W/ LHOAS

Milan était tranquille, sur la terrasse, son bouquin à la main. Jacques le fataliste de Diderot, en l'occurrence. Allez savoir pourquoi il relisait ce bouquin qu'il n'aimait pas spécialement. En tout cas, il était posé sur l'un des fauteuils, pieds sur la table. Il faisait agréablement frais. Pas froid comme encore quelques jours plus tôt, mais frais. Assez bon pour se permettre d'être en pull à l'extérieur sans greloter en tout cas. L'irlandais venait de terminer de manger. À vrai dire, son repas avait une véritable épreuve, aujourd'hui. d'abord ravi de trouver un plat de... macaronis au fromages ? sur la table de la terrasse, il s'en était servi, pas gêné le moins de monde. Toute façon, il avait autour de la casserole toute une tripotée d'assiettes vides, donc c'était pas une louche en moins qui allait déranger qui que ce soit. Cependant, il avait bien vite déchanté en enfournant une première bouchée. Putain. Mais c'était immangeable. Avec grimace, il avait balancé son assiette, et était rentré ses servir un bol de kellogg's, absolument pas motivé pour se préparer un truc lui-même. Une fois repu, il s'était donc installé là, avec son bouquin. Il lisait depuis dix minutes environ lorsque quelqu'un débarqua,et s'approcha, visiblement dans le but de se servir de macaronis. « À ta place, j'éviterais » lâcha Milan d'une voix blanche, sans même lever les yeux. Bah ouais. Être témoin d'un empoisonnement, très peu pour lui, que la victime soit le pire con du nid ou au contraire la personne la plus sympa. Regardant alors à qui il s'adressait, il constata qu'il s'agissait de Lhoas. Il aurait sûrement été capable de croire que Milan voulait simplement qu'il crève de faim. « Ils sont dégueulasses mais bon, c'est toi qui voit » précisa-t-il alors. Une chose était sûre, s'il ignorait l'identité de la personne qui avait tenté de tous les empoisonner, ce n'était sûrement pas Esther. Elle, elle cuisinait super bien, bordel de merde.

Mmh, la faim. La faim taraudait le pauvre ventre vide de Lhoas, il gargouillait, se tordait dans tous les sens. Inutile de préciser que comme beaucoup de mecs, Lhoas n'avait aucun don pour la cuisine, il allait donc devoir, encore ce midi, choper un plat tout fait, se servir dans une casserole préalablement préparée par d'autres candidats ou manger un biscuit ou des céréales, choses les plus faciles à faire pour lui. Cela devenait une habitude, il n'y avait d'ailleurs pas beaucoup de cuistots dans le nid, c'étaient souvent les mêmes qui cuisinaient, lorsqu'ils daignaient cuisiner et en faire assez pour tout le monde. Il faisait bon aujourd'hui, Lhoas eut envie de prendre l'air, de voir le jour, de sentir l'air lui passer sur le visage, et puis tout simplement mesurer la température de dehors. Vous voyez comme quand vous vous levez le matin, que vous demandez à votre mère "hé 'man il fait comment dehors?" et qu'elle vous répond "bah va voir". Eh ben dans ce cas-là vous sortez et vous prenez la température, en somme. C'est ce que Lhoas, toujours en caleçon et réveillé depuis peu, fit. L'air allait le réveiller complètement et il pourrait constater du temps merveilleux qu'il faisait aujourd'hui. Lorsqu'il arriva d'une manière trainante sur la terrasse, il y dénicha un plat de pâtes. Ô joie, Dieu était avec lui en ce jour. « À ta place, j'éviterais » fit une voix à son côté, d'une personne allongée. Milan, visiblement, ils n'étaient pas en très bons rapports. Pourquoi lui empêchait-il de manger ce con ? « Ils sont dégueulasses mais bon, c'est toi qui voit » ajouta-t-il. Lhoas regarda alors les pâtes d'un air douteux et dubitatif. « Merci de l'info » lâcha-t-il au candidat qui l'avait averti de la non-confiance à avoir en ce met si tentant. « T'es pas si con, finalement » fit remarquer Lhoas, tout haut, tout en s'appuyant sur la rembarde face à Milan, histoire de taper la causette.

