D’un naturel curieux et entreprenant, je n’avais de cesse de me promener un peu partout dans le nid de Cupidon, fouinant, explorant et crapahutant partout où il m’était permis de le faire. L’endroit regorgeait de possibilités d’activités en tous genres et j’étais suffisamment ouverte d’esprit et globale excessive dans tout ce qu’il me prenait l’envie d’entreprendre que j’avais très vite décidé de tout faire, peu importe mon intérêt initial pour l’activité en question. Je n’avais par exemple jamais péché de ma vie (à part dans des jeux vidéo, mais pas sûre que ça compte) et j’étais fermement décidée à ne pas laisser ce détail m’arrêter. Ça ne pouvait pas être si compliqué que ça. Motivée et (presque) prête à braver tous les dangers, j’enfonce mes mains dans des gants de jardinage afin d’attraper quelques asticots. Les gants sont trop grands et trop épais, si bien que je galère comme c’est pas permis pour n’en attraper qu’un, faisant circuler ma prise d’une main à l’autre pour n’en conserver qu’un parmi les trois ou quatre qui gigotent contre le nylon. Un peu comme quand j’essaie de ne garder que le jaune d’œuf. Quand je suis enfin parvenue à n’en garder qu’un, je ne peux pas m’empêcher de le couver du regard, soudaine prise d’incertitude, ma belle motivation toute envolée. Ok, il est dégueulasse et tout, mais il est quand même mignon. J’ai vraiment pas envie de le tuer. Surtout si c’est pour blesser un poisson. Je crois que j’ai vraiment pas réfléchis en fait. Je sursaute soudainement en entendant un bruit, et me retourne pour découvrir que je ne suis plus seule dans la cabane du pêcheur. L’effet de surprise passé, je reporte mon attention sur Gaston (mon nouveau bébé asticot, suivez un peu), interdite. « Salut !  Dis moi, tant que tu es là, est-ce que par le plus grand des hasards tu aurais des connaissances sur le système nerveux des vers, ou sur leurs émotions ? » je lui demande, l’air de rien.

Tu évites un peu les endroits avec l'eau en général, tu as l'impression que ça attire le froid et tu n'aimes pas avoir froid, le seul endroit que tu veux bien visiter c'est la piscine intérieure dont on t'as parlé. Parce que c'est à l'intérieur et que c'est chauffé. Donc t'es pas vraiment dans ton élément quand tu te balades au niveau du ponton et compagnie, t'essayes de passer outre pour pouvoir découvrir tous les endroits mais t'as un peu de mal. Finalement une petite cabane se dessine devant toi et tu te décides à faire le curieux jusqu'au bout et aller voir ce qu'il y a dedans. Lorsque tu arrives à l'intérieur, visiblement la cabane n'est pas vide, de un, de deux c'est cette fille que tu as remarqué au prime, Fawn, et ensuite elle a un ver de terre dans les mains donc ta curiosité grimpe un peu plus subitement. Tu n'as pas le temps de parler qu'elle te remarque aussi et te pose une question assez spécifique sur les vers de terre. Un rire passe tes lèvres, relevant plus du reniflement moqueur qu'autre chose, et tu secoues un peu la tête sans bouger de là où tu es. Oui, bien sûr, je suis chercheur scientifique en vers de terre. Tu annonces, la voix claire, comme si tu donnais réellement ton métier avant de croiser une nouvelle fois son regard et de hausser un sourcil, l'air de lui demander s'il a vraiment la tête de l'emplois. J'en ai aucune idée mais on s'en fiche un peu, non ? Tu demandes en te rapprochant finalement d'elle, ton regard balayant la pièce avant de te rendre compte que ça a dû être laissé à l'abandon total et qu'une colonie d'araignées a décidé de s'y installer aussi. On peut étudier les araignées aussi si tu préfères ? Ca serait sans doute plus intéressant qu'un truc qui se tortille. Tu annonces avec un léger soupir et jette un coup d'oeil par-dessus son épaule au ver qu'elle tient dans la main et ceux qui grouillent dans l'espèce de seau. Tu culpabilise de l'utiliser ? Ta question finit par tomber, plus sincère.

La répartie cinglante ne se fait pas attendre, je ne suis pas surprise car ma question ne laissait pas place à un nombre incalculable de réponses. Il aurait peut-être pu me sortir la même réplique dénuée de sarcasme, mais ça aurait été une coïncidence extraordinaire de tomber sur un expert en vers de terre, ici, parmi des candidats de télé-réalité – y croiser un scientifique tout court aurait été tout simplement étonnant à l’extrême. Je doute en effet que ce genre d’émission puisse constituer autre chose qu’un frein à leur carrière et une atteinte à leur crédibilité. En guise de réponse, je me contente d’un sourire en biais, avant de reporter mon attention sur le drôle de ver. « Oui, on s’en fiche peut-être. Enfin, je sais pas. Je suis très curieuse, j’aime bien savoir des trucs. » j’explique avec une moue contrite, comme si j’étais exagérément déçue de ne pas avoir de réponses à mes interrogations. « Je t’avoue que je préfère les araignées. Elles ont leur charme. Les vers me dégoûtent juste – je sais, c’est cliché. J’aimerais être une fana de vers, mais je ne suis pas si originale. » Je hausse les épaules d’un air nonchalant avant de reposer le ver où je l’ai trouvé, puis je retire mes gants. « Un peu. C’est bizarre de le transpercer, comme ça, insouciamment, pour essayer de choper un poisson en le blessant à son tour. J’imagine que je suis une fragile hypocrite, et que je préfère acheter un filet de saumon sans avoir à me soucier d’où il vient. » je conclue avec une moue ironique, tout à fait consciente de la contradiction dans ma philosophie. J’aime bien pointer mes défauts du doigt, j’ai toujours eu cette manie, je ne sais pas pourquoi. « Tu as déjà pêché ? Ou chasser ? » je lui demande ensuite, par curiosité.