante. Il allait sérieusement falloir que je fasse quelque chose pour améliorer mon petit minois. « Tu es pas Nathan, il te manque la choucroute, ni même Erin puisque je crois bien que c'est une fille ... Hum ? ... Oskar, y'a un Oskar ici non? ça doit être toi ! ». « Óskar, effectivement. Bien joué grand chef. ». Lançai-je, pince-sans-rire, en faisant exprès d'appuyer l'accent sur mon nom en le prononçant comme il se devait. En réalité, personne, même pas ma mère pourtant à l'origine de ce prénom d'origine islandaise, ne le prononcer correctement étymologiquement parlant, ayant grandit en Angleterre, mais je savourais d'avance la tête qu'allait faire le blondinet. « Et comment on le fait taire lui? y'a pas genre un bouton on/off, des fois il y a un bouton du genre sur les appareils, peut être que sur celui là aussi, laisses moi voir » Je me reculai de quelques pas pour le laisser s'engouffrer dans le petit coin face au four, avant de dire en haussant les épaules, avant de confier: « Pour être sincère, je n'ai qu'un micro-onde chez moi ... Du moins, quand j'ai un chez moi. » rajoutai-je, énigmatique.

« Óskar, effectivement. Bien joué grand chef. » Je fronçais les sourcils en attendant l'accent, n'étant pas sûr de savoir en faire autant moi aussi, plus tard, je hochais la tête pour lui signifier que j'avais compris mais n'étais pas persuadé que je pourrais facilement le prononcer, tant pis, je le ferais à l'anglaise et il s'habituerait aux Anglophones, point final. Ajoutant un peu plus de pitié à son cas, Oskar parlementait de son chez lui ou plutôt de son non chez lui en dehors de l'émission « Pour être sincère, je n'ai qu'un micro-onde chez moi ... Du moins, quand j'ai un chez moi. » Je tournais la tête vers lui, un sourire pincé, toujours accroupi en face du four « Tu es un genre d'artiste qui vit à la volée ou juste un malheureux qui n'a toujours pas trouvé quelque chose de décent en Irlande? » Perdant un peu l'équilibre, je me retenais au four et reportais mon attention dessus, un bouton on/off, un bouton on/off « TROUVE ! » J'appuyais sur le bouton et tout s'éteignait dans un bruit sourd, je regardais mon jeune camarade d'infortune « J'ai bien un four chez moi mais pas aussi perfectionné et puis je préfère le micro-onde, je ne sais pas cuisiner » Je me redressais, frottant mes mains une à une pour finalement les essuyer sur mes fesses, je repris « Il me faudrait trouver quelqu'un qui sache faire la cuisine » Je souris et m'appuya sur le plan de travail derrière moi, faisant face à Óskar.

« Tu es un genre d'artiste qui vit à la volée ou juste un malheureux qui n'a toujours pas trouvé quelque chose de décent en Irlande? ». « Pas vraiment... » commençai-je dans un demi-sourire, même si je ne dessinais pas si mal que ça, je n'avais pas vraiment l'étoffe qui allait avec. « Je suis interprète. » poursuivis-je, comme si ça expliquait tout. N'ayant terminé mes études seulement quelques années auparavant, je courai plus après les clients, qu'ils venaient me réclamer mes services, si bien que pour me plier au désir de ceux-ci, j'étais obligé de bouger plus souvent qu'il ne le faudrait, ne me posant jamais bien longtemps dans un pays. Même si j'avais essayé de répondre de ma voix habituellement nonchalante, je n'avais pu freiner une très légère pointe de fierté. J'adorais ce que je faisais et les langues faisaient en quelque sorte partie intégrante de ma vie, en rapport à ma famille multiethnique. « TROUVE ! ». Mon visage s'éclaira et je savourai d'ores et déjà le silence délicieux qui avait emplit la cuisine, quand le jeune homme avait appuyé sur le fameux bouton. Sans exagération, quelques minutes de plus et je serais réellement devenu fou avec ce bruit accablant. « J'ai bien un four chez moi mais pas aussi perfectionné et puis je préfère le micro-onde, je ne sais pas cuisiner ... Il me faudrait trouver quelqu'un qui sache faire la cuisine ». « Et bien, les surgelés sont ton amis, jeune homme ! » dis-je en m'esclaffant légèrement, avant de reprendre en lui adressant un sourire sympathique: « Je crois que je connais sur le bout des doigts les produits de Mark&Spencer. Les pizzas sont bien trop salé, les haricots verts idéaux pour soigner un mal de tête grandissant et il ne faut jamais se laisser avoir par les paquets de bagels, qui vantent des morceaux bien plus grand que s'en est réélement le cas. » récitai-je, expert en la matière.