@SALVADOR & LAWRENCE
22:08 ~ 04/01, monday
Cela faisait bien dix minutes maintenant qu'il parcourait les étagères de la bibliothèque du regard, la tête penchée sur le côté comme pour faciliter la lecture de la tranche des livres entassés là et n'attendant que d'être empruntés et lus par quelqu'un. Contrairement à d'habitude il ne flânait pas sans idées, il était à la recherche d'un livre en particulier et avait donc l'occasion de se rendre compte qu'en cinq semaines les étagères avaient eu largement le temps de se transformer en joyeux bazar dans lequel certains candidats n'estimaient pas utile de remettre les livres qu'ils avaient empruntés à leur place initiale. Agacé, mais pas non plus d'assez bonne volonté pour entreprendre lui-même de ranger ce qui avait été dérangé, il avait de toute manière fini par trouver le livre qu'il cherchait : Le mouron rouge, de la Baronne Orczy. Sa mère en avait une version reliée particulièrement coûteuse dans sa bibliothèque personnelle ; Une autre de ces reliques auxquelles Bobby et lui n'avaient jamais eu le droit de toucher, parce que leur père les gardaient jalousement. Tant et si bien que maintenant qu'il n'avait plus personne pour l'en empêcher Lawrence n'osait toujours pas y toucher, et ne l'avait donc jamais lu. Aujourd'hui il pouvait. Plutôt que de quitter la pièce directement après il n'avait pas résisté à l'envie de passer derrière le bar, attrapant un lowball parmi les autres verres avec une certaine habitude et récupérant la bouteille de whisky sur laquelle il jetait son dévolu à chaque fois et qui pourtant ne lui semblait jamais se vider. Il terminait tout juste de se servir quand le chevelu du groupe avait débarqué dans la pièce, Lawrence se contentant dans un premier temps d'un vague signe de tête en guise de salutation, par politesse. « Je te sers quelque chose ? » qu'il avait pourtant fini par demander, dans une vague tentative de montrer patte blanche et de ne pas faire preuve de mauvaise volonté. Et puis il avait déjà la bouteille de whisky à la main, avec avec un peu de chance c'est ce qu'il choisirait et il n'aurait qu'à tendre le bras pour attraper un second verre. « Ta partenaire t'as toujours en grippe ou tu as réussi à la raisonner ? » Pour avoir passé à la fois le prime puis veillé avec elle jusque tard dans la nuit, Lawrence croyait pouvoir dire sans hésitation qu'Enola avait été particulièrement agacée que Salvador s'absente d'un prime où il était pourtant nominé. Il pouvait la comprendre, lui-même aurait probablement été particulièrement agacé si Zélie en avait fait de même, particulièrement quand on voyait la manière dont elle lui répétait parfois un peu à outrance qu'elle était là pour le jeu et pour le vivre à fond, comme si elle essayait de s'en convaincre.