Alors que certains avaient peur du noir, Harvey s’y complaisait et s’y mouvait avec une dextérité supérieure à la moyenne. Malgré ses deux mètres, il n’était pas dégingandé et savait parfaitement comment utiliser ses membres, chacun d’entres eux. Et quand d’autres préférer se coucher tôt, Harvey profitait des heures de calme et de silence pour visiter les environs. Certes, il s’était déjà balladé dans la journée mais la nuit, tous les chats sont gris, c’est bien connu. Et la plage prenait un aspect différent, les eaux devenaient inquiétantes, troublantes. Il avait beau être attiré par le bruit sans fin des vagues, il préféra s’assoir sur le ponton, fixant sans le voir l’horizon qui s’offrait à lui. Il avait beau savoir que vivre en communauté apporterait son lot de conflits, il ne pensait pas que cela aurait commencé si tôt, il n’avait pas réellement pensé de toute manière. Il était simplement là, et maintenant qu’il y était, il comptait bien tout faire pour jouer le jeu. Mais le silence restait son principal allié, son plus fidèle ami, et lorsqu’il entendit des bruits de pas derrière lui, si l’instinct lui souffla de se retourner, il n’en fit rien, sachant qu’il n’allait pas être attaqué, du moins pas physiquement, pour le reste, il s’attendait à tout.

Je n'étais pas habituée à dormir avec une autre personne. Enfin, une personne imposante, car souvent, le week-end, ma petite sœur de trois ans s'invitait dans mon lit en prétextant un cauchemar. Toujours est-il que ce petit bout de femme ne prenait pas beaucoup de place contrairement au géant qui partageait mon lit pour l'aventure. Je me faisais toute petite dans mon coin, espérant sincèrement que je ne lui inflige pas l'un ou l'autre supplice durant mon sommeil. Cette nuit là, quand je m'étais réveillée, je n'avais trouvé personne à mes côtés. Merde. J'avais peut-être pris trop de place, ou pire, je l'avais frappé dans mon sommeil et il s'était finalement résignée en quittant le lit. L’inquiétude me gagnait. Le tic tac de l'horloge me torturait. Les yeux grandement ouvert, j'attendais, les nerfs exacerbés par son absence et par le temps qui filait sans l'attendre. Je changeais de positions à plusieurs reprises. Naïvement, je croyais encore que l'une d'entre elle pourrait m'emporter dans le pays des rêves... Mais non, rien n'y faisait, mes pensées en revenaient toujours à lui, que j'avais foutu en dehors du lit et qui devait trainer comme une âme en peine, privé de sommeil. L'inquiétude se changea en angoisse. je rejetais vivement la couverture et quittait la chambre sans plus attendre, partant à la recherche de mon partenaire. Ce n'est que bien plus tard, rongée par une peur irrationnelle, que je le trouvait sur le ponton. Inspiration, expiration. Je tentais de rester impassible pour ne pas lui montrer la nervosité qui m'habitait. Sérieusement, j'étais rassurée de le voir, on ne sait jamais qu'il soit tombé à l'eau, un accident était si vite arrivé. J'avançais pour le ponton, doucement, me raisonnant. Je vins finalement prendre place à ses côté, gardant mes pieds près de moi, mes cuisses contre mon corse, j'entourais mes jambes à l'aide de mes bras. L'eau me faisait peur. Je gardais le silence. Là, je me contenais. Pourtant, je devrais parler. Je n'aime pas parler... Enfin si, mais... Quand je ne connais pas, ça me fout la frousse. 3615 je racontais ma vie.

Lorsqu’une frêle silhouette prit place à ses côtés, Harvey tourna la tête pour découvrir sa partenaire. Billie. Il ne s’était pas encore fait d’avis sur elle, mais il savait qu’il était plus ou moins bien tombé. En tous les cas il aurait pu avoir pire, bien pire. On ne pouvait pas dire qu’ils avaient eu de grandes conversations tous les deux, peut-être aussi silencieux l’un que l’autre, il n’aurait su dire. Finalement, elle préféra briser la quiétude du silence. Il comprenait, il savait que beaucoup ne sont pas à l’aise dans le silence et préfère parler, de tout et de rien même s’il le faut, ce n’était pour autant pas le cas de la brunette et ses paroles l’interpellèrent. Elle paraissait sincère, elle était touchante, vraiment. Si jeune, si fragile, si insouciante. Il eut presque envie de la prendre dans ses bras, de la rassurer, de lui dire que tout irait bien. Mais il ne pouvait pas assurer le futur, tout ne se passerait peut-être pas si bien, et il se refusait au mensonge. Il s’approcha légèrement d’elle, ôta la veste qui recouvrait son torse nu et la posa sur les épaules de la demoiselle. « Tu n’as pas à avoir peur de moi, ou avec moi. » Si préserver de bonnes relations avec sa partenaire semblait primordial, il n’en était pas moins sincère et n’hésiterait pas à tout essayer pour la mettre à l’aise. « Au fil des jours tu vas te faire à la maison, tu vas avoir un peu l’impression que ce sera comme chez toi, mais avec toute ta troupe de danse, ou de théâtre, ou quelque activité que ce soit. Tu fais une activité chez toi ? » Il fallait y aller petit à petit, si elle n’était pas à l’aise la faire s’ouvrir au fur et à mesure de la conversation. Certes, il y a de bonnes chances qu’elle soit plus encline à lui parler si lui-même révéler quelques faits de sa propre histoire mais ce n’était pas à l’ordre du jour.

Ce n'est pas que j'ai peur... Enfin, pas vraiment. Non, pas vraiment. Ce n'était pas que j'avais peur, c'était simplement que je ne savais pas quoi dire pour engager la conversation, je trouvais les phrases toutes faites plutôt ridicules et je n'aimais pas m'incruster, je préférais quand les autres s'incrustaient, si on pouvait réellement appeler cela de l'incrustation. Mais d'une certaine manière, Harvey me rassurait. J'avais l'impression d'être proche de lui, pourtant, il n'avait rien dit de particulier, c'était juste comme ça... Peut-être simplement parce qu'il était gentil avec l'éponge humaine de la maison. Une troupe de danse ou de théâtre... Hm. Oui, cela me parlait. Je lui souriais, doucement. J'écris... Mais ce n'est pas vraiment en groupe. Sinon, j'ai fais de la danse, avant, quand j'avais encore le dos. J'avais du arrêter à contre cœur. Entre le boulot et la famille, je n'avais plus vraiment le temps pour de tel loisir. Ma famille. Pfiou. Je me demandais comment ma mère gérait mon absence. Je me demandais comment les petits s'en sortaient. Je me demandais si mon père ne s’inquiétait pas trop... ne jugeait pas trop, lui qui avait toujours été si protecteur avec moi. Mais oui, je m'y ferrais... Après je ne voudrais plus vous quitter et on serra obligé de me porter pour que je sorte de la maison. Non, mais je le savais, le jour où je partirais, je verserais toutes les larmes de mon corps. Trop émotive, il paraît. Puis j'ai un Super-Mâle sur qui compter. Un sourire, je le poussais doucement de l'épaule, déjà un peu plus franche, un peu plus à l'aise avec lui.