Le prime fut riche en émotions. Je me suis amusée comme une folle, j’ai appris à connaitre un candidat à côté duquel j’étais complètement passée jusqu’à présent et je suis passée par l’étape des nominations. Même si je me suis comportée comme une fille super confiante je ne pensais pas avoir la moindre chance de réintégrer l’aventure et pourtant… Pourtant le binôme que je forme avec Pablo est revenu sain et sauf de cette première mise en danger. Espérons qu’elle ne sera pas la première d’une longue série, je tiens à connaitre une ou deux semaines plus calmes, tranquilles, sans pression. Je suis encore sous le coup de l’adrénaline, j’ai du mal à réaliser la chance que j’ai de toujours être ici, je tombe paradoxalement de fatigue. Vous est-il déjà arrivé d’être fatigué au point de piquer du nez mais de ne pas parvenir à trouver le sommeil une fois couché ? C’est l’enfer n’est-ce pas ! Ainsi, lorsque Pablo me rejoint dans notre lit et me demande si je dors je saute sur l’occasion pour me retourner et lui adresser un sourire. « Non, je n’arrive pas à m’endormir ! » Tant mieux, je pense qu’il est grand temps d’apprendre à se connaitre, nous qui partageons la même chambre depuis les abysses. « Je suis contente aussi, on a plus de temps pour apprendre à se connaitre ! » Je marque une pause et reprend, curieuse. « Tu connais l’expression « confessions sur l’oreiller » ? » Il a surement compris où je veux en venir à présent. « Dis-moi quelque chose à ton sujet, n’importe quoi ! » Ce qui lui passe par la tête.

Quelqu’un peut-il vraiment parvenir à trouver le sommeil après une soirée aussi riche que celle qui vient de passer ? Si tel est le cas alors je lui tends mon chapeau, je ne fermerais probablement pas l’œil avant plusieurs heures, le temps nécessaire pour me remettre de mes émotions. Une chance que Pablo ne soit pas épuisé au point de s’endormir sur le champ, il me demande même si je suis endormie et je saute sur l’occasion pour me retourner, avide de confidences. Il m’a l’air heureux des résultats du prime de ce soir, comment ne pas l’être ? Nous avons tous les deux été sauvés par le public, un beau pied de nez à la majorité des candidats qui, plus tôt dans la semaine, ont décidé de nous nominer. Allez savoir pourquoi mais j’opte pour le terme « confidences sur l’oreiller » sans penser ne serait-ce qu’une seconde à la connotation plus sexuelle de l’expression. C’est tout moi, parler sans réfléchir et me rendre compte après qu’il y a ambiguïté là où je ne désire en placer. La réaction de Pablo n’a pas de prix, cela dit, il est tout gêné, il bégaie et remonte la couverture sur ses épaules, j’ai l’impression d’être un cannibale en chaleur en le voyant faire et je décide d’en jouer, me redressant avec un vile regard fourbe et pervers. « On peut respecter l’expression à la lettre si tu veux. » Je glisse le bout de mes doigts le long de ma clavicule que je longe avec une certaine sensualité en le regardant, quelques secondes s’écoulent et j’explose finalement de rire. « Oh mon dieu, tu devrais te voir, c’est à mourir de rire ! » Le pauvre a paniqué je crois, qu’il se rassure, mamie ne tentera pas la pédophilie ce soir ! Il semblerait qu’il m’ait compris puisqu’il me dévoile une chose à son sujet, il a bien choisi le sujet ! « C’est ta fille ? » Je le questionne, quasi certaine que c’est le cas… ça m’apprendra à ne pas écouter les portraits diffusés lors du premier prime. « J’ai également un fils, bien plus âgé mais il me manque tout autant. Nous n’avons pas l’habitude de ne pas pouvoir nous parler pendant de longues périodes. »

Le pauvre petit, je crois bien qu’il est traumatisé, il aura probablement besoin d’une ou deux années de psychanalyse pour parvenir à se remettre d’un tel acte. Il est tellement difficile de ne pas exploser de rire face à un Pablo apeuré qui recule au fur et à mesure que j’avance vers lui. Un lit est toujours trop étroit dans ce genre de situations et j’utilise ce constat à mon avantage avant de lamentablement me mettre à rire. Vous devriez voir la tête qu’il fait, au bord de l’infarctus, je me demande même s’il n’était pas à deux doigts de se mettre à pleurer comme un enfant en me suppliant de ne pas lui faire du mal. C’est mignon, j’en pleure, les larmes coulent naturellement contre mes joues et je me tortille de rire en le regardant petit à petit prendre conscience qu’il ne s’agissait là que d’une blague. « Pablo, t’es mignon mais t’as l’âge d’être mon fils, j’aime peut-être les jeunes mais il ne faut pas abuser, pas à ce point-là ! » Je prends une grande inspiration et expire pour reprendre le contrôle et me calmer, c’est dur cela dit, cette image de Pablo apeuré restera pour le restant de mes jours ancrée dans ma mémoire. Je redeviens sérieuse, mais reste assise en tailleur pour pouvoir mieux discuter et échanger avec mon binôme, il me parle de sa fille qu’il élève tout seul depuis un an avec l’aide de sa famille, intéressant et intriguant. « Qu’en est-il de la mère ? Vous êtes séparés ? » J’ai l’impression d’avoir posé une mauvaise question, on ne sait jamais, il a très bien pu lui arriver quelque chose de tragique. A mon tour de répondre à ses questions, ce que je fais avec une certaine joie, parler de mon fils me rend tellement heureuse, surtout ici. « Il s’appelle Jagger, il est déjà grand, vingt-quatre ans, je l’ai eu très tôt, lorsque j’étais au lycée. » Difficile d’aborder le second sujet, plus pénible pour moi. Je tente de garder le sourire malgré tout, j’ai tourné la page à présent. « Je suis restée suffisamment longtemps avec son père pour me rendre compte qu’à l’exception de mon fils il ne m’a rien apporté de bon dans la vie ! » Je ne peux pourtant pas regretter de l’avoir rencontré, il m’a offert le plus beau des cadeaux lorsque je suis tombée enceinte. « J’ai élevé mon fils toute seule, ma famille et moi ça a été compliqué pendant un moment, aujourd’hui ça va mieux mais nous avons perdu un temps fou. » C'est grâce à lui que je reparle à mes parents, sans Jagger je pense que je ne leur aurais plus jamais adressé la parole de ma vie et je l'aurais regretté. On ne peut tourner le dos à sa famille sans en souffrir, sans risquer de s'en mordre les doigts une fois qu'il est trop tard pour revenir en arrière.