Avec un corps comme le mien, on a tendance à croire que je passe ma vie dans la salle de sport à soulever de la fonte à longueur de journée. Sauf que non, ça m'emmerde profondément de ne rien faire, j'ai l'impression de brasser du vent, d'autant que je m'en tape de ressembler à Stallone. On ne dirait pas comme ça, pourtant la salle de sport je n'y suis allé que pour secourir Sonny de l'abominable tapis de course diabolique, et c'est peu dire. Pourtant, je me retrouve actuellement entrain de courir sur cette même machine qui a faillit causer la vie du candidat, courageux à souhait. Il faut dire qu'il était compliqué de dormir avec la locomotive Ruben qui allait bon train, haha, depuis plusieurs heures et qui sévissait pourtant depuis la chambre d'à côté. Un vrai calvaire. Poussé par un élan insoupçonné et insoupçonnable de courage et de motivation, j'avais investi les lieux, en tenue de combat, soit un petit short en coton que je ne sortais que pour les grandes occasions et un débardeur sans manches, tout un programme. Courant à vive allure sur la machine folle qui ne l'était visiblement pas tant que cela, mon regard se pose sur Artie, Lord Arthur de machin truc qui tel un vaillant soldat se précipita à allure particulièrement modéré dans la pièce. Qu'était-il entrain de faire ? J'arque un sourcil, interloqué. Un Lord pouvait alors transpirer ? J'exagère, je le conçois seulement, la simple vision du candidat soulevant de la fonte aurait faillit à me faire trébucher. Je l'observe silencieux d'abord, curieux néanmoins. Je cours toujours, sans ralentir la cadence pas peu fier de tenir un rythme soutenu à une heure pareille, puis ris, bruyamment. « Bien le bonjour l'Anglais, tu t'es perdu ? » Un salut militaire plus tard, me voilà à détailler le candidat, outrageusement.

Cela fait un intervalle conséquent de deux semaines entre, le moment ou Artie décide finalement de se guider vers la salle de sport, et le moment ou il y va pour de vrai. Attention, aucune arnaque, il s’agit bel et bien du Sir, habillé en sportif invétéré qui longe furtivement les couloirs du nid pour se diriger amèrement vers cette salle. Ficelé de la sorte, on avait du mal à le reconnaitre. Il était souvent étiqueté par une chemise, une veste, une rolex, des mocassins, mais pas une tenue de sport. Il fallait quand même préciser que même avec son polo blanc à ornement bleu, il restait charmant, soigné et gracieux, son short, quant à lui, donnait au londonien une allure de tennisman professionnel. Cette salle, Il faut bien l’avouer, n’était pas l’une de ses favorites, et il n’y avait d’ailleurs jamais posé les pieds, si, avec Baptiste, mais juste de passage, pour faire le ménage… Donc sans rappeler que ce jour est un jour important, Lord fera un peu de sport, impressionnant quand même. Ce n’était pas un habitué des salles et il négligeait fâcheusement son enveloppe charnelle, préférant de loin les bibliothèques ou les lieux mondains. Salle de gym rimait souvent avec transpiration, saleté et crasse, prétexte peu crédible pour l’ignorer en plus. Il poussa subitement la porte, prenant son temps de remarquer une montagne de muscle sur un tapis, il l’identifia, Connor, le grand Connor, charmant jeune homme, accueillant en plus. « Bien le bonjour l'Anglais, tu t'es perdu ? » Il est drôle non ? Peut être, mais il avait totalement raison, ce n’était pas dans ses habitudes de fréquenter des endroits pareils. Il ouvrit sa bouteille d’eau et en but une gorgée malgré le fait qu’il n’ait fait aucun effort pour mériter un quelconque ravitaillement. Il se met en position pour faire marcher le tapis. Il hésite un moment avant d’appuyer sur le bouton, mais il appuit, finalement, réglant ainsi la vitesse à une vitesse constante, pas comme celle du colosse, non, une vitesse normale, optimale, pour commencer doucement « C’est bien la bibliothèque non ? » Sarcasme, voilà…

