► Le 14 février, 17h16, en compagnie de Lukas.
Eh bien, comment dire? Síomha se faisait gravement chier. Après une longue promenade sur les falaises, la dégustation d'un chocolat – oui, un seul, contrairement à certaines, elle faisait gaffe à la taille de son cul – et la découverte d'un magnifique bouquet de fleurs forcément laissé à son attention par un admirateur secret et... non, attendez, rien de tout cela n'était arrivé. Pas de balade romantique main dans la main, pas de boite de chocolats en forme de cœur, pas de fleurs. Dieu, elle n'avait donc pas de Valentin! Quelle tragédie. Vraiment. Non, ce n'est pas vrai, bien sûr que ce non, ce n'était pas vrai. Le quatorze février se résumait à un jour comme les autres dans sa vie ô combien excitante et divertissante. Ainsi donc, elle espérait qu'il n'y aurait personne dans ce château pour dire à quel point cette journée était extraordinaire. Ils étaient assez pénibles comme ça alors s'ils dégoulinaient de bons sentiments, ça serait sans doute pire. Toujours est-il que la belle plante à la chevelure blonde avait passé une bonne partie de son après-midi dans la salle de sport, à se défouler du mieux qu'elle pouvait. Courir, marcher, sauter, faire du vélo, de la boxe. Elle avait diversifié ses activités pour y passer un maximum de temps sans se lasser. Tragédie de sa vie: elle se lassait vite des choses. Des choses, des gens, des endroits. De tout. La respiration quelque peu saccadée, elle se rendit ensuite dans la salle de bain d'un pas soutenu, avec la bonne idée de prendre une douche. C'est ce que la logique voulait si elle souhaitait éviter de sentir le poney. Et elle se doutait bien que l'eau serait glacée après le passage de je ne sais combien de candidats, mais elle estimait avoir vu bien pire, si bien qu'elle commença à libérer sa peau de ce tas de vêtements inutiles.

Après avoir parlé avec Connor, j'étais retourné dans le château car malgré le bonheur d'être à l'extérieur, la fraîcheur avait eu raison de moi. Maintenant j'avais froid et je n'arrivais pas à me réchauffer. Je décidais donc de monter dans la salle de bain pour prendre un bain qui me réchaufferais bien mieux que toutes ces couches de vêtements. J'entrais dans la salle de bain, canne en main, et j'entendis des bruits comme si quelqu'un se déshabillait juste devant moi. Je m'avançais un plus dans la pièce pour me dirigeais vers l'une des baignoires. Je mis le capuchon et je commençais à la remplir d'eau chaude. Je rajoutais un peu de gel moussant et, à mon tour, je me déshabillais, assez gênant de le faire devant quelqu'un d'autre. Je préférais être seul pour ce genre de chose. Lhoas avait bien essayé de me décoincer à ce sujet mais c'était difficile de se laisser aller. J'étais pudique.

La belle n'avait pas encore retiré son pantalon que quelqu'un arriva dans la pièce. Décidément, même dans les environs de dix-sept heures, il y avait du monde dans la salle de bain. Elle pense toujours être seule, de toute façon, mais ne l'est quasiment jamais ou très peu souvent seulement. Elle devrait arrêter de s'étonner en voyant un autre candidat entrer dans la même pièce qu'elle. Vu le nombre de pièces dans le château et le nombre de candidats, ça frôlait l'impossible, d'être seul. Mais, pour tout dire, elle aurait presque pu penser que c'était un petit pervers venu pour l'espionner, mais non. Ce n'était que Lukas. Elle n'était pas certaine de ne pas être déçue, sur ce coup-là. Un pervers venu la mater, c'est tellement divertissant... Passons. Silencieuse, comme à son habitude, elle enleva les derniers vêtements qui protégeaient sa peau des regards indiscrets avant d'aller dans la douche, d'où elle avait une vue imprenable sur Lukas et le bain qu'il se préparait. Elle ne rata pas une miette du jeune homme partiellement dénudé. Pourquoi se gêner, après tout? Pas mal foutu, elle devait l'admettre. Bon, il était maladroit et coincé, mais ça n'enlevait rien au fait qu'il était plutôt agréable à regarder. « Pas mal. » commenta-t-elle brièvement avant d'allumer le jet d'eau sous lequel elle se trouvait. D'accord, c'est vrai: elle préférait faire des compliments à ceux qui en attendaient le moins et qui répondaient inévitablement en bafouillant. C'était toujours plus amusant.