Au fond, c'était juste pour être sympa - ou du moins, pour pas être trop méchant, cruel, sans cœur, sadique - que Milan avait adressé la parole à Lhoas, et l'avait mis en garde contre ces macaronis des enfers. S'il décidait de tenter le coup quand même, c'était son problème. Chacun sa merde. Mais le fait que, bizarrement, il prenne en compte le conseil de l'irlandais, malgré la mésentente clairement visible entre eux le faisait sourire intérieurement. Comme quoi, il ne remettait pas tant que ça sa parole en doute. Bref, Milan était près à retourner se plonger dans son bouquin quand la voix de son compagnon se fit à nouveau entendre. Il faillit penser "il me veut quoi, lui, encore ?" mais les paroles du gosse l'en empêchèrent. C'est vrai, ça aurait été trop ironique de se dire ça après s'être fait dire qu'on était pas si con, finalement. Relevant la tête vers le brun, il répondit « parce que je t'ai empêché de mourir empoisonné ? c'est juste pour sauver ma peau, tu sais » avec un sourire sarcastique, pour plaisanter. Et s'il n'était pas capable de comprendre le deuxième degré, il pouvait bien aller se faire foutre. Il n'avait pas envie de se prendre la tête - encore - avec lui parce qu'il n'avait aucun humour qui ne tournait pas autour du cul, de la bite, du cul et du cul. Finalement, il haussa vaguement les épaules. « Mais merci, je suppose que toi non plus, t'es pas si con. » C'était sûrement vrai. Milan essayait de s'arrêter le moins possible à la première impression qu'il se faisait des gens, et il estimait tout à fait possible que Lhoas se révèle sympa... un peu... et qu'ils avaient tout simplement pris un mauvais départ.

« Mais merci, je suppose que toi non plus, t'es pas si con » conclut-il lui aussi. Lhoas se surprit à sourire, il était sûr que les deux mecs pourraient bien s'entendre s'ils n'avaient pas pris un mauvais départ, il en était même presque certain. Après tout, l'humour de Milan qui était légèrement pince-sans-rire, plaisait bien à Lhoas et son humour personnel était un peu du même genre, bien que peut-être un peu moins recherché, Lhoas avait une certaine présence d'esprit mais n'avait pas vraiment eu l'occasion malheureusement de faire Harvard. Il n'en restait pas moins tout de même intelligent, bien entendu, même s'il était souvent aveuglé par les pulsions de son bas-ventre. Lhoas partit alors à la cuisine chercher deux verres et une bouteille de tequila. Il se ramena sur la terrasse avec ses verres et sa bouteille et les posa sur la petite table à côté d'où Milan était posé. « Un verre pour repartir sur de bonnes bases ? Bon je sais ça sonne un peu idiot, mais je sais pas quoi dire d'autre, j'ai juste envie de repartir mieux avec toi, t'as l'air d'être un type sympa et j'me disais que un peu de tequila symboliserait le tout » dit Lhoas, sincère. Restait à voir s'il allait l'envoyer bouler ou non.

Bon, la conversation se finissait là, alors ? Bon ben finalement, ils ne seront pas restés civilisés très longtemps. En tout cas, déjà Lhoas se barrait. A plus vieux. Le suivant du regard jusqu'à ce qu'il disparaisse à l'intérieur du château, il reporta aussitôt son attention à son putain de bouquin, dont il avait relu la même phrase au moins quinze fois. Finalement, à peine une minute plus tard, le voilà qui revenait, armé cette fois de deux verres et d'une bouteille. Intrigué, Milan le regarda faire, poser tout son bazar sur la table, tout ça. Il finit par esquisser un sourire lorsque le brun lui expliqua le but de la manœuvre. Finalement, avoir accepté de revenir dans le jeu n'était peut-être pas une si mauvaise idée que ça, si ça pouvait adoucir certaines relations qu'il avait avec des candidats. « J'dis jamais non à un verre. » Fermant définitivement son livre cette fois, il le posa à côté des verres, buggant un instant sur le drôle de contraste. « Ni à la tabulsa rasa » ajouta-t-il en se redressant. C'était Lhoas qui avait la bouteille en main, donc c'était lui qui leur servit à chacun un verre. Ou plutôt un quart de verre, parce que affoner un verre entier de tequila, mouais, voilà quoi. Déjà qu'à la base, Milan était pas trop tequila. Ouais, ce bon vieux cliché du "la tequila c'est l'alcool des meufs". Lui, il était plus whisky. Au pire, c'était pas si grave. Attrapant son verre, il le leva genre "à la tienne" et lâchant un « à ton côté pas trop chiant » accompagné d'un sourire, puis il avala d'un coup le contenu de son verre.

