TENUE / La soirée est encore jeune, et pourtant, j’ai l’impression que cette journée est interminable. Possiblement dû à cette nuit écourtée, à dormir dans une chambre entourée de sept inconnus. À m’éveiller en sursaut à chaque bruit inhabituel venant gâcher mon sommeil léger : ronflement, quinte de toux, reniflement, grisement de dents. La totale. Un soupir s’échappe de mes lèvres, alors que je jette un coup d’œil à la montre qui cerne mon poignet : il est un peu plus de dix-neuf heures.  Trop tôt, même pour moi. Jamais je ne rejoints mon lit avant vingt-et-une heure, sinon, je n’ai plus qu’à dire bonjour à un réveil aux petites heures du matin alors que je suis plutôt du type marmotte le matin, optant pour sortir de sous mes draps aussi tardivement qu’il est humainement possible sans risquer de me mettre en retard et de compromettre mon job. J’ai bossé tellement fort pour l’obtenir, il est impensable que mes sales habitudes ne viennent m’enlever ça. Mais c’est épuisant d’être à la fois travaillante et paresseuse, ambitieuse et pantouflarde.  I think there's a flaw in my code. Comme un défaut de fabrication. Après tout, il doit bien y avoir quelque chose qui cloche avec moi : il n’est pas naturel de perdre ses deux parents avant même d’être en âge de comprendre. Un second soupir, et je me lève du sofa sur lequel je suis posé depuis un peu plus d’une heure pour filer vers l’extérieur, en direction de jardins zen. Ma main s’enfonce dans l’une des poches de mon jean et en ressort un paquet de clope, duquel je sors une cigarette que je coince entre mes lèvres. Je le remets vite fait à sa place, attrapant du même coup le briquet, dont je fais craquer la flamme. Je tire un long coup avant de laisser s’échapper dans le ciel un filet de fumée toxique, cette même fumée qui m’empoisonne lentement les poumons. Véritable vice d'une vie forgée dans la solitude. Mes pas s'enfoncent dans les sentiers du jardins, m'éloignant un peu plus à chacun d'eux du palais impérial qui surplombe le décor de par sa taille imposante.

Première journée au sein de l'aventure Fake Lover. Je n'ai pas encore ressenti l'envie de quitter cet endroit, je pense que c'est un bon point. Je ne sais pas combien de temps je supporterais d'être enfermé de la sorte, on verra bien. C'est un challenge personnel. Savoir si je suis capable de rester des semaines et des semaines au même endroit, moi qui ait la bougeotte constante. Je suis toujours en train de vadrouiller aux quatres coins du monde. Oui parce qu'il va de soit que si je décide de jouer à fond, j'ai de beaux jours devant moi dans cette émission. Je suis persuadé d'être là encore un bon moment tant que je le décide. Enfin pour l'heure je suis bien loin de toutes ces considérations, on en est qu'au premier jour. Autant dire les prémices de cette aventure. On entre dans la phase découverte, quand tout est encore nouveau pour nous. Que ça soit les lieux comme les occupants. Pour l'heure, je suis en train de marcher dans les allées du jardin zen. C'est plutôt joli et apaisant, je dois l'avouer. Bien que ça ne soit pas forcément le genre de trucs dont je sois très sensible. J'aperçois une candidate, @lina. Elle a une chose qui m'intéresse, je décide d'aller à sa rencontre. " Salut. Tu m'en files une ? " que je demande en désignant sa clope. Ce n'est pas le genre de choses que j'ai emmené avec moi dans mes valises. Faut dire que je ne suis pas un grand fumeur. Juste occasionnel. " C'est toi la fille bénie par la roulette. “ J'ai cru comprendre qu'elle a déjà remporté un petit pactole alors que ce n'est que le début. De quoi faire un départ canon. Pour ma part, j'ai obtenu deux indices lors du prime, et la roulette m'a filé 2000 boules, alors clairement je ne suis pas le plus à plaindre. " C'est que tu dois être sacrément malheureuse en amour pour avoir le cul autant bordé de nouilles. "
   
  tenue

( Désolé, je suis passée de la première à la troisième personne. )

Cette balade en solitaire n’est que de courte durée, à l’image des rares moments de solitude dont elle a pu jouir au cours de cette première journée dans cette aventure. L’homme qui l’aborde ne se complait pas dans les bavardages interminables, préférant aller droit au bout dès les premiers mots qui sortent de sa bouche. Au moins, ça a le mérite d’être clair, et c’est dans un haussement d’épaules que Lina, coinçant sa clope entre ses lèvres, libère l’une de ses mains qu’elle glisse dans la poche de son jean, pour en ressortir son paquet, qu’elle tend vers le candidat, dont le nom lui revient finalement à la mémoire. Cristopher. - Et toi, nul autre que le candidat chouchou de la production. - Favori de par sa sélection hâtive, il a surement ce petit quelque chose qui échappe encore à Lina, et qui a su suffisamment capter l’attention des responsables du casting. Mais il a tout de même raison à son sujet : la roulette semble s’être montrée clémente avec elle, en cette première semaine de jeu. Généreuse, même. En tête de liste des candidats les mieux nantis du nid, tout comme son couple qui remporte aussi cette palme. Une position dangereuse, à un stade si peu avancé du jeu. Risquée. Telle une épée de Damoclès pendue au-dessus de sa tête, attendant sagement le moment de faire tomber son couperet. Sa remarque arrache presque l’ombre d’un sourire à la jeune femme, avant qu’elle ne roule les yeux au ciel. - Le néant de ma vie amoureuse s’explique donc enfin, Dieu merci. - C’est l’ironie qui perle au fond de sa voix, avant qu’un éclat de rire soudain ne traverse finalement ses lèvres. Une véritable comédie, plus qu’une tragédie.

Je ne m'encombre pas en courbettes et politesse en tout genre. Les coucou, ça va, magnifique temps, beau jardin et autres conneries je les laisse aux autres. J'attrape une clope du paquet qu'elle me tend, la porte à mes lèvres, alors qu'elle me l'allume. Je la remercie rapidement avant de tirer une taf dessus. Je rejette la fumée en l'air alors que je l'entends me qualifier de chouchou de la production. " Tout à fait. “ que je réplique amusé. ” Et bientôt chouchou du public. “ Pour cette dernière affirmation, j'ai beau avoir une très haute estime de ma personne, et une confiance à toute épreuve, je sais aussi que je risque probablement de diviser l'opinion publique. Déjà de base, montrer qu'on a du fric, ça dérange. Et clairement je respire la richesse. Ensuite ma personnalité ne fera pas forcément l'unanimité. Suffisamment cependant pour aller loin j'en suis certain. En tout cas, en parlant d'argent, dans ce jeu, les rôles sont inversés par rapport à la vraie vie. Elle en a clairement plus que moi. La chance est avec elle pour l'instant. Et vous savez ce qu'on dit, heureux au jeu, malheureux en amour. Elle parle carrément du néant de sa vie amoureuse. ” De rien, je t'ai sans doute fait économiser des années de thérapie. “ Tout ça grâce à moi. ” Dois-je en déduire que tu n'es pas là pour trouver l'amour ? Ou alors justement tu cherches à combler ce vide incommensurable ? “ Quelque chose me dit qu'elle n'est pas là pour trouver le prince charmant. De toute façon je crois que rare sont celles et ceux qui viennent dans cette émission dans le but de trouver le grand amour. Puis attendez, le nom du jeu c'est quand même ”Fake Lover", et non “Real lover”. Autrement dit tout est fake.