Déjà vendredi, la semaine s'était écoulée à une vitesse incroyable, plus encore que toutes les autres et cela probablement parce que Rory n'avait pas arrêté. Elle avait bougé doublement, dedans, dehors, comme si elle voulait combler la semaine et demi de maladie où elle avait du resté clouée au lit. Fallait dire que ça l'avait bien frustré ça !! Mais son petit corps n'en restait pas moins encore un peu faible. On l'avait pourtant prévenue : mollo girl ! Ouais genre c'était un peu parler dans le vent ça. Ainsi en ce début d'après midi, Rory se sent faiblir. Elle rejoint la bibliothèque, vide, dans l'espoir de s'y poser un petit quart d'heure. Il ne lui en faudrait probablement pas plus pour retourner vaquer à ses occupations par la suite. Elle attrapa le dernier numéro du magazine Rolling Stone et s'installa dans le petit sofa le plus moelleux de l'endroit. Dans son petit coin, elle feuilleta les pages, de plus en plus lentement lorsque soudain le magazine s'écrasa au sol, ouvert sur un article d'un énième nouveau groupe californien under-ground. La tête de Rory reposait sur le dossier du fauteuil, ses jambes son légèrement repliées dans leur longueur et sa respiration caractéristique d'une jeune femme en plein sommeil. C'était arrivé comme ça sans qu'elle ne s'en rende vraiment compte, comme si son corps lui disait "merde ! Maintenant tu va dormir ma fille !" Alors, elle dormait ... profondément. A un tel point, qu'elle n'entendit absolument pas Ruben rentrer dans la pièce. Elle était complètement out et bien emmitouflée dans son gros pull

Je n'étais pas un intellectuel. Pour tout dire, je n'en avais vraiment l'air que lorsque je portais mes lunettes, celles qui me donnaient un petit air de Geek tout à fait charmant, ou tout à fait con selon les points de vue. Et pourtant, malgré ça, je me plaisais à me rendre à la bibliothèque dans laquelle je me surprenais à lire des livres que, très honnêtement, je n'aurais jamais eu l'idée de lire en dehors de ce jeu. Je connaissais peut être un ou deux des auteurs et des livres présents dans cette bibliothèque, mais c'est tout. Ma culture littéraire s'arrêtait aux bandes dessinées Spirou et aux magazines Playboy. Car oui, j'étais un fervent lecteur de Playboy, mais comme si vous en doutiez... Ce vendredi après-midi, allez savoir pourquoi, j'avais ressenti l'envie de m'isoler un peu, et pour cela je ne connaissais pas de meilleur lieu que la bibliothèque. Un endroit tout à fait paisible, calme, où il était facile de se relaxer sans être emmerdé à tout bout de champ. Vous savez, dans une bibliothèque, on est censé fermer sa gueule quand même. Et pourtant, en voyant Rory allongée et endormie sur l'un des sofas de cette grande salle, je brisai le silence qui y régnait pour murmurer, à moi-même « En voilà une qui a confondu la bibliothèque et la chambre à coucher... » Je m'approchai alors de Rory et soulevai ses jambes, puis m'assis sur le bout du sofa avant de reposer ses jambes sur mes genoux. La demoiselle dormait, sans doute légèrement, mais elle dormait. Devais-je la réveiller ? Je ne savais pas trop quoi faire, à vrai dire. Je chuchotai alors à l'oreille de la jeune fille « Tu veux que je te porte jusqu'à ton lit ? » Bah oui, tant qu'à faire, Rory serait sans doute plus disposée à se reposer dans un lit que sur un sofa. Mais bon, si elle souhaitait rester ici, je n'allais pas non plus l'y porter de force. Ce que je voulais, avant tout, c'était m'assurer de son confort. Mine de rien, j'étais un mec assez sympa quand même.

Ce n'est pas l'entrée de Ruben qui extirpa peu à peu notre jolie Rory de son sommeil mais bien lorsque ce dernier vint prendre place à ses côtés. Relevant délicatement ses jambes pour s'installer et les allongeant à nouveau sur les siennes, le grand brun se pencha alors un peu plus près de son visage pour lui murmurer. les yeux encore fermés, Rory esquissa un petit sourire. C'était mignon. Elle prenait par là même conscience de s'être endormie. Elle ouvrit délicatement les paupières, inspira un grand coup et secoua négativement la tête. Non merci, je préfère rester là. Dit-elle simplement comme une enfant à qui on aurait suggérer de se coucher alors qu'elle aurait encore envie de jouer malgré la fatigue. Cela dit, notre Djette ne se leva pas pour autant. Au fond, plutôt pas trop mal mise, elle réajusta un petit coussin de déco sous sa tête et rentra ses mains dans ses manches. Elle avait souvent le bout des doigts trop froid. Hey dis, tu me racontes un truc marrant ? Une histoire qui t'es arrivée ou quelque chose comme ça ... Quand je vous disais qu'elle pouvait retomber en enfance en deux secondes ... vous me croyez maintenant ?

Une enfant. Voilà ce à quoi la jolie Rory, alors blottie dans les bras de Morphée, me fit penser. Je crus voir, allongée sur ce canapé, ma petite sœur. Il y a encore quelques années, quand celle-ci n'était encore qu'une innocente enfant -avant de nous faire vivre à tous l'enfer- je prenais toujours une dizaine de minutes, chaque soir avant d'aller dormir, pour aller dans sa chambre et la border. Là, quand celle-ci se réveillait, je devais m'atteler à la tâche de lui lire une histoire. Rory était vraiment craquante comme ça. Elle avait beau avoir une vingtaine années, elle semblait avoir gardé la douce innocence de l'enfance. Je lui avais proposé de la conduire jusqu'à son lit, dans lequel elle serait assurément plus confortablement installée, mais Rory refusa. « Non merci, je préfère rester là. » Si elle était bien là, alors c'était bien aussi. « Très bien. » La jeune femme réveillée pour de bon, elle ne perdit pas un instant avant de me demander de lui narrer une histoire. Comme à une enfant, comme à ma petite sœur. « Hey dis, tu me racontes un truc marrant ? Une histoire qui t'es arrivée ou quelque chose comme ça ... » Je pris un instant pour réfléchir, cherchant ce que j'allais bien pouvoir raconter à la demoiselle sur moi, ma vie... ou mon passé. « Je pourrais te raconter mon secret... mais, non. » Oh et puis, je n'étais pas sur qu'en lui révélant celui ci la jeune femme puisse ensuite trouver le sommeil. C'était plus le genre de trucs qui vous tourmentaient par la suite, plutôt que le genre de choses qui vous apaisaient. Je pris alors un élan de respiration. « C'est l'histoire d'un bonhomme de trente piges qui devint un jour le mec le plus détesté de son village. Il avait semble-t-il prit une décision qui n'avait guère plu aux habitants du village, qui l'avaient alors traité de tous les noms et s'étaient offert le plaisir de le gifler. Le bonhomme, fatigué de tout ce qu'il avait à subir, se transforma comme par magie en un redoutable monstre et détruit alors tout sur son passage. » Heu, ouais, d'accord. Étrange histoire qui était inspirée de ce que j'étais amené à vivre en ce moment dans le nid. Pour la fin, je l'avais un peu imaginé mais si je devais encore rester plusieurs semaines ici, cela ne tarderait sans doute pas à se passer. Rory écoutait l'histoire que je lui racontais. J'ignorais si elle allait comprendre les nuances de celle-ci et surtout si elle allait me reconnaitre dans le rôle du bonhomme déchu... Comme qu'il en soit, cet instant me rappela à quel point je n'étais vraiment pas doué pour raconter des histoires.