Je cours à vive allure, pourtant aucune goutte de sueur vient perler sur mon visage, je suis aussi frais qu'une rose. Ma respiration n'est pas saccadé et mon rythme cardiaque est on ne peut plus normal. Un vrai sportif. Mon cul. Sans perdre mon rythme, je lorgne sur Artie qui fait son entrée dans la pièce, son ensemble contraste totalement avec ma tenue en coton, ça me fait sourire. Il soigne son allure même pour venir transpirer comme un porc, assez étrange. Mais chacun son trip. J'observe son petit manège dans un silence des plus religieux, il arrive, il boit comme s'il avait courut pendant des kilomètres, je trouve ça étrange, presque stupide mais ne relève pas il n'a pas l'âme d'un professionnel. Alors à quoi bon. Et puis, il s'installe non loin de moi sur le tapis de course, mais il ne court pas non, il trottine à peine. Un rire gras et bruyant s'échappe de ma bouche alors qu'il use de sarcasmes, je manque presque de m'étaler par sa faute. Si bien que je me laisse glisser sur le sol dans un geste tout à fait maîtrisé. La classe on l'a où on l'a pas, c'est pas une fatalité néanmoins. « Oui d'ailleurs fait attention, tu t’apprêtes à écraser Proust. » J'affiche une mine effrayé, ce serait un véritable gâchis, allant jusqu'à me cacher les yeux à l'aide de mes mains, pour ne pas avoir à subir tout ça. Après cette petite parenthèse théâtralisé, je me saisis d'une bouteille, puisque contrairement à Artie, je suis totalement déshydraté. Et puis, je balaye la pièce du regard et jette mon dévolu sur un appareil de cardio qui me fait de l'oeil. « Sérieusement, tu vas te froisser un muscle sans étirements. »

Le Sir règle à présent une vitesse avancée, ce qui lui permet de redoubler fâcheusement d’effort. Le jeune homme, lui, reste sur le même débit et poursuit sa course folle contre le chrono du petit tapis. Avec son débardeur, il ressemblait à un dindon, mais en plus beau. Il avait une certaine anomalie dans l’évolution de son corps car c’était sans aucun doute un géant, mais à qui les formes échappaient, démontrant ainsi une surcharge pondérale légère…Bref, à l’énonce de son sarcasme, il faillit chuter dans une gamelle qui restera dans les anales, mais se ressaisit finalement, costaud le jeune homme. Il reprend son équilibre avec grâce et réplique subitement « Oui d'ailleurs fait attention, tu t’apprêtes à écraser Proust. » Ce bide suffit amplement à arracher un sourire au Lord, oui, il sourit, toujours lancé dans sa course personnelle, plus légère, comparé à la sienne… Il reprend son visage habituel et lui répond naturellement « Tu crois que Proust me pardonnera ? » Réponse direct, bien formulée, rien d’autre à ajouter. Il affiche un air apeuré, comme s’il avait commit un crime grave. Le fait qu’il court en cet instant renforce cette idée, une idée axée sur la fuite, il s’imagine entrain de fuir les autorités… Lui !? Jamais ! Il ne lèverait jamais le petit doigt, bon citoyen notre Lord, londonien modèle, eh oui… Ça suffit d’ailleurs à le calmer. L’autre à déjà terminé sa séance, il arrête la machine et s’attaque au contenu d’une bouteille. Il en boit le contenu, assoiffé, déshydraté même. Artie fait de même, avec un geste pratiquement serein, il garde son équilibre, bouteille entre les lèvres, il en boit une nouvelle gorgée, il referme le bouchon, repose la chopine dans sa place habituelle et poursuit comme un pro sa course. Néanmoins, ce dernier l’arrête « Sérieusement, tu vas te froisser un muscle sans étirements. » Il met le système sous mode ‘’pause’’ ce qui à l’air de diviser la vitesse par deux, il a largement le temps de se tourner et de se jeter sur le sol calmement, avec modération. La machine s’arrêta progressivement, automatique ; bonne qualité, c'est noté… Il s’approche du jeune Connor, ou vieux, aucune idée sur son âge, mais il à l'air plutôt jeune le bonhomme, il pose sa serviette blanche immaculée sur son épaule, aucune transpiration, propre notre Sir, il se prononce. « Alors qu’est ce que tu me propose, chef ? » Il se permet de l’appeler chef, ça lui donnera une certaine estime, un amuse gueule qu'il croquera d’ailleurs... Artie n’est pas très doué en sport et un petit soutien ne lui fera aucunement du mal.