« À ton côté pas trop chiant » trinqua le jeune blond aux pectoraux faisant venir la bave au gosier. Lhoas sourit leva également son verre et but cul sec la tequila. « À ton côté pas si borné » renchérit Lhoas tout en leur servant un deuxième verre, qu'ils affonèrent tout aussi vite. Ils rigolèrent ensemble, l'alcool faisant tout doucement effet. Le soleil gagna leurs visages et leurs corps, réchauffa l'atmosphère. Las d'être debout alors que son acolyte profitait du confort d'une chaise longue, Lhoas s'assit sur la fin de la chaise longue qu'occupait Milan, l'obligeant à pousser un peu ses jambes vers la droite du siège. Finalement c'était un type cool ce Milan - même si son prénom rappelait l'Italie. « Sinon tu viens d'où tu fais quoi dans la vie, le pas si con ? » questionna Lhoas, tout en détaillant le visage du blondinet en souriant, voulant apprendre à faire connaissance, les langues se déliant avec l'alcool.

Faut croire que celui qui a dit un jour que l'alcool ça rapproche n'avait pas tout à fait tord. Parce que merde, si on avait dit à Milan qu'il allait faire copain-copain avec ce branleur de Lhoas et même pas contre son gré, il l'aurait jamais cru. Pourtant, les voilà en train d'affoner encore un verre. Et s'en resservir un encore. Enfin au pire, s'il regrettait par la suite, il pourrait toujours dire que c'était la tequila qui l'avait intéressé mais il en doutait. Cacher qu'il s'entendait bien avec quelqu'un, c'était pas son délire. Bref, se dégageant un peu pour lui laisser de la place, Milan secoua un peu la tête en l'entendant lui demander de raconter sa petite vie. « J'viens de Galway officiellement, de Bosnie officieusement. Et j'suis étudiant dans un truc qui t'intéresse sûrement pas, puis je taffe aussi, et j'suis dans mille assoc caritatives contre la peine de mort, la pêche à la baleine, pour trouver des fonds pour la recherche contre le cancer, ce genre de trucs. » Et hop, un verre again. C'était pas si mauvais que ça, la tequila, tant pis si c'était pour les meufs, lui, ça le dérangeait pas de boire de l'alcool pour les meufs. Pointant un index accusateur vers lui, il fronça les sourcils. « Mais elles sont nazes tes questions. Dis-moi plutôt un truc intéressant sur toi. » Ouais, parce qu'il s'en foutait pas mal d'où venait Lhoas, et de ce qu'il pouvait bien foutre de ses journées. C'était pas avec ça qu'il pourrait se foutre de sa gueule, à moins qu'il ne lui sorte qu'il était genre gigolo pour le roi d'Inde, ou un truc comme ça.