Je faisais comme ce candidat n'existait pas. J'étais seul dans la salle de bain et je pouvais prendre ce bain pour me réchauffer en toute tranquillité. Je commençais donc à me déshabiller, retirant chaussures, jean puis tee-shirt. Je gardais, cependant, mon boxer. Je n'étais pas aussi libéré que Lhoas et je ne m'exhibais pas aussi facilement que lui. J'étais pudique et coincé et j'y survivais. « Pas mal. » Une voix venait de s'élever et pas n'importe laquelle. « Síomha ? » J'étais surpris que ça soit elle. Je ne l'appréciais pas vraiment. Notre dernière "conversation" remontait à la première semaine dans le jeu et j'en avais gardé un mauvais souvenir. Son ton et ses manières m'avaient déçu et, à cause de cela, je n'étais jamais retourné vers elle. En l'entendant, je me dépêchais alors de rentre dans la baignoire pour cacher son corps (mon corps) que personne ne devait voir. « T'aurais pu me dire que c'était toi. » Lui dis-je alors. Croyant que c'était Lhoas, Baptiste ou même Moore, je ne m'étais pas réellement posé de questions mais en découvrant que c'était elle, j'avais été pris de cours et je m'étais immédiatement mis dans l'eau. Avec toute cette mousse, elle ne pourrait plus rien voir. J'étais déjà soulagé. En plus de cela, l'effet bénéfique du bain faisait déjà action. J'arrêtais alors l'eau et je m'allongeais confortablement dans la baignoire. Je ne disais plus un mot.

Lukas avait soit un très bon esprit de déduction, soit une bonne mémoire. L'un ou l'autre, il avait compris qu'il s'agissait de la belle Síomha. Qui ça aurait pu être d'autre, de toute façon? « Gagné. » fit-elle de sa voix habituelle. Elle aurait pu prétendre le contraire et se faire passer pour n'importe qui d'autre, mais où serait l'intérêt à cela? « Tu veux quoi comme récompense? » Adorable comme elle l'était, elle voulait bien le laisser profiter de son corps, si c'était ce qu'il désirait. Elle était trop gentille, c'est vrai. Mais après avoir deviné du premier coup, il était en droit d'avoir tout ce qu'il souhaitait. Elle ne pourrait pas lui refuser l'accès au corps de la belle, tout de même. Pourquoi n'avait-elle pas dit que c'était elle? Pourquoi l'aurait-elle fait? Elle n'avait pas pour habitude de rendre sa présence inévitable. Elle ne faisait que passer dans une pièce, tel le vent. Pas besoin de faire une dissertation sur le fait qu'elle était présentement dans la salle. « Si le méchant loup avait dit au petit chaperon rouge qu'il n'était pas Mère-grand, il n'aurait pas pu la croquer. » suggéra-t-elle simplement. Où elle voulait en venir avec ça? Nulle part. La situation se prêtait juste bien à une telle réplique. « Alors, mon agneau, j'ai le droit de te croquer ou tu vas crier au loup? » ronronna-t-elle en étalant du gel douche sur sa peau. Autant dire qu'elle préférerait pouvoir le dévorer. Mais vous savez, elle avait une notion très appréciable du cannibalisme, demandez à Esther, elle avait sans aucun doute aimé ce petit échange insolite, la première semaine.

La jeune femme m'avait surpris. Être pris comme cela sur le fait n'était ce que j'appréciais le plus. J'étais même mal à l'aise qu'elle m'ait vu aussi nu alors que je portais encore mon boxer. « Tu veux quoi comme récompense? » Je ne répondis rien. Je pénétrais simplement dans l'eau pour cacher ce corps que Lhoas avait essayé de me décoincer. J'avais tenté et j'y étais arrivé mais seulement en sa présence. Avec Síomha, c'était une autre histoire. « Alors, mon agneau, j'ai le droit de te croquer ou tu vas crier au loup? » « Je, heu... » Je glissais un peu plus dans l'eau pour qu'il n'y est que mon visage qui dépasse. Je n'appréciais pas vraiment la jeune femme et c'était réciproque aux dernières nouvelles.

Trop facile. Tellement que ça en était presque décevant. C'était tellement simple de mettre Lukas dans l'embarras, c'était presque une honte. Elle ne disait pourtant pas grand chose et même en faisant référence au Petit chaperon rouge, histoire pour enfant naïf (le loup mange la grand-mère et la gamine sans les tuer, ni les démembrer, pas même une petite morsure... bien sûr, bien sûr, tout le monde y croit), le pauvre n'arrivait pas à prononcer une phrase complète. Pire que la blonde. Elle, au moins, bien qu'elle parlait peu, réussissait à donner une réponse composée de plus de deux syllabes. Elle resta sans rien dire pendant une seconde, savonnant une dernière parcelle de sa peau, avant de lancer: « Tu me facilites la tâche, je ne vais même pas avoir besoin de te dire de la fermer. » Visiblement, il faisait ça très bien tout seul. Voilà un peu d'économie de salive pour Síomha, que demander de plus? De nouveau, elle alluma le jet d'eau afin d'enlever les traces de gel douche qui étaient dessinés sur sa peau, avant d'attraper un shampooing au hasard.