Ce qui me manquait le plus, de la vie à la maison, était probablement les premiers repas de la journée, lorsque toute la famille se rassemblait autour de la table. C'était pour cette raison que j'avais décidé de réveiller les autres - ou au moins, ceux qui se décideraient à s'extirper du lit - en hurlant, dans les deux chambres: « DEBOOOUUUUUT, FAINÉANTS! Si vous vous dépêchez, je vous fais le petit déjeuner. » J'espérais réussir à motiver quelques participants malgré l'heure peu inspirante. Sautillant jusque dans la cuisine, je tentais de réfléchir à quoi préparer. Ce n'était sans doute pas le moment de tenter une expérimentation étrange, comme mes vermicelles avec Gallilée. J'ai donc attrapé quelques fruits, les coupant avec rapidité et habileté - comme quoi j'avais tout de même quelques talents en cuisine. Caramboles, papaye, bananes, mangue et fraises: cette maison regorgeait de fruits délicieux. Salade de fruit ce serait, avec des toasts pour accompagner le tout. Un bruit attira mon attention vers l'entrée de la cuisine, et j'ai souri à la personne venant dans ma direction. « J'espère que tu aimes les papayes. » J'ai pointé le plat de la pointe de mon couteau, montrant la quantité astronomique du fruit orangé qui s'y trouvait. J'avais peut-être eu un peu trop d'enthousiasme en préparant les fruits. Ou alors, j'avais trop d'enthousiasme, tout court, sans autre complément. Trop souriante, trop heureuse pour cette heure de la journée. Au moins, on ne pourrait pas me reprocher de miner le moral des troupes, qui ne volait déjà pas haut...

Avais-je déjà dit que j’étais toujours le dernier à me réveiller ? Oui sûrement, j’avais pris cette mauvaise habitude depuis le début de l’émission, et m’obstinais à la garder. Etais-je ma faute si le matelas était incroyablement confortable et si les draps étaient si doux ? Et puis j’étais sûrement un paresseux de nature, il ne fallait pas m’en vouloir. Aussi, j’étais encore dans les bras de Morphée, à rêver de je ne sais plus quoi, quand une affreuse voix perçante vint me réveiller. Oh doux réveil que celui-ci, vraiment … Je sursautai, quittant brusquement et presque violemment mon paradis rêvé pour revenir dans la réalité. Les yeux totalement embués, mais assis dans le lit, je baillais à m’en décrocher la mâchoire toutes les cinq secondes. Mais pas moyen de retrouver cette envie primaire de dormir. J’étais condamné à rester éveillé. Aussi, je me levais, très beau dans mon bas de pyjama rouge flamboyant, des cernes sous les yeux, les cheveux encore plus décoiffés que d’habitude. Je ne pris même pas la peine de me rendre dans la salle de bains, de toute façon j’aimais bien rester dans cette tenue longtemps dans la journée. Et puis il était encore trop tôt. Même si je n’avais pas forcément faim, je me rendis à la cuisine, me souvenant vaguement qu’elle avait parlé de petit déjeuné. « J'espère que tu aimes les papayes. » Je marmonnais dans ma barbe un faible oui, alors que je m’asseyais sur une chaise – enfin m’affaler serait le verbe le plus juste. Je me frottais les yeux fortement pour enfin voir correctement. Sortant tout doucement de tout ce brouillard, je vis enfin la personne qui préparait activement à manger. « Dis, tu te réveilles souvent à cette heure-ci ? Si c’est le cas, à partir de maintenant je te voue un culte. » Je dis ça avec tout le sérieux du monde, totalement admiratif pour toutes ses personnes arrivant à être en forme dès le matin, de si bonne heure.