Lawrence aurait rarement passé autant de temps dans la salle de détente que ces derniers jours, comme si inconsciemment il tentait d'éponge son blues à coup d'activités ne nécessitant pas d'autre effort que celui de se poser dans un canapé pour s'intéresser à la vie de personnages enfermés dans un écran de télévision plutôt que de penser à sa propre existence. Passé par la cuisine en début d'après-midi il avait trouvé un bol de fruits secs abandonné sur le plan de travail, et personne à l'horizon à qui il pourrait appartenir, alors il l'avait récupéré et avait machinalement pris la direction de la salle de détente pour se donner une bonne excuse d'engloutir son contenu. Arrivé sur place pourtant il avait eu la déception - modérée, tout comme son envie réelle de voir un film - de déjà trouver quelqu'un devant l'écran, occupé à regarder un film que Lawrence n'aurait lui certainement pas sélectionné dans sa volonté de penser à autre chose qu'aux fêtes de Noël. Répondant au salut de Pablo par un signe de tête, il avait haussé les épaules avant de s'installer sur l'autre bord du canapé, son bol de fruits secs toujours à la main « Je travaille. » La période des fêtes était l'une de ces périodes touristiques où l'hôtel affichait complet, sans compter les innombrables réunions à la mairie pour discuter du budget de l'année à venir, et où chaque conseiller municipal défendait son point de vue et ses projets comme un lion défendait son bifteck. « C'est Home alone ? » avait-il finalement demandé à son tour, avec un brin de curiosité, tandis que son regard se posait sur l'écran de la télévision. La question était purement rhétorique, en réalité. « Ce film nous avait persuadé mon frère et moi que faire de la luge dans le grand escalier du hall était une idée de génie. Un nez cassé et un vase de chine en miettes plus tard nous avions revu notre jugement. » L'idée n'était pas aussi géniale qu'elle en avait l'air. Quant au vase de chine ils avaient tous les deux eu de la chance que leur gouvernante trouve une autre explication à sa disparition, sans quoi ils auraient tous passé un sale quart d'heure lorsque le maitre des lieux était rentré de voyage.