Milan narra quelque peu sa vie à Lhoas, qui l'écoutait assis sur le bord de la chaise longue où Milan était allongé, ils se regardaient, discutaient. Milan finit de raconter sa brève vie et se resservit un verre ainsi qu'un à Lhoas, encore. Puis pointant un doigt vers Lhoas, il prit à nouveau la parole. « Mais elles sont nazes tes questions. Dis-moi plutôt un truc intéressant sur toi » dit-il alors. Hmm, un truc intéressant. Ne pas narrer ni raconter sa vie ni d'où il venait, ni rien du tout. Un truc intéressant. Bon. « Tu vas pas me croire mais, j'suis le conducteur du Magicobus, en fait » tenta Lhoas, visiblement quelque peu joyeux déjà, essayant de faire passer son métier de chauffeur de bus comme intéressant, selon les dires et envies de Milan. En espérant que ce dernier ait une vague culture sur la saga magique. Mais après tout, qui ne connaissait pas Harry Potter ? Lhoas lança un sourire à Milan avant de se lever, et d'aller conquérir la cuisine et le cellier pour trouver un alcool qui leur mettrait la tête encore un peu plus à l'envers : la vodka. Mais comme si ça ne suffisait pas, Lhoas ramena également du whisky. De quoi satisfaire les deux nouveaux fanfarons. Lhoas se rassit sur la place que Milan lui avait laissé vacante tout en effleurant sa cuisse sans une maladroitesse involontaire, sa main lasse avec l'alcool trainant sur la chaise longue, un peu trop loin. Son geste passa inaperçu, Milan ne parut même pas le sentir. Alors ce magicobus ? Peut-être deviendrait-il plus réel avec un verre de whisky. « Cheers » fit Lhoas lorsqu'il cogna son verre de whisky contre celui qu'il venait de donner à Milan. Expression typiquement locale, fallait-il croire.

Pardon ? Euh, pardon ? Il se foutait totalement de sa gueule là ? Magicobus ? Come on, il se croyait dans Harry Potter or what ? Aussitôt, il revoyait mentalement cette scène mythique du troisième film de la saga, t'sais, ce moment où le bus fonce puis qu'il s'arrête pour laisser passer la oma, puis t'as la tête qui fait le décompte et boum, il repart à peine a-t-elle dépassé la casserole d'un millimètre. Non, impossible. Il pouvait pas être aussi doué que le vieux Ernie. « Des couilles, j'ai pas assez bu pour croire ça » répliqua-t-il. Genre, il le croyait vraiment si naïf ? Milan lui lança un regard mauvais, pas dupe. Nan mais pff. Te fous pas de ma gueule, vieux, te fous pas de ma gueule. En seule réponse, le gars Lhoas se leva une fois de plus pour s'éclipser. A plus, vieux. Vieux ? Ah, le revoilà. deux autres bouteilles dans les griffes. Whisky et... vodka ! Le laissant servir deux cuves de whisky, en l'occurrence, il attrapa son verre, trinqua et boum. Le... quoi ? « Le Magicobus, tu dis ? Mauve et tout ? » Les sourcils haussés, il s'imaginait Lhoas édenté, avec des sapes de clochard et les tifs d'Einstein, en train de bouffer sa tartine d'il ne savait quoi, devant son volant qui faisait quatre fois sa tête. Poilant.

Monsieur jolis têtons - oui Lhoas avait déjà reluqué le torse de Milan, un jour à la piscine - ne semblait pas croire aux âneries de Lhoas et c'était totalement justifié. Lhoas en tant que ce bon vieux Ernie ? Totalement décoiffant. Mais pour autant, c'en était pas loin, du moins il se considérait comme le Ernie de Belfast, dans son beau bus attitré. Le Magicobus. Pourquoi pas conducteur du Poudlard Express tant qu'on y était hein ? Mais bon ça s'éloignait du concept du bus, or Lhoas conduisait un bus, non un train. Encore moins un train magique, loin de là. Un coup de whisky, deux coups de whisky, et l'histoire parut mieux passer. « Le Magicobus, tu dis ? Mauve et tout ? » Lhoas éclata de rire, comme un mongole, avec l'effet de l'alcool puis posa une main sur l'épaule de Milan comme pour lui confier un secret, amicalement. « Mais ouais, le Magicobus mec, comme dans Harry Potteeeeeeeeeeer » dit Lhoas, en insistant sur la voyelle qui parut longue, avec l'effet de l'alcool, encore une fois. Un nouveau coup de whisky pour les deux camarades, toujours la main de Lhoas sur l'épaule de Milan, qui s'était redressé. « Harry Potteeeeeeeeeeer, tututututututu » fit Lhoas en commençant à siffloter et mimer l'air du générique de la saga, tout en passant un bras autour du cou de Milan et en se balançant de droite à gauche comme deux vieux fanfarons ivres. Ainsi se mirent-ils tous les deux à chantonner le refrain très.. magique. L'instant aussi était magique.