Il n’y avait pas à dire : nous étions gâtées. Voilà maintenant trois semaines que nous vivions en huit clos dans cette merveilleuse villa et en dehors de quelques accrochages auquel je n’étais pas mêlée, la vie en communauté se passait plutôt bien. Je m’entendais bien avec un peu tout le monde, et ce n’était pas plus mal, et avec certains plus qu’avec d’autres, mais quand même. Toutefois, vivre avec plus d’une vingtaine de personnes impliquait un certain abandon de sa vie privée et une dose plutôt limitée de solitude. Par chance que quelques lieux éloignés offraient ce semblant d’isolement qui faisait du bien à l’âme. Pour moi, c’était la plage, où je me trouvais à l’instant. Je pouvais passer des heures rien qu’à marcher ou me reposer, un bon livre à la main. D’ailleurs, je marchais à l’instant même, vêtue légèrement et sandales en main et pied dans l’eau, et je profitais du soleil, ne me préoccupant de personne d’autre sauf moi – ce qui était d’une rareté chez moi. J’étais détendu, relaxe et je poussais même l’audace à pousser un peu la chansonnette que le vent emportait dans les vagues. De toute façon, mieux valait que personne n’entende : je chantais une chanson en français, et maitrisant légèrement la langue (mais assez peu), cela sonnait parfois un peu faux. Et puis, j’étais loin d’être à la hauteur de la chanteuse elle-même. « ♪ On ne grandit pas, on pousse un peu tout juste le temps d’un rêve, d’un songe et les touchers du doigt. » Je n’avais pas en mémoire toutes les paroles de cette chanson, et durant ces moments-là, je sifflais l’air jusqu’à un nouveau couplet qui m’était connu. Trop concentré dans mon petit récital, je n'avais pas vu qu'on m'avait rejointe sur la plage.