Décidément, ses pâtes au pesto étaient les meilleures que je n'avais jamais faite. Poivrées à la perfection, juste assez de sauce, bref, c'était l'assiette parfaite. Je me sentais aux anges et d'humeur légère : c'était l'effet que me faisais la nourriture. Ça faisait du bien d'être tranquille, presque solitaire, sur le toit comme cela. La journée était belle, quoique un peu venteuse, mais je profitais du moment à fond. J'entendis toutefois des pas près de moi et levant les yeux, j’aperçus Lennon s'approcher. Un sourire se forma sur mes lèvres. Cela faisait un bout de temps que l'on avait pas discuté, depuis notre rencontre dans le cellier. Je l'aimais bien, ce garçon, il me mettait à l'aise et il était pour moi la personne que j'appréciais le plus dans la maison en ce moment. « Bonjour. Bon appétit » dit-il simplement. « Merci beaucoup, mon cher. Assieds-toi, m'enfin, si tu le veux bien, même si je doute que tu sois venu jusqu'ici si ce n'était pas pour me parler... Bref. » Ça y est, je me mêlais dans mes mots ! Était-ce ce qui s'était passé qui m'embrouillait l'esprit ? Oh, pitié que ça ne soit pas le cas, je n'étais plus une adolescente. N'empêche que je souriais à sa vue, c'était comme ça, il me faisait sourire, il y a des gens comme cela.

À sa réponse, je me rembrunis. Euh, quoi ? J'étais si bouche bée que je ne réagis même pas, ma fourchette suspendue dans les airs, entortillée d'une bonne part de pâtes. Qu'est-ce que j'étais sensée répondre à cela ? Perplexe, je l'observai s’asseoir en m'observant, passant sa main dans ses cheveux. « Je veux dire, pas à la base. » Je haussai des sourcils, cette fois esquissant un sourire. Bah, c'était presque rassurant, au moins il ne m'évitait pas, ça n'avait été qu'un hasard. Je laissai échapper un petit rire. « Je dois l'avouer, j'étais presque vexée, là » dis-je en souriant gaiement, lui prouvant que je rigolais. Enfilant ma bouchée de pâtes, je tentai d'articuler pour me faire comprendre. « T'étais venu prendre l'air en cette superbe journée, alors ? » Oh seigneur, l'art d'avoir l'air ridicule par moi-même...

J'eus un petit rire. Plus de tact, et il s'excusait ? Je ne le connaissais peut-être pas beaucoup, mais il m'en avait dit assez pour que je saches que ce n'était pas son genre d'avoir du tact, il me semble qu'il était beaucoup plus du style à tout dire sans penser, malgré que... « T'en fais pas. » On ne connaît jamais vraiment les gens. « Oui, enfin superbe… Il fait un peu gris mais j’avais besoin de prendre l’air. » J’acquiesçai, levant quelques secondes les yeux vers le ciel avant de les reposer sur Lennon, qui paraissait un peu dans les vapes. Que lui arrivait-il ? Reposant ma fourchette, je le fixai dans les yeux. « Prendre l'air ? Y'a quelque chose qui ne va pas Enfin, si je ne suis pas trop indiscrète » demandais-je en douceur.

Il me souriais d'un air sincère. Du moins, je crois. J'avais toujours eu un petit don pour savoir si les sourires étaient véritablement des sourires, et je crois que celui de Lennon l'était, bien que c'était évident que quelque chose le tracassait. « Ah, non ! Je n’aime pas rester enfermé si longtemps sans air frais, c’est tout… » dit-il d'un air vague. Je plissai des yeux. J'étais peut-être pas la plus brillante de cette terre, mais je savais que ce n'était probablement qu'un infime pourcentage de la véritable raison. Je le fixai, bien qu'il semblait un peu éviter mon regard, ou c'était peut-être moi qui rêvais. « Ça va mal. Tu n'es pas un très mon menteur, sans vouloir t'offenser » dis-je avec un petit rire. J'étais la meilleure pour déceler les mensonges, surtout que je les détestais. Était-ce à propos de ce qui c'était produit dans le cellier ? « Si c'est à propos de ce qui s'est passé... » m'emportais-je aussitôt, espérant que mon intuition disait vrai et que je n'en parlais pas alors qu'il y avait un total autre soucis. « Enfin, je veux dire, ce n'est... On est pas... » Je perdais mes mots. Génial.

Oups. Je crois bien que j'ai fait une erreur. Et une erreur monumentale. Son sourire avait complètement disparu, il était devenu froid, j'avais l'impression de me retrouver devant... oh, je ne savais pas, je n'avais jamais vu quelqu'un se refermer à cette vitesse. « Non. Quoi que tu aies voulu dire. Et oui, je vais bien » dit-il d'un ton sec. Je ne trouvai rien à répondre, sinon d'acquiescer en fronçant des sourcils. D'accord. Je l’agaçais véritablement, on aurait dit, je l'avais mis dans l'embarras, peut-être ? C'est vrai que j'oubliais constamment que j'étais devant des caméras, et que des millions de gens nous jugeait à l'heure qu'il est. « Ecoute, n’en parlons plus. Je ne suis pas venu dans ce jeu pour ça. » Aie, ça faisait mal ? « D'accord » laissai-je tomber, tout simplement. Certes, j'imagine qu'à quelque part je m'y attendais, il ne semblait pas être très pro-sentimental. Mais tout de même, je pensais que... Enfin, j'étais probablement idiote. Au moins, il était honnête. Mais je pensais m'avoir trouvé un ami. « Je voulais pas qu'on commence à s'aimer, Lennon, ni me marier avec toi ou je ne sais trop quel truc du genre, je voulais juste qu'on apprenne à se connaître. Et puis, c'est le jeu, non ? Si tu n'es ici que pour gagner, pour rien, rien d'autre, et qu'au fond de toi tu n'as aucune envie de te faire des amis ou tisser des liens, alors je crois que ça sert à rien de continuer, c'est inutile, non ? » Bah, tant qu'à être honnête, j'allais l'être aussi, non ? Et l'honnêteté, ça passait avant la peur d'être nominée pour